En Allemagne, le nouveau parti Dava dément tout lien avec l'AKP du président turc Erdogan

Ce nouveau parti s'adresse tout particulièrement aux musulmans d'Allemagne et nie tout lien avec le parti islamo-conservateur turc. Alors qu'en Turquie, le président s'occupe toujours plus de sa diaspora. Nos correspondants nous exposent le point de vue de ces deux pays.
Article rédigé par Nathalie Versieux, Marie-Pierre Vérot
Radio France
Publié
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En Allemagne, un nouveau pari, Dava, est soupçonné d'avoir des liens avec l'AKP du président turc Erdogan. Photo d'illustration. (FUNKY-DATA / E+ / GETTY IMAGES)

En Allemagne, un nouveau parti, baptisé Alliance démocratique pour la diversité et le renouveau (Dava), vient de voir le jour à Cologne. Un groupe de musulmans, essentiellement turcs, est à l'origine de ce parti, qui présentera des candidats aux élections européennes de juin. Les promoteurs du parti Dava en Allemagne démentent tout lien avec le parti du président Recep Tayyip Erdogan, l’AKP. Pourtant, la Turquie se soucie de plus en plus de sa diaspora, notamment des 3,5 millions de Turcs résidant en Allemagne.

Près de 1,5 million de Turcs inscrits sur les listes électorales allemandes

Jusqu'à présent, les Turcs d'Allemagne ont du mal à trouver leur place dans les partis traditionnels. Ils seraient plutôt conservateurs mais se sentent mal accueillis dans les rangs des chrétiens-démocrates tandis que le SPD, le parti social-démocrate, ou les Verts, plus ouverts sur les migrations, leur semblent trop libéraux sur les questions de société.

Environ 1,5 million de personnes d'origine turque sont inscrites sur les listes électorales en Allemagne. Ils seront plus nombreux après l'entrée en vigueur du nouveau code de la nationalité, prévue au printemps. C'est en premier lieu à ce réservoir de voix que s'adresse Dava.

C'est un groupe de musulmans de la région de Cologne, essentiellement turcs, qui est à l'origine de ce parti. Une partie d'entre eux a appartenu un temps au SPD. Josef Neumann, député SPD du parlement de Rhénanie du Nord-Westphalie, se souvient de l'un des fondateurs, Fatih Zingal, un avocat de Solingen. "Son parcours est largement lié à l'ascension de Erdogan. On voit clairement une certaine admiration, une certaine proximité, et je constate bien sûr qu'il s'engage politiquement dans cette direction", raconte le député du SPD.

"Une version turque du parti d'extrême droite AfD"

Les intéressés se défendent de cette proximité avec l'AKP du président turc Erdogan. "Nous ne sommes pas manipulés par Monsieur Erdogan, nous ne sommes financés ni par lui ni par l'AKP en Turquie. C'est vrai que parmi nous, il y a des gens qui ont de la sympathie pour l'AKP et Erdogan. Mais nous avons parmi nous aussi des gens qui ne sont pas d'origine turque", explique Mustafa Yoldas, l'un des fondateurs.

Côté allemand, on note une forte inquiétude. Le député Vert Max Lucks estime ainsi que Dava n'est rien d'autre "qu'une version turque du parti d'extrême droite AfD". Le ministre de l'Intérieur du Brandebourg demande aux services de renseignements "de suivre de très près les activités" de ce nouveau parti. Un début difficile donc pour Dava, qui espère aussi se présenter aux législatives de 2025.

Les Turcs de l'étranger peuvent voter aux élections nationales

Recep Tayyip Erdogan est le premier dirigeant turc à prendre sa diaspora au sérieux. C’est d’ailleurs lui qui a pour la première fois utilisé le terme de diaspora dans ses discours. Auparavant la classe politique turque voyait surtout ses expatriés comme des sources de devises. L’actuel président a lui réalisé son potentiel électoral. Il y voit une manière de pousser les intérêts de la Turquie à l’étranger et de gagner les voix des nationalistes, dans un pays profondément polarisé.

Depuis son arrivée au pouvoir il y a 20 ans, Erdogan n’a cessé de resserrer les liens avec les Turcs de l’étranger. Une date reste en mémoire : le 8 février 2008. Il est alors Premier ministre et il monte sur scène à l’Arena de Cologne devant 16 000 de ses "citoyens". C’est une première dans l’histoire des relations germano-turques. Cette même année, un registre des électeurs étrangers est créé par le conseil électoral suprême.

"Diaspora forte, Turquie forte"

Et depuis 2014, Erdogan offre la possibilité aux ressortissants turcs de l'étranger de voter aux élections nationales. Il en a récolté les premiers fruits en 2017 lors du référendum constitutionnel qui crée le poste de président et va conduire à la concentration de tous les pouvoirs entre ses mains. Et lors des élections suivantes, les Turcs d’Allemagne ont massivement voté pour son parti.

Avec ce parti Dava, la Turquie peut espérer accroître son influence sur la politique européenne, d’abord lors des élections européennes de juin, puis en Allemagne pour le scrutin fédéral de l’an prochain. D’ailleurs, la loi allemande qui va permettre d’obtenir la double citoyenneté est saluée par le pouvoir. C’est un souhait de longue date du président Erdogan. Il ne cesse d’appeler les Turcs européens à obtenir dès qu’ils le peuvent la citoyenneté du pays où ils résident. Et il aime à répéter une devise : "Diaspora forte, Turquie forte". Recep Tayyip Erdogan salue régulièrement la contribution des Turcs à la société allemande, comme par exemple lors de la découverte du vaccin à ARN messager.

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