Les systèmes de santé et les services d’urgences débordés en Espagne et au Québec
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En France, la crise dans le milieu médical "vient d'une politique conduite depuis des dizaines d'années envers la santé et l'hôpital", a tenté d'expliquer François Braun, ministre de la Santé vendredi 28 octobre sur France Bleu. Direction le Québec et l'Espagne où le secteur de la Santé souffre aussi.
En Espagne, un exil des médecins en raison des conditions de travail
On parle de 18 000 docteurs qui ont demandé à partir à l’étranger au cours des dix dernières années. Ce chiffre considérable correspond aux médecins qui ont fait une demande de certificat pour pouvoir travailler à l’étranger. Ça ne veut pas dire que tous vont ensuite l’utiliser, certains resteront en Espagne. Mais cela donne un ordre de grandeur et une idée de l’état d’esprit des médecins espagnols. "Ce n’est pas qu’une question de salaire, c’est surtout les conditions d’exercice, estime Ángela Hernandez, secrétaire générale du syndicat de médecins AMYTS. Par exemple, un médecin de famille de la région de Madrid peut avoir 40, 50 ou 60 rendez-vous par jour. Cela entraine un taux très important de burn out chez les médecins." Des conditions, d’ailleurs, dont se plaignent aussi le reste des personnels soignants. Les infirmières, par exemple, qui elles aussi sont nombreuses à quitter le pays.
Face à cette situation, le gouvernement espagnol veut débloquer 50 millions d’euros pour ouvrir 1 000 places de plus dans les facs de médecine. Mais pour Ángela Hernández, c’est même complètement à côté de la plaque. L’Espagne est le deuxième pays du monde quant au nombre de places en fac de médecine. Les augmenter à nouveau, comme veut le faire la ministre, sans toucher aux conditions professionnelles revient à faire un énorme effort financier dont vont profiter d’autres pays. Former des médecins au frais du contribuable mais les traiter si mal qu’ils veulent partir ailleurs, effectivement ça ne semble pas la meilleure solution. D'ailleurs si le gouvernement central propose de payer ses places en fac, ce sont les régions qui embauchent les médecins du service public et fixent leurs conditions de travail. Cela peut expliquer la contradiction.
L'opposition demande d’ouvrir davantage de places d’internes, parce que c’est en bout de formation qu’existent les goulots d’étranglement, pas en première année. Et puis des incitations pour que les médecins espagnols restent au pays. Question salaires un médecin en Espagne touche en moyenne 53 000 euros annuels, contre 95 000 en France, près du double. Et au-delà, les syndicats et associations professionnelles comme AMYTS réclament une meilleure organisation des hôpitaux et des centres publics de santé pour pouvoir mieux accueillir les patients, mais aussi davantage de temps pour la rechercher et l’enseignement qu’aujourd’hui les médecins sont obligés de faire sur leurs temps libre.
Au Québec, les services d'urgence explosent
Attendre plus de 10 heures pour être soigné n’a rien d’étonnant au Canada. C’est même devenu la norme ces dernières années. Lina par exemple a accompagné sa mère dans un hôpital de Montréal, en début de semaine. En tout, elles ont passé 14 heures aux urgences. "Dans mon cas, c'était peut-être un risque d'embolie pulmonaire, on est arrivé à 17 heures on a vu le médecin à 3 heures du matin. On nous a envoyé faire la radio à 3 heures du matin. On a attendu les résultats jusqu'à 7 heures du matin. On dirait que l'ont fait vraiment tout pour que tu sois tanné et que tu partes."
Ce week-end, un québécois de 70 ans est même décédé après avoir passé 16 heures à attendre aux urgences dans un hôpital où il n’a pas pu être pris en charge. Et en plus des délais d’attente de plus en plus long par manque de soignants plusieurs services d’urgences ferment pour une nuit, un week-end et parfois plus. Depuis le début de l’été, des dizaines de services ont fermé temporairement.
La pandémie n’a rien arrangé à ces services d'urgences qui explosent. Mais le système de santé s’essouffle depuis plusieurs années déjà. La dernière enquête du plus grand syndicat canadien d’infirmiers révèle que plus de huit soignants de la profession sur dix ont déjà pensé à quitter leur travail, à cause des conditions "ingrates et exténuantes". Une situation que le président de l’Ordre des infirmiers du Québec, Luc Mathieu, confirme surtout depuis que les heures supplémentaires obligatoires s’accumulent : "Ces derniers jours les gens racontaient que ça faisaient quatre à cinq jours consécutifs qu'ils faisaient du temps supplémentaire obligatoire. Quelqu'un qui fait trop de temps supplémentaire, ce n'est pas très sûr au niveau des soins. Ce n'est pas une bonne mesure ça devrait être une exception. Déjà avant la pandémie, il y avait des problèmes structurels puis la pandémie n'a fait que les exacerber."
Cette problématique ne touche pas que le Québec, mais bien tout le Canada. Dans la capitale, à Ottawa, ce n’est même plus surprenant de n’avoir aucune ambulance disponible. Elles se retrouvent toutes bloquées devant les hôpitaux, sans pouvoir déposer leurs patients. C’est arrivé plus de mille fois entre janvier et juillet 2022.
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