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Reportage
"Pas autorisé, mais pas illégal" : qu'est-ce que le HHC, ce dérivé du cannabis vendu librement en France ?
Les trois lettres de HHC correspondent à l'Hexahydrocannabinol. Et pour être encore plus précis, il s'agit d'un cannabinoïde synthétique obtenu par hydrogénation. Sa structure moléculaire est proche du THC. Un vide juridique entoure cette substance. Il n'est pas inscrit sur la liste des produits stupéfiants en France, mais la Finlande ou l'Autriche viennent d'en interdire le commerce.
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"Je te le fais à 10 euros le gramme !" À Paris, une boutique de CBD, un dérivé autorisé du cannabis, vend également, depuis plus d'un an, du HHC de 3 à 13 euros le gramme. Le propriétaire l'a placé bien vue sur le comptoir et le client est prévenu. "Vous avez un petit panneau qui donne quelques indications sur le HHC", explique le vendeur où il écrit que "contrairement au CBD, le HHC provoque des effets psychotropes similaires à ceux du THC".
Honnêtement, je ne sais pas ce que je fume"
Le HHC "est pratiquement aussi puissant que le THC, prévient le commerçant. Pour ma part, je n'en consommerais pas régulièrement. Le HHC, pour moi, est un véritable produit chimique." Car concrètement, le produit correspond à une fleur de CBD où on rajoute des produits chimiques dessus. "Soit on le vaporise ou soit on trempe la fleur directement dans un bain de HHC, explique le vendeur. Vous avez aussi des vapes, c'est-à-dire que vous allez vapoter du HHC. Il y aussi des huiles ou des bonbons à base de HHC."
Au niveau de la traçabilité, le propriétaire de la boutique de CBD suppose que ces produits proviennent de République Tchèque, mais il n'est "pas sûr" et il ne sait "absolument pas" dans quel laboratoire ils sont réalisés. Si on compare avec le CBD, le HHC représente la moitié des ventes de la boutique qui n'a pas été contrôlée jusqu'à présent par les autorités. "Si on regarde bien la loi, ça n'est pas autorisé, mais ça n'est pas illégal", explique le commerçant qui malgré ses doutes continue à en vendre.
"Je suis dans le même cas qu'un débitant de tabac ou qu'un marchand d'alcools. Je sais très bien que si je n'en vends pas, ce sont mes concurrents qui vont en vendre, tout simplement."
Un vendeur de HHC à Parisà franceinfo
Juliette*, 34 ans, consomme du HHC depuis six mois sans savoir véritablement ce qu'elle consomme. "Honnêtement, je ne sais pas ce que je fume, reconnaît-elle. J'ai été une fumeuse de cannabis avec du THC pendant des années et ensuite, j'ai vu qu'il y avait ce HHC qui était apparemment un peu plus fort que du CBD donc j'ai voulu tester. C'est, en effet, plus fort, ça ressemble beaucoup au cannabis. Une euphorie un peu mentale, on va avoir le corps qui se détend. Je suis un peu étonnée que ce soit légal. Après, ça m'arrange puisque je préfère aller acheter en boutique quelque chose que de devoir appeler des dealers et faire des choses illégales. Moi, je me dis tant qu'à faire : légalisons le cannabis."
"On a très peu d'informations et la vigilance doit continuer"
Une légalisation du cannabis qui n'est pas à l'ordre du jour en France, et maintenant le HHC commence à être dans le viseur des autorités. Nous avons contacté la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). Elle affirme travailler depuis plusieurs semaines "en étroite coopération avec les autorités sanitaires pour préciser le statut juridique exact de cette molécule, les risques associés à son usage et le cas échéant, son classement sur la liste des stupéfiants".
La direction générale de la santé tient le même discours. Aujourd'hui, les connaissances scientifiques sur le HHC sont très limitées. Aucune étude d'ampleur n'a été menée. Il reste les quelques remontées du terrain. "On a eu des appels, notamment des usagers, par rapport aux effets qu'ils considèrent comme étant des effets psychoactifs, décrit Anne Batisse, en charge de la veille sanitaire au centre d'addictovigilance de Paris. Pour l'instant, ce qu'on nous a rapporté, c'est plutôt des complications psychiatriques, donc de l'ordre du 'bad trip', c'est en gros des crises d'angoisse. On a très peu d'informations et donc la vigilance doit continuer."
Direction, une autre boutique, cette fois dans le 10ᵉ arrondissement de Paris où on ne vend que du CBD. "Et on ne fera pas du HHC", affirme Mathieu Bensa, cofondateur du Chanvrier Français qui compte 25 boutiques en France. Il demande aux autorités de "statuer comme elles l'ont fait sur le CBD".
"Il n'y a aucun problème si on nous démontre les bienfaits du HHC et qu'on s'assure que cela n'est pas nocif ou addictif ou psychotrope. Pour l'instant, on ne sait pas et quand on ne sait pas, c'est principe de précaution."
Mathieu Bensa, cofondateur du Chanvrier Françaisà franceinfo
L'Union des professionnels du CBD est sur la même ligne, dans un communiqué datant du 25 juillet 2022, elle appelle ses adhérents et consommateurs "à ne pas acheter, ni vendre, ni consommer des produits à base de HHC".
*Le prénom a été changé
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