Reportage
"Il faut proposer autre chose" : face au cacao toujours plus cher, le "faux chocolat" peut-il devenir une alternative crédible ?

À moins de trois semaines de Noël, franceinfo s'intéresse au chocolat et notamment aux cours du cacao qui flambent. Face à l'explosion des prix, d'une entreprise allemande a créé le Choviva, un chocolat... sans cacao.
Article rédigé par Edouard Marguier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
À la place des fèves de cacao, la start-up allemande "Planet A Foods" utilise des graines de tournesol bio et locales pour faire son "chocolat". (Planet A Foods)

Comment s’adapter au chocolat toujours plus cher ? Sur les marchés mondiaux, la tonne de cacao tourne actuellement autour de 10 000 euros. Le prix a plus que doublé en 2024, à la suite de mauvaises récoltes au Ghana et en Côte d’Ivoire, les deux principaux pays producteurs. La situation est telle que des scientifiques ont trouvé comment faire du chocolat sans cacao. Le produit est même déjà en vente en Allemagne, notamment dans une grande chaîne de supermarché.

Ce faux chocolat a été mis au point par Planet A Foods, une start-up allemande. Fondée il y a trois ans à Munich, cette entreprise emploie 60 salariés. Jessica Karch nous dévoile la recette de Choviva, qui ne peut pas s'appeler chocolat car le produit ne contient pas de cacao. "À la place des fèves de cacao, on utilise des graines de tournesol, qui sont bio et locales, décrit-elle. Les étapes de productions sont en fait les mêmes que celles du chocolat normal, c’est-à-dire fermentation et torréfaction, ce qui donne le goût du chocolat."

"La production de cacao est sous la menace du réchauffement climatique"

L’ambition n’est surtout pas de remplacer le chocolat, mais de proposer une alternative. "La production de cacao est sous la menace du réchauffement climatique, explique Jessica Karch. Si on continue comme ça, il n’y en aura plus. On est convaincu qu’il faut proposer autre chose, en particulier pour les produits de masse, comme les biscuits ou les barres chocolatées."

"Choviva permet de réduire de 80% les émissions de CO2 car les champs de tournesols sont sur place. Cela plaît à de nombreux partenaires et consommateurs.""

Jessica Karch

à franceinfo

Les contrats se multiplient avec des enseignes de supermarché en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Le produit devrait arriver en 2025 en France. Mais les 2 000 tonnes produites sont une goutte d’eau par rapport à la demande mondiale de vrai chocolat. Cette quantité représente 0,04% des cinq millions de tonnes de cacao sont consommées chaque année dans le monde.

Des prix en hausse dans les chocolateries

En France, on ne se prive pas de manger du chocolat. Chaque Français en mange en moyenne 7 kg par an. Alors face au cours du cacao qui s'envole, la plupart des chocolatiers traditionnels répercutent cette hausse sur leurs tarifs. "On est obligé sinon ça va mal se passer pour moi", témoigne Christophe Bertrand, patron d'une chocolaterie de Savigny-sur-Orge en Essonne, au sud de Paris. Il confirme qu'il a dû augmenter ses prix d'autour de 10%.

Christophe Bertrand est patron d'une chocolaterie de Savigny-sur-Orge en Essonne, au sud de Paris. (CHRISTOPHE BERTRAND / REINE ASTRID)

À la tête d'une petite chaîne nommée Reines Astrid, avec quatre boutiques en région parisienne, il met tout en ouvre pour contenir la hausse. "Pour m'adapter, j'ai dû acheter en janvier à peu près une tonne de beurre de cacao, parce que ce n’était pas cher et je savais que ça allait augmenter. Mais pas au point auquel ça a augmenté", raconte Christophe Bertrand.

"On était à 9 euros le kilo en janvier, aujourd'hui, on est à 30 euros le kilo."

Christophe Bertrand, patron d'une chocolaterie

à franceinfo

Mais ces prévisions nécessitent des liquidités : "Par exemple , sur le cacao, j'ai envoyé 20 000 euros au Cameroun au mois de juillet, pour préacheter à peu près trois tonnes de cacao, parce que j'en ai besoin et parce que c'est le seul moyen pour qu'il me revienne un peu moins cher", confie le patron.

Cependant, pour Christophe Bertrand, également secrétaire général de la Confédération des chocolatiers et confiseurs, il n'est pas question de remplacer le cacao par du faux chocolat. Il ne croit pas du tout à la fin de la production : "Depuis les années 2000, on nous dit attention il n'y aura plus de cacao. Un cacaoculteur fait à peu près 300 kilos par hectare de rendement, avec en moyenne trois hectares. Et ce cacaoculteur, si on le forme à mieux tailler ses arbres, on peut faire deux à trois plus de cacao. Donc avant d'être en pénurie, franchement il va se passer du temps.".

Christophe Bertrand retourne dans son laboratoire en vue de Noël : les fêtes de fin d’année représenteront jusqu’à 40% de son chiffre d’affaires.

Une teneur en cacao faible dans certains produits

La grande majorité du chocolat est vendue dans la grande distribution. Les grandes marques répercutent aussi sur leur prix cette augmentation du cacao, mais dans une moindre mesure. La tablette de chocolat a augmenté en moyenne de 8% en un an, selon l’institut Nielsen IQ, spécialisé dans le suivi des prix à la consommation. Il y a aussi tous les produits chocolatés où la teneur en cacao peut être très réduite.

"Vous avez des produits au chocolat, attention ce ne sont pas des chocolats, et on peut avoir des taux de cacao inférieur à 20%, explique Xavier Terlet, président du cabinet ProteinXTC spécialiste de l’alimentation. Ce sont des produits à l'anglaise, si j'ose dire, avec un niveau de chocolat qui n'est pas du tout le même. Sur les produits bas de gamme, l'impact de la hausse du cacao est moindre parce qu'il y a tout simplement moins de cacao dans le produit." Certains espèrent surtout que la crise n'était que conjoncturelle, liée aux aléas climatiques et que les courts du cacao reviendront à la normale dès 2025.

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