Reportage
Le grand orgue au rendez-vous de la réouverture de Notre-Dame : "C'est lui qui fait chanter les pierres de la cathédrale"

J-6 avant la réouverture de Notre-Dame. Samedi 7 décembre en fin d’après-midi l’archevêque de Paris, Monseigneur Ullrich, ouvrira les portes de la cathédrale, donnant le coup d’envoi d’un week-end de célébrations. Notre-Dame va renaître et retrouver sa voix : le grand orgue va accompagner les cérémonies de réouverture.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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L'organiste de Notre-Dame, Olivier Latry. (WILLIAM BEAUCARDET)

Olivier Latry a été en janvier 2019, le dernier à enregistrer sur le grand orgue avant l’incendie qui a ravagé Notre-Dame, le 15 avril. Cet album consacré à Bach, qui vient d’être réédité, est évidemment un témoignage précieux. Car Olivier Latry connaît bien le grand orgue de Notre-Dame. Il en est un des titulaires depuis près de 40 ans. "L’orgue, c’est vraiment ce qui fait chanter les pierres de la cathédrale Notre-Dame", explique-t-il.

"On a vraiment cette sensation que ça met les pierres en vibration et pas que les pierres d’ailleurs, tout ce qui est en bois. On pourrait presque dire que l’orgue, c’est l’âme musicale de la cathédrale."

Olivier Latry, organiste de Notre-Dame

à franceinfo

"En tant qu’organiste, je ressens cela de manière extrêmement forte parce que j’ai l’impression finalement que le célébrant va prêcher avec des mots et que nous, on va prêcher avec des notes".

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C’est en juin dernier qu’Olivier Latry s’est assis derrière le grand orgue pour la première fois depuis cinq ans. L’harmonisation de l’instrument, démonté après l’incendie pour nettoyer le plomb qui s’était infiltré dans ses 8 000 tuyaux, avait débuté quelques semaines plus tôt. "J’ai eu l’impression de retrouver un vieil ami, se souvient-il. Après cinq ans, on ne s’est pas vus et finalement on retrouve ses qualités et ses défauts, plutôt ses qualités d’ailleurs". Il souligne notamment l'importance de la collaboration avec les facteurs d’orgue : "Ils ont besoin qu’on leur dise : 'Attention, ici, il y a un tuyau qui est un peu plus fort ou pas assez, là il y a un problème technique'. Il y a tellement de paramètres dans un orgue que seul, on ne peut pas y arriver. C’est bien qu’on fasse ce travail en commun d’ajustement de l’orgue au meilleur niveau."

Six mois nécessaires pour harmoniser le grand orgue

Il a fallu pas moins de six mois pour harmoniser le grand orgue de Notre-Dame. Les facteurs d’orgue ont travaillé jour et nuit sous la direction de l’organologue Christian Lutz, maître-d’œuvre pour la restauration de l’instrument. "Là, ils sont en train d’accorder, ou même d’harmoniser un jeu de cromornes, une des 115 séries de tuyaux, nous explique-t-il. L’harmonisation c’est une égalisation en timbre et en intensité de chacun des 8 000 tuyaux, pris un par un. Ça demande beaucoup d’écoute et d’attention et beaucoup de métier. C’est la partie la plus difficile du métier de facteur d’orgue".

Ce travail d’harmonisation va se poursuivre jusqu’au dernier moment, jusqu’à la réouverture samedi 7 décembre. "La veille au soir, il va falloir qu’on accorde les jeux d’anches, tel le cromone que vous avez entendu, explique le facteur d’orgue, Bertrand Cattiaux. Il y a ici 35 jeux d’anches donc ça fait plus de 2 000 tuyaux à accorder puisque ce sont des jeux qui bougent en fonction de la température et de l’hygrométrie. Il faut une nuit complète pour accorder les jeux d’anches avant un concert ou une inauguration".

"Exactement le même son qu’avant"

Alors, comment va sonner le grand orgue après son démontage, sa restauration et son remontage ? "Le son de l’orgue est exactement le même qu’avant, avec la même qualité, la même chaleur sonore, la même subtilité et la même émotion, assure l’organiste Olivier Latry. Mais on a quand même effectivement l’impression que l'acoustique n’est pas tout à fait la même."

"Avant, on entendait le son qui se heurtait sur chaque pilier. Maintenant, c’est une réverbération un tout petit peu plus large, avec de grandes vagues qui vous emmènent jusqu’au fond du chœur, de l'abside."

Olivier Latry

à franceinfo

"C’est étonnant, vraiment, poursuit l'organiste. Si ça vient du fait que la cathédrale a été nettoyée et que les murs sont propres, il suffit d’attendre quelques millions de touristes et on aura la poussière qu’on avait avant !"

Samedi 7 décembre, pour la réouverture de la cathédrale, Olivier Latry sera derrière la console du grand orgue. Il va participer à son éveil. "Je serai à l’orgue pour la première invocation qui va être dite par l’archevêque : 'Ô orgue, instrument sacré, éveille toi ! Chante la louange du peuple de Dieu' Et là, il va falloir jouer, improviser. Je ne dirais pas que je redoute ce moment mais pour le moment, je n’arrive pas à m’y projeter, confie l’organiste. Ce sera sûrement un moment baigné d’émotion, c’est évident parce qu’il va falloir presque ‘survivre’ à un tel moment. Vous vous rendez-compte ? La cathédrale a brûlé, elle aurait pu disparaître, l’orgue aurait pu disparaître. Tout cela n’est pas arrivé. j’espère pouvoir tenir le choc émotionnellement".

Après l’éveil de l’orgue, Olivier Latry va reprendre dès dimanche prochain l’accompagnement des offices. Et le 28 janvier, il donnera à Notre-Dame son premier récital depuis l’incendie.

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