À Marseille, les calanques prises d'assaut : surfréquentation, biodiversité menacée... La mairie souhaite en restreindre l'accès
Depuis le déconfinement, des pics de fréquentation ont été atteints dans le Parc national des Calanques. Une jauge de personnes autorisée quotidiennement pourrait être instaurée. Une expérimentation avec des réservations sur internet a déjà lieu.
Faudra-t-il bientôt réserver sa place sur internet pour entrer dans le parc national des Calanques ? C'est l'idée envisagée pour faire face à un problème critique de surfréquentation. Depuis l'épidémie de Covid-19, les calanques entre Marseille et Cassis sont prises d'assaut. Les Marseillais s'y sont rués lors des déconfinements et un afflux de touristes est attendu cet été.
Embouteillages sur les routes
Pour prendre la mesure du problème, franceinfo s'est rendu au "bout du monde". C'est le surnom de la calanque de Callelongue. On y accède en voiture par une petite route qui longe la mer et qui se termine en cul-de-sac. En temps normal, il faut vingt minutes pour venir depuis le centre-ville de Marseille mais en ce moment on compte jusqu'à deux heures de bouchons. Jeannot, qui vit ici à l'année dans un cabanon comme une cinquantaine de personnes, observe le ballet incessant des voitures. "Là on est en surpopulation", soupire-t-il.
"Si les pompiers doivent venir, le passage est délicat pour eux. En cas d'un petit infarctus, vous êtes mort. S'il y a un incendie, je me demande..."
Jeannotà franceinfo
Selon Jeannot, la situation "devient catastrophique. C'est le Bronx ! Il n'y a pas de surveillance policière et ce n'est pas la peine : quand ils viennent, il y a trop de travail et ils repartent. C'est horrible..."
Le week-end, les calanques se transforment en un parking géant à ciel ouvert. Il faut dire que les transports en commun sont quasi-inexistants. Il n'y a qu'une seule navette de 15 places qui fait des allers-retours entre le centre-ville et Callelongue. Résultat : les gens viennent en voiture et se garent comme ils peuvent.
La cohue sur les plages
Il n'y a pas que sur les routes que ça bouchonne. Sur les plages, on a atteint des pics de fréquentation ces derniers mois : six personnes par m2 par endroit. Dans certaines calanques, la fréquentation a triplé depuis le début de l'année. Ici, certains observent des phénomènes inédits : des baigneurs qui font la queue sur le sable avant de pouvoir piquer une tête.
Et qui dit surfréquentation, dit aussi hausse des incivilités. Certains n'hésitent pas à mettre la musique à fond sur la plage ou faire un barbecue au cœur du parc national, ce qui est pourtant interdit.
Même dans les calanques les plus reculées
La calanque de Marseilleveyre n'est facile d'accès. On y arrive par un sentier qui longe la mer et "il y a 40 minutes de marche", explique Dominique étonnée de voir malgré tout une bonne centaine de personnes sur la plage et une vingtaine de bateaux amarrés. "Si c'est blindé ici, ailleurs tu laisses tomber... Il y a pas mal de monde, il fait super beau et depuis le confinement, les gens ont carrément envie d'être dehors", assure-t-elle.
Cette surfréquentation est un effet direct de la pandémie : l'impossibilité de partir à l'étranger, le besoin d'espace et de nature tout en restant à côté de chez soi. D'ailleurs, hors période de vacances, 80% des visiteurs du parc des calanques habitent dans la métropole marseillaise.
Limiter l'accès pour préserver la biodiversité
Les plantes rares sont piétinées et désormais en danger comme l'astragale de Marseille. La nidification des oiseaux est perturbée par les nuisances sonores et les herbiers sous-marins, comme la posidonie, sont arrachés par les ancres des bateaux.
Pour lutter contre ces phénomènes, des zones d'interdiction de mouillage pour protéger la biodiversité sous-marine viennent d'être mises en place. Des panneaux indiquant en temps réel la fréquentation des calanques vont aussi être installés à l'entrée du parc. Il s'agit de décourager certains visiteurs mais la mesure qui pourrait tout changer, ce serait le contingentement du parc. En clair : une jauge de personnes autorisées à entrer dans le parc quotidiennement. "On vient heurter ce principe de libre accès à la nature, reconnaît François Bland, le directeur du parc national des Calanques. Mais en dépassant des limites aujourd'hui, il nous faut prendre des mesures beaucoup plus fortes, d'où cette idée de pouvoir tester en espace naturel le contingentement de l'accès."
Selon François Bland, "il faut qu'on puisse le faire de façon équitable, peut être en passant par une réservation numérique. Une expérimentation est en cours d'étude pour peut-être être mise en œuvre dès cet été." À horizon 2024, une zone à trafic limité est même à l'étude. Concrètement, dans quelques années, seuls les riverains ou les clients des restaurants pourraient avoir accès en voiture aux calanques.
La mairie veut élargir la zone touristique
D'après la mairie de Marseille, lutter contre la surfréquentation passe par le développement de nouveaux sites touristiques. "Après un quart de siècle de gestion par Jean-Claude Gaudin, Marseille avait concentré tous ses atouts et ses attraits sur le parc national des Calanques, affirme Hervé Menchon adjoint en charge de la mer et du littoral. C'est une erreur que nous tentons de rattraper aujourd'hui." Il prend notamment en exemple l'évènement "la voie est libre" qui a permis de piétonniser des espaces routier du littoral. "On aura aussi une piétonisation et une végétalisation d'une partie du Vieux-Port", poursuit Hervé Menchon.
On va rendre comme ça les 57 kilomètres de littoral marseillais attractifs. Cela permettra à la population et aux touristes de ne pas seulement se diriger vers le parc national des Calanques.
Hervé Menchonà franceinfo
Des solutions à long terme qui permettront peut-être aux calanques de Sormiou, En Vau, Callelongue, ou au quartier des Goudes de retrouver ce rêve marseillais chanté par Massilia Sound System en 2007.
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