Alimentation : pourquoi le prix du paquet de pâtes risque d'augmenter
Les prix vont-ils augmenter dans les rayons des supermarchés ? Le coût des matières premières pèse de plus en plus sur les entreprises de l'alimentaire qui envisagent une hausse de leurs tarifs. Reportage chez un fabricant alsacien de pâtes artisanales.
Le blé, l'acier ou encore le carton… Les factures des matières premières ne cessent d’augmenter pour les entreprises. Au point que certains industriels se demandent s’il ne va pas falloir répercuter ces hausses sur le client final, c'est-à-dire le consommateur, avec une augmentation dans les rayons des supermarchés.
Prenons pour exemple, un paquet de pâtes, plus précisément un paquet de coquillettes de 250 g. Le prix conseillé par le fabricant est de 1,80 euro. Ces pâtes sont confectionnées à Colmar chez Jules Thirion. Cette société alsacienne fabrique toutes sortes de pâtes aux œufs de façon artisanale. Dans la cour de l'entreprise, il y a un imposant silo à blé et juste à côté, dans un grand hangar, une poignée de salariés, charlotte sur la tête, qui s'affairent au milieu de quelques machines. "Il y a la semoule de blé dur qui est mélangée aux œufs, décrit Gilles Reichstadt qui gère le site de production. La pâte est formée par le moule et part au séchoir pour 24 à 48 heures. Là, on est en phase d'emballage des cheveux d'anges."
"On prend la crise de plein fouet"
Le problème aujourd’hui c’est le prix de la matière première. La semoule de blé dur a flambé à cause d’une mauvaise récolte de son premier fournisseur : le Canada. Il y en a moins et de moins bonne qualité aussi. Une denrée rare devenue plus chère. Et ce n’est pas la seule facture qui augmente au sein de la petite entreprise de sept salariés. "Il y a la semoule de blé dur qui a augmenté de 30 % en l'espace d'un an, explique Gilles Reichstadt. Les œufs font partie intégrante de notre produit et augmentent aussi. On a également les cartons d'emballage qui ont pris environ 30 %. Il y a aussi le plastique d'emballage qui a pris plus de 25 % et ne serait-ce que le film qu'on utilise sur nos palettes qu'on expédie à nos clients a pris plus de 20 %."
Dan Hamon-Serval a racheté la marque centenaire de Colmar il y a dix ans maintenant. Face à ces coûts supplémentaires pour l’instant le patron Jules Thirion serre les dents. Il absorbe cette hausse des coûts en rognant sur sa marge, en gelant tout investissement et hausse de salaire pour ses employés. "On a une petite structure et on produit environ 1,5 tonne par jour. Si on compare, un industriel, même moyen, va être 70 à 100 tonnes jour, indique Dan Hamon-Serval. En tant qu'artisan, on prend la crise de plein fouet sans aucune visibilité. Donc, on est attentiste et on regarde car on ne sait pas jusqu'à combien vont s'arrêter ces augmentations. On a perdu notre marge et on attend de voir comment on va la répercuter."
Une hausse des prix inéluctable ?
Le patron de Jules Thirion pourrait envisager d’augmenter ses prix. Ce serait la chose la plus logique à faire. Mais un fabricant de l’agro-alimentaire, surtout un petit artisan, ne peut pas imposer une augmentation de tarif aux mastodontes de la grande distribution comme ça. Richard Panquiault dirige l'Institut de liaison des entreprises de consommation (ILEC), une association qui regroupe une foule de grandes marques dont Nestlé, Danone, Ferrero, Findus. Il le dit aujourd’hui très clairement, il faut une hausse des prix dans les rayons des hypermarchés. "On n'a jamais vu une telle augmentation de tous les intrants, c'est-à-dire ce qui rentre dans la composition et la fabrication d'un produit, déplore Richard Panquiault. Aujourd'hui, on a un adhérent sur quatre qui a envoyé un nouveau tarif. Les prix vont augmenter, et ils auraient dû augmenter depuis au moins six mois."
L'augmentation ne s'est pas produit parce que les entreprises diffèrent et prennent sur leurs marges. Il y a un moment où, obligatoirement, il y aura une traduction dans le prix des étiquettes sachant qu'à chaque fois il y a ce qu'accepte les distributeurs.
Richard Panquiault, directeur de l'Ilecà franceinfo
Des distributeurs qui, dans le cadre des négociations commerciales avec les industriels, consentent très peu de hausses de tarifs. Sauf qu'en cette année 2021, s’il n’y a pas ne serait-ce qu’une petite augmentation des prix dans les rayons alimentaires, les plus petits des fabricants ne tiendront pas bien longtemps.
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