: Reportage

"Ils ne s'attendent pas à un tel accueil" : comment des passionnées font vivre la mémoire des vétérans du Débarquement

C'est par hasard que Valérie a plongé dans l'univers des vétérans. "À 14 ans, mes parents m'envoient porter du courrier au bureau de poste de Créances, et là je rencontre sur le pas de la porte un monsieur", raconte la Normande, âgée aujourd'hui de 46 ans. Ce vétéran se nomme Bill Sullivan. Nous sommes alors en 1992, et cet homme âgé qui revient pour la première fois en Normandie est un peu perdu. "Et puis d'un seul coup, en français, il me sort : 'Je parle un petit peu français, mais en 1944, beaucoup calvados.'"

Valérie l'emmène chez ses parents. "Il a commencé à nous expliquer qu'il avait été parachuté à Sainte-Mère-Église, fait prisonnier et qu'il s'était évadé", poursuit Valérie. Il est par la suite caché chez l'habitant. Valérie l'aide à retrouver la famille qui l'avait hébergé. "On a retrouvé Pierre et Simone, s'exclame-t-elle. Et puis l'histoire est partie comme ça finalement !". Avec cette première rencontre avec un vétéran, Valérie "tombe dans l'engrenage" : Bill revient l'année suivante avec des camarades et Valérie devient leur point de repère et leur correspondante. "Je faisais un peu partie de la grande famille, des petits-enfants", explique la Normande que les vétérans surnomment "Frenchie".

"Des hommes qui ont donné leur vie et leur adolescence"

Valérie va ensuite tout faire pour transmettre leur histoire. Elle tombe des nues en découvrant que les adolescents, qu'elle côtoie dans le collège où elle est agent d'entretien, ne connaissent rien du tout à l'histoire de la Seconde guerre mondiale. "Le 6-juin, ils ne savaient pas à quoi ça correspondait. Ils m'ont sorti que c'était quand même les Chinois qui avaient débarqué en Normandie, s'exclame Valérie. Non, mais mon Dieu ! Ils sont à vingt minutes de Sainte-Mère-Église, et certains ne connaissaient même pas le cimetière américain."

"Ce ne sont pas des vieux croulants comme on m'a quand même dit plusieurs fois en parlant des vétérans !"

Valérie

à franceinfo

Elle se démène depuis, pour organiser des rencontres et mêler les générations. "C'est ce qui m'a poussé à créer cette association et à les faire venir pour montrer que ce ne sont pas des vieux croulants gisant dans des fauteuils roulants. Ce sont des hommes qui ont donné leur vie et leur adolescence, parce que pour la plupart avaient 16-17 ans. Ils se sont engagés et ont menti sur leur âge pour s'engager dans un conflit. Dans les établissements, les gamins ont presque le même âge que lorsque ces hommes se sont engagés. Ce sont des leçons, même à l'âge qu'ils ont entre 97 et 100 ans, ce sont des vraies vedettes, ce sont des stars."

Des moments forts avec les habitants

Quand ils viennent en Normandie, Valérie trouve pour eux des familles d'accueil, et les prépare à des moments très forts avec les habitants. "Des centaines de personnes sont présentes pour les acclamer, expose-t-elle. Ils fondent en larmes, parce qu'ils ne s'attendent pas à un tel accueil dans un petit village."

Allan, un vaillant vétéran de 99 ans, se prépare justement pour la journée. Il a été pilote en 1944 et a largué des parachutistes derrière les lignes ennemies. Il assure ne plus toucher terre, depuis qu'il est en Normandie. "Regardez comme ces gens sont formidables !", dit-il en embrassant Valérie et confie qu'il "n'oubliera jamais" son premier jour en France, il y a 80 ans, mais qu'il n'oubliera pas non plus son retour aujourd'hui.

Valérie raconte qu'Allan désormais a très envie de continuer à témoigner. ""Il me dit mais vous faites ça vraiment tous les ans comme ça. Je lui dis là c'est vraiment le gros anniversaire. Mais oui, on fait toujours plein de choses comme ça. Tu vas aller dans les écoles et aux cérémonies. Et là, il me prend la main et me dit : 'Au 81e, je serai avec toi.' Ce sont des gens de 99 ans qui vous mettent des coups de pied au cul qui vous disent 'Allez, on n'arrête pas, on y va et on repart.'"