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Reportage
Ils hurlent avec les loups pour pouvoir les recenser : on a suivi les agents de l'Office français de la biodiversité

L'Office français de la biodiversité s'occupe de recenser le nombre de loups en France. Pour cela, elle utilise notamment la technique des "hurlements provoqués". franceinfo a suivi une séance près de Chambéry, en Savoie.
Article rédigé par Boris Hallier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Quand les agents de l'Office français de la biodiversité hurlent avec les loups pour les recenser...  Jean-Claude Reverdy, le référent loup de l'OIB en Savoie et son équipe, lors d'une opération le 22 août 2023. (BORIS HALLIER / RADIO FRANCE)

Combien y a-t-il de loups en France ? C’est la question polémique qui divise éleveurs, préfectures ou défenseurs du loup. Une question pourtant essentielle pour déterminer la menace qui pèse sur les élevages et les mesures à mettre en place pour y faire face. Et c’est justement l'enjeu du plan loup 2024-2029 que prépare le gouvernement et qui doit être présenté dans les prochains mois. Cette tâche de recensement du loup est confiée aux agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), et ils ont certaines techniques un peu particulières.

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Dans leur jargon, on appelle cela des opérations de hurlements provoquées. Le principe est déroutant, mais il est très simple : imiter le cri du loup pour obtenir des réponses de vrais animaux. Le briefing est mené sur un parking par Jean-Claude Reverdy, le référent loup de l'Office français de la biodiversité en Savoie."Chaque équipe commencera à hurler à 21h30, pendant 30 secondes et toutes les quatre minutes. Une seule personne hurle la première fois et ensuite, on hurle en canon à deux, voire trois personnes."

Sept équipes de hurleurs

Une trentaine de hurleurs sont mobilisés : des agents de l'OFB, leurs collègues de la préfecture et de l'Office national des forêts, mais aussi des éleveurs, comme Marc. "Personnellement, moi, le loup, il ne m'emmerde pas tant qu'il ne touche pas à mes brebis." Jérémie, lui aussi, aimerait connaître la réalité des chiffres. "On entend dire qu'il y a des meutes de tant d'individus. Mais voilà, aujourd'hui, ce qu'on voudrait savoir, c'est la réelle pression." Alors pour le savoir, les sept équipes de hurleurs se dispersent dans la montagne, lorsque la nuit tombe.

"On est sur la partie nord du massif de Belledonne. On est vraiment bien situé pour réaliser des hurlements, explique Jean-Claude Reverdy. On est sur un poste un peu en hauteur qui embrasse tout un versant. Pour le premier hurlement, je vais commencer seul." En guise de porte-voix, il utilise un cône de chantier tel un micro. "Pour les hurlements suivants, on hurlera tous." Après les hurlements, tout le monde se tait et écoute. "Là, on a quelque chose qui pourrait ressembler à des adultes. On va continuer à écouter."

"En hurlant, on cherche à avoir la réponse de jeunes individus qui vont démontrer qu’une meute est là, avec un couple reproducteur stabilisé sur une zone."

Jean-Claude Reverdy

à franceinfo

Pour autant, les agents de l'OFB récoltent peu de réponses de loups ce soir-là. Ils ont bien distingué quelques bruits au loin, mais difficile de déterminer s'il s'agissait réellement de loups. En revanche, d'autres groupes ont eu un peu plus de chance et ont entendu des réponses d'adultes ou de jeunes. "On sait actuellement qu'il y a des individus de partout. Des meutes plus ou moins nombreuses installées également un petit peu partout. C'est vraiment difficile à évaluer", explique Jean-Claude Reverdy. Mais cette technique de hurlement provoqué n'est pas la seule utilisée. Empreintes, excréments, poils, pièges photographiques, les agents de l'OFB collectent des indices tout au long de l'année. 

Entre 900 et 2 000 loups en France 

Pour autant, malgré toutes ces techniques, il est difficile de dire si cela permet de savoir combien il y a de loups exactement en France. Les agents de l'OFB ne préfèrent pas commenter, le dossier est trop sensible. Le dernier chiffre officiel, lui, a été dévoilé au début de l'été par la préfète qui coordonne le plan loup. 906 loups ont été recensés en France pour l'hiver 2022-2023. Un chiffre stable par rapport à l'année précédente. Mais pour les syndicats d'agriculteurs, ce chiffre est largement sous évalué, comme l'explique Édouard Pierre, responsable du dossier prédation pour les Jeunes agriculteurs. "Quand on met un peu en perspective le nombre de victimes et le nombre d'attaques, on serait plutôt presque au double de ce que l'OFB annonce. Je pense qu'on est plutôt aux alentours de 2 000 loups sur le territoire national. L'OFB n'a pas les moyens de faire tourner ce modèle mathématique."

Pour eux, cette estimation est primordiale puisqu'elle détermine le plafond du nombre de loups qui pourront être abattus dans l'année. Les syndicats d'éleveurs réclament justement que le recours au tir soit facilité. Les défenseurs du loup, de leur côté, rappellent qu'il s'agit d'une espèce protégée et que même si les effectifs sont en hausse, leur pérennité n'est pas assurée.

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