"En France, le puits de carbone a diminué de 50%" : menacée, la forêt absorbe de moins en moins de CO2

Alors que la COP29, sommet international sur le climat s'ouvre en Azerbaïdjan, Franceinfo se focalise sur l'état des massifs forestiers français qui se détériore alors qu'ils jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le dérèglement climatique.
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Sécheresses, canicules, ou encore scolytes déciment les forêts françaises, comme dans la haute vallée de la Doller dans le Haut-Rhin, en juillet 2022. (GREGOIRE GAUCHET / DNA / MAXPPP)

Le climat est au cœur de la COP29, qui s'ouvre lundi 11 novembre à Bakou en Azerbaïdjan. Pour limiter l'impact de nos émissions de gaz à effet de serre, la forêt reste un puits de carbone essentiel. Mais ce puits est menacé et, en France notamment, il ne remplit plus son rôle aussi efficacement.

Pour se rendre compte de la situation forestière française, direction les massifs des Vosges du Nord, aux alentours de Bitche, en Moselle."Vous voyez qu'il y a des arbres qui sont marqués à la peinture rouge, qui sont mourants ou en très très mauvais état, décrit en connaisseur Hubert Schmuck, agent de l'Office national des forêts (ONF). Au-delà de la Croix-Rouge, il y a des endroits où l'écorce est en train de tomber. Et quand on regarde d'un peu plus près sous l'écorce, là, on voit que le tronc est déjà sec. C'est-à-dire qu'il y a déjà plus de circulation de sève."

"2015, 2016, puis surtout 2018, 2019, 2020 et 2021 ont vraiment été des années terribles."

Hubert Schmuck, agent ed l'ONF à propos des sécheresses et des canicules

à franceinfo

Un manque d'eau et des températures trop élevées rendent le dépérissement des arbres parfois inévitable. "On a vu des exemples de feuilles qui ont roussi en quelques jours, en particulier en 2019, quand les températures dépassaient 37, 38, 39 degrés. À un moment donné, elles ne résistent pas", se désole l'agent de l'ONF. Pour un autre chêne, c'est irréversible. "Celui-là, il est mort, donc il ne va pas ressusciter, confirme Hubert Schmuck. Les bûcherons vont arriver d'ici quelques jours ou semaines pour l'abattre. Un chêne comme ça, de qualité, peut devenir un merrain pour faire vieillir du bon vin." Cette situation de crise ne concerne pas que les arbres vosgiens. D'après l'IGN, l'Institut de l'information géographique et forestière, la mortalité des arbres a doublé en 10 ans dans l'ensemble du pays.

Les arbres mourants ne peuvent plus stocker de carbone. "Il faut comprendre que la photosynthèse des plantes va prendre du CO2 dans l'atmosphère, explique Marc-André Selosse, professeur au Muséum d'Histoire naturelle de Paris. C'est ça fixer du carbone et faire du bois, des feuilles. Quand ça tombe par terre, comme en ce moment, à l'automne on en a plein sous les pieds, on a plein de feuilles mortes, on a du bois mort et c'est ce qui fait que le sol est noir. Tout le temps où ce carbone est dans de la matière organique, dans la plante ou dans le sol, il n'est pas dans l'atmosphère. Il n'est pas sous forme de CO2, il est stocké." 

Les scolytes qui rendent les arbres malades

Au sein de la forêt domaniale de Mouterhouse, en Moselle, Hubert Schmouk de l'ONF montre les conséquences de l'autre menace qui pèse là sur les épicéas du Grand-Est. Une menace elle aussi liée aux sécheresses : les scolytes, des insectes ravageurs, qui profitent de la faiblesse des arbres. Il s'arrête devant des troncs d'épicéas fraîchement coupés et empilés en bord de chemin. "Là, ils ont tous été coupés dans la parcelle derrière nous et on voit un grand vide. En fait, ils ont été coupés parce qu'ils étaient morts, explique-t-il. L'idée, c'est que ces galeries-là qu'on voit, ce sont les galeries maternelles, là où les femelles sont allées pondre, et les larves, au fur et à mesure qu'elles grandissent, elles avancent, elles progressent et leur galerie s'élargit." La situation de crise et d'épidémie est donc déclarée. Le seul moyen de lutter contre cette propagation des scolytes, c'est de couper et de récolter le bois.  

Les scolytes creusent des galeries dans l'écorce des épicéas et les font mourir. (LIONEL VADAM / L'EST REPUBLICAIN / MAXPPP)

Mesurer le déclin de ce puits de carbone qu'est la forêt, c'est le travail notamment de Philippe Ciais, chercheur au laboratoire des sciences du climat et de l'environnement. "À l'échelle globale, oui, les forêts continuent à absorber beaucoup de carbone. Aujourd'hui, les forêts sont le puits de carbone principal, nuance-t-il. Mais observe en Europe que ce puits de carbone,a diminué d'à peu près 30%. Dans des pays comme la France, il a même diminué de 50%. Quand ça allait bien, il y a cinq ans, c'était à peu près 15% de nos émissions qui étaient en quelque sorte neutralisées ou absorbées par la forêt. Ce n'était pas rien. En divisant par deux, c'est 7% ou moins de 10% des émissions seulement qui sont absorbées par la forêt."

Pour renforcer ces puits de carbone, l'Union européenne prévoit de planter trois milliards d'arbres d'ici 2030. Mais de l'aveu des spécialistes, cela ne sera pas suffisant pour guérir nos forêts.

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