Culture et production de cannabis : les effets de la légalisation au Canada et au Maroc
Le Maroc, premier producteur mondial du cannabis, a longtemps toléré cette culture tout en interdisant sa commercialisation. En 2021, le pays a légalisé l'industrie du cannabis médical, cosmétique et industrielle (chanvre indien). Au Canada, la vente libre du cannabis est autorisée depuis 2018. Cela en fait le deuxième pays au monde à légaliser le cannabis récréatif, cinq ans après l'Uruguay, et le premier pays du G20 à prendre une telle mesure. Comme au Maroc, le but du gouvernement est de lutter contre le crime organisé qui profite de ce lucratif marché.
Résultats mitigés au Canada
Au Canada, l’objectif de remplacer une production légale face au crime organisé a été partiellement atteint, mais le marché noir reste quand même une réalité. On estime qu’environ la moitié des ventes se fait toujours de façon illégale, surtout pour les produits comestibles à base de cannabis, et ceux à fort taux de THC, la substance psychotrope. Le reste se vend en boutique. Leur nombre et leur forme dépendent beaucoup de chaque province canadienne. Dans la plus peuplée, l’Ontario, les magasins poussent littéralement comme des champignons. Ils se font parfois concurrence sur la même rue. Au Québec, en revanche, il s’agit de commerces d’État, beaucoup moins nombreux. Mais ce qui a le plus changé en 6 ans, c’est surtout la structure de cette nouvelle industrie.
Le secteur a attiré beaucoup d’investisseurs au début. Les deux premières années ont ressemblé à une véritable ruée vers l’or vert, avec une course à la croissance. Mais la réalité rattrape maintenant les producteurs. Un tiers des entreprises qui ont de graves problèmes financiers au Canada appartiennent à ce secteur, notamment à cause des règles très strictes du gouvernement pour faire pousser le cannabis et le commercialiser : les bénéfices sont très impactés. De plus, les pouvoirs publics ne se gênent pas pour imposer lourdement ce produit et cette industrie légale, en compétition contre l’industrie illégale, a beaucoup de mal à devenir rentable.
Côté consommation, la peur de certains, d'un nombre croissant d’usagers, n'a pas été concrétisée. Année après année, on estime qu’un Canadien sur cinq fume régulièrement ou occasionnellement, surtout parmi les 18-34 ans, un chiffre relativement stable. La légalisation ne leur a pas permis de fumer partout. Plusieurs villes interdisent le cannabis dans les parcs publics par exemple. Tout comme les propriétaires de certains immeubles. Donc en théorie, le Canada autorise la vente et la consommation de cannabis pour les adultes. Dans les faits, pouvoir fumer dépend du lieu où l’on se trouve.
Au Maroc, le bilan après une première récolte légale
Au Maroc, la première récolte a permis d'obtenir 294 tonnes de cannabis légal, semés sur 277 hectares qui ont reçu l’autorisation de production de ce nouvel or vert. On est loin de la superficie totale de 55 000 hectares de cannabis que compte le Maroc, selon l’Onu. Mais, c’est un début pour ce cannabis qui sera prochainement exporté sous forme de CBD, THC ou encore en produits pharmaceutiques ou cosmétiques, vers l’Europe et les États-Unis. On est loin d’une légalisation à l’américaine avec des dispensaires ou des coffee shops. La production marocaine semble se destiner principalement à l’exportation.
Les autorités espèrent que le cannabis devienne un levier de développement pour la région rebelle et montagneuse du Rif. Les cultures ne sont autorisées que dans cette région. Certains ayant obtenu les autorisations se sont rapidement regroupés en coopératives pour mieux tirer leur épingle du jeu. Mais le cannabis à usage thérapeutique est une goutte d’eau face au cannabis récréatif. La route est donc encore longue et, si le haschisch marocain dispose d’une réputation bien installée, il peine à faire vivre ses petits producteurs. On estime en effet que seuls 4% du prix final leur revient, là où l'industrie leur promet 12% de rémunération.
Pour le moment, il n'est donc pas question que le Rif devienne l'Amsterdam de la Méditerranée. Il n’est pas question de dépénaliser l’usage récréatif du cannabis au Maroc, même pas pour les touristes. Certains appellent à une légalisation qui pourrait offrir un second levier de croissance avec le tourisme cannabique. Ce qui permettrait le développement accéléré du Rif, cette région rebelle qui a trop souvent été oubliée du développement par le passé.
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