Télévision : 23 ans après, la série "Culte" raconte les coulisses de l'émission de téléréalité "Loft Story"

Cette fiction, disponible vendredi sur la plateforme Prime Vidéo, revient sur ce phénomène qui marque un tournant pour la télévision française.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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La série "Culte" raconte "Loft Story" 23 ans après la diffusion de l'émission de téléréalité.  (CAPTURE D'ECRAN YOUTUBE PRIME VIDEO)

Mini-série de six épisodes, disponible vendredi 18 octobre sur Prime Vidéo, la plateforme d'Amazon, Culte revient notamment sur la création de Loft Story, l'émission de téléréalité dans laquelle des anonymes étaient enfermés pendant 70 jours sous l'œil des caméras, un véritable tournant audiovisuel et sociétal. D'où le choix du titre Culte pour la série. Loft Story reste, 23 ans après son lancement, un marqueur télévisuel : il y a un avant et un après.

Avant Loft Story, aucune chaîne française n'osait aller sur ce terrain de la téléréalité, qui cartonnait pourtant aux Pays-Bas avec l'émission Big Brother. TF1 et M6, les deux antennes privées, s'étaient engagées à ne jamais programmer ce genre de format, et la question ne se posait même pas pour le service public. Sauf qu'en secret, la TF1 et la M6 vont batailler pour décrocher les droits de ce qui allait devenir Loft Story. Et c'est M6, la petite chaîne qui monte, qui remportera la mise.

Nous sommes le 26 avril 2001, la France découvre le visage de onze jeunes, totalement inconnus, célibataires, issus de milieux divers. C'est censé être une étude sociétale, le portrait d'une génération, avec une candidate qui, immédiatement, sort du lot : Loana. La jeune femme a 23 ans, elle est gogo danseuse depuis cinq ans. "Je véhicule une certaine image : grande, blonde, sexy. Je travaille en boîte de nuit, donc paillettes, assez dénudée, je suis en string et en soutien-gorge. Mais en fait, je suis très introvertie, timide, réservée", se décrit-elle à l'époque.

La scène de la piscine fait décoller le programme

Loana va devenir LE personnage de Loft Story, surtout en raison de la célèbre scène de la piscine, dans laquelle elle fait l'amour avec un autre lofteur, Jean-Édouard. C'est ce qui a véritablement lancé le programme. Les audiences se sont envolées après ce passage, qui n'a pourtant pas été diffusé sur M6, mais sur la chaîne créée spécialement sur le satellite pour retransmettre les images du loft en direct 24 heures sur 24. La séquence a circulé sur internet, c'est devenu viral, comme les prémices de ce que nous connaissons aujourd'hui avec les réseaux sociaux. 

À partir de là, sept millions de téléspectateurs regardent chaque semaine le prime time du jeudi sur M6, près de 40% de part de marché, avec un pic à près de douze millions le soir de la finale. Des scores dignes d'un match de l'équipe de France de football pendant une Coupe du monde.

"Loft Story" déchaîne les passions

Les Français se passionnent pour Loft Story. Malgré un contenu qui ne vole pas très haut. L'émission va alors couper la France en deux : les pro, qui y voient un intérêt sociologique, et les anti, qui fustigent le voyeurisme et la bêtise d'une telle émission. On découvre alors le terme "télé-poubelle", utilisé notamment par le PDG de TF1, furieux en réalité que ce succès ne soit pas sur sa chaîne. Toute la presse s'en empare : Le Monde, Libération, Le Parisien en font des unes. Des associations montent violemment au créneau. Des reportages montrent, par exemple, des manifestants qui déversent des poubelles à Neuilly, devant le siège de M6, pour protester contre cette émission et qui se rendent ensuite à la Plaine-Saint-Denis, devant le fameux loft, pour tenter de s'y introduire.

Les protestations vont d'ailleurs beaucoup plus loin que des manifestations, comme le raconte Benjamin Castaldi, le seul à avoir accepté de présenter Loft Story à ses débuts. "La seule chose qui n'a pas été très amusante pour l'ensemble de ceux qui travaillaient sur le programme, c'est le nombre de menaces, y compris des menaces de mort, raconte l'animateur. J'ai reçu des objets dégueulasses : des capotes usagées, des serviettes hygiéniques usagées et des cercueils avec une balle dedans, raconte l'animateur. Donc, ça, c'est ce qu'il y avait de moins drôle."

"J'avais une protection 24 heures sur 24. Ça, ce n'était pas cool".

Benjamin Castaldi

à franceinfo

Avec le recul, l'animateur ne juge absolument pas l'émission comme trash. Pour lui, les protagonistes étaient des "bisounours", "c'étaient des gens normaux". "Cette émission a fait découvrir aux parents et aux grands-parents comment vivaient leurs enfants et c'est pour ça que le programme a marché, parce que c'était un miroir de la société", analyse Benjamin Castaldi.

L'amorce de la téléréalité en France

Le phénomène a pris tellement d'ampleur que les politiques s'en sont mêlés. Mais rares sont ceux qui ont ouvertement critiqué le programme. De Ségolène Royal à Nicolas Sarkozy, ils ne sont pas forcément fans, mais refusent de dire du mal d'un programme adulé par les 15-24 ans. Par exemple, Philippe Séguin, ancien président de l'Assemblée nationale, avoue le regarder. Il ose cette comparaison : "Pour départager Aziz et Jean-Édouard, il y a eu quatre millions de votants. Presque autant que pour le référendum sur le quinquennat". 

Les candidats, eux, sont devenus des stars. Il y aura une saison 2, mais déjà la naïveté et la spontanéité des participants ont disparu. La téléréalité s'est professionnalisée en un clin d'œil et s'est démultipliée : Secret Story, L'île de la tentation, Les Anges, Les Marseillais... Bien moins gentillets en effet qu'une scène de sexe furtive dans une piscine.

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