:
Reportage
"Les patients se sentent abandonnés" : quel suivi pour les quatre millions de personnes qui ont survécu au cancer en France ?
Au centre de lutte contre le cancer Léon-Bérard à Lyon, on s'occupe de ces anciens malades du cancer qui sont souvent bien seuls à la fin de leurs traitements. C'est ce qui a motivé l'hématologue Mauricette Michallet à suivre plus de 500 survivants du cancer dans le cadre d'une étude : "Tous les patients disent qu'à ce moment, ils se sentent abandonnés, bien qu'ils aient un suivi oncologique tout à fait structuré. Et là donc, ils sont livrés à eux-mêmes."
>> PODCAST. Ma vie face au cancer : le journal de Clémentine
Jusqu'à cinq ans après la fin de leurs traitements, l'équipe du professeur Michallet reçoit à intervalles réguliers les patients suivis dans le cadre de cette étude scientifique de parcours de santé au cours du cancer (Pasca). "On est à six mois post-traitement et on va voir comment vous vous sentez ?, explique une soignante à une patiente. S'il y a quelque chose qui est apparu depuis la fin des traitements ? Et s'il y a quelque chose qui vous gêne et si on peut vous aider sur un domaine en particulier ?"
Une prise en charge rassurante
Le bilan est à chaque fois très poussé avec à une prise de sang, des analyses d'urines, un électroencéphalogramme, et des radios. Nathalie a été opérée d'un cancer du sein. Elle a subi une chimiothérapie. Aujourd'hui, elle est sous hormonothérapie, et ce suivi très pointu la rassure : "Je trouve que c'est rassurant, même si on sent que tout va bien, quelquefois on peut avoir un cancer et ne pas le savoir. Donc avoir un suivi, cela permet d'objectiver."
"Ce qui inquiète le plus et qui rassure le plus, ce sont les mammographies. Évidemment, quand on a eu un cancer, à chaque fois qu'on en fait une, on se dit pourvu qu'il ne trouve rien. Avant, je n'y pensais pas, maintenant j'y pense."
Nathalieà franceinfo
Tous les survivants sont confrontés à l'anxiété liée à la peur d'une rechute, et parfois ça vire à la dépression. C'est l'une des conséquences du cancer qui s'ajoute aux séquelles provoquées par la chimiothérapie ou l'immunothérapie. "La fatigue, c'est effrayant, a constaté le professeur Michallet chez ses patients. Le problème aussi des douleurs, c'est tout le monde. On se rend compte qu'il y a des hypercholestérolémies importantes. L'hypertension artérielle est extrêmement fréquente. Mais il s'agit surtout des effets secondaires des drogues. Nous, ce qui nous intéresse, c'est de savoir aussi que devient le malade. Est-ce que lui est toujours déprimé ? Est-ce qu'il est paniqué par une rechute ?"
Le professeur Michallet veut démontrer grâce à son étude que le suivi des survivants du cancer permet de prévenir les maladies comme l'hypertension, les troubles cardiaques, la dépression ou les maladies rénales.
Activité sportive et retour au travail
Dans le parcours de ces anciens malades du cancer, il y a aussi le sport, car l'activité physique est essentielle pour ces survivants parce qu'après un cancer, on prend souvent du poids. Le sport peut aussi aider à lutter contre la dépression. À l'institut Gustave Roussy, dans le Val-de-Marne, une journée de transition est organisée pour des femmes qui ont eu un cancer du sein. Au programme : des conseils pour bien se nourrir et une séance de sport adapté animée par Hajer Chaouachi. "Beaucoup d'études en cancérologie ont démontré que l'activité physique va améliorer la force musculaire, les douleurs articulaires, et le risque infectieux", détaille la spécialiste.
"Au niveau psychologique, ça améliore la qualité de vie, l'estime de soi du patient. Les patients vont mieux accepter leur traitement."
Hajer Chaouachi, enseignante en activité physique adaptée, à Gustave Roussyà franceinfo
Après un cancer du sein, il y a des médicaments à prendre tous les jours pendant des années. L'observance des traitements est l'un des enjeux de l'après cancer. Le cancer a un impact sur le plan physique et psychologique mais il a aussi des conséquences sur la vie sociale. Par exemple, les survivants ne reprennent pas tous le travail, loin de là. D'après une étude réalisée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), une personne sur cinq n'a toujours pas repris le travail cinq ans après un cancer.
Florian Scotté est oncologue à l'institut Gustave Roussy et chef du département des parcours patient, il tente de lever ce tabou dans l'entreprise. "Être capable d'échanger sur les lieux du travail, sur sa maladie, c'est aujourd'hui encore très tabou. Il faut prendre en compte ce retour au travail avec des personnes qui ont toujours un traitement. Il faut donc effectivement, aménager le poste de travail, considérer que la personne peut s'absenter pour recevoir le traitement pour un temps de fatigue lié au traitement et que pour autant elle peut garder sa place au sein de la société."
Le centre anti-cancer Gustave Roussy organise régulièrement des formations dans les entreprises pour changer le regard des responsables des ressources humaines sur les survivants du cancer.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.