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Netflix : la plateforme aux cœur de vifs débats en Suisse et au Moyen Orient

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction la Suisse pour parler du taux d'imposition de Netflix et le Moyen Orient où certains contenus de la plateforme ont choqué.

Article rédigé par franceinfo, Aurélien Colly - Jérémie Lanche
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Photo d'illustration. (OLIVIER DOULIERY / AFP)

Malgré le succès critique, il n'y aura pas de saison 2 de la série Drôle sur Netflix. La production française n'est pas assez rentable explique la plateforme. Ce sont justement ses revenus qui font l'objet d'un vif débat en Suisse. Au Moyen Orient, c'est le contenu de certains films et séries qui suscite la controverse. 

En Suisse un référendum sur le taux d'imposition de Netflix 

Dimanche 15 mai, les Suisses devront dire s’ils acceptent de serrer la vis aux plateformes de streaming en les obligeant à réinjecter une partie de leurs bénéfices dans la production audiovisuelle nationale. La Lex Netflix - c’est comme ça que s’appelle la loi en question - demande aux plateformes d’investir 4 % de leur chiffre d’affaires dans le cinéma suisse. Le gouvernement, le Parlement et la quasi-totalité des partis sont favorables à cette évolution. Mais pas les sections jeunes des partis de droite. Ce sont eux qui sont à l'origine de la fronde et qui ont lancé un référendum pour tenter de bloquer le texte, après avoir réuni plus de 70 000 signatures.

Sur le papier, 4% d'imposition, cela semble peu. En France, la loi leur impose de reverser 26 % de leur chiffre d’affaires. En Italie, c’est 20 %. Près de la moitié des pays européens ont mis en place un dispositif similaire. Mais 4 %, ce n’est quand même pas rien pour la création et l’économie suisse, explique Françoise Mayor, responsable des fictions produites à la RTS, la Radio Télévision suisse : "Pour la RTS, pour le service public, d'une manière générale, ça ne changera strictement rien.

"Ce qui va vraiment changer, c'est pour le public, aussi l'économie régionale, locale puisqu' il y aura, on imagine, environ 18 millions qui seront investis dans la création indépendante suisse."

Françoise Mayor, responsable des fictions à la RTS

à franceinfo

Une somme qui pourrait permettre, à titre d'exemple, de produire environ trois séries made in Suisse en plus chaque année. À noter que la taxe s’applique aussi aux opérateurs télés étrangers qui diffusent des publicités dédiées au public suisse. C’est le cas, par exemple, en Suisse romande, de TF1 et de M6.

La Suisse devrait donc s’aligner sur ses voisins… À moins que l'argumentaire des jeunes militants des partis de droite ne réussisse à s'imposer. Ils estiment que le cinéma suisse a déjà assez d’argent public. Mais ce n’est pas leur plus grande inquiétude explique Françoise Mayor : "Pour eux, la grande crainte, c'est que les abonnements des plateformes augmentent. Or, ils augmentent déjà et on n'a aucune prise là-dessus. Justement, quand Netflix a augmenté son abonnement, il l'a fait de façon tout à fait unilatérale, sans prévenir personne."

L’argument du porte-monnaie semble en tout cas faire son effet. Puisque les partisans de la loi, donnés largement gagnants il y a encore quelques semaines, ont vu leur avance fondre. Mais rien n’est joué. Puisque si ce sont des jeunes qui s’opposent à la Lex Netflix, ce sont aussi les jeunes qui s’abstiennent le plus lors des votations.

Netflix régionalise son offre au Moyen Orient et crée la polémique

Au Moyen Orient, pas question de votation, ni d’investissements obligatoires mais Netflix régionalise son offre. La plateforme a été lancée en 2016 dans la région et compte aujourd’hui près de trois millions d’abonnés. Si vous avez un abonnement Netflix en France, vous pouvez l’utiliser au Moyen Orient, mais vous tomberez sur un catalogue de films différents. Au Liban par exemple, c’est un mélange de films français, de films anglo-saxons, mais aussi de films libanais ou arabes. Et c’est la même chose pour les séries.

Netflix n'a pas l'obligation d’investir dans la production locale mais la plateforme le fait pour nourrir son catalogue et ses abonnés. Exemple : la distribution d’un dessin animé satirique produit par un studio d’animation saoudien. Trois séries depuis 2019 avec l’Égypte et la Jordanie : Jinn, L’École Al Rawabi pour filles et Paranormal. Et puis enfin, Netflix a sorti son premier film arabe : Perfect Strangers, co-production avec l’Égypte, qui cartonne depuis sa sortie il y a quelques mois. Le long métrage a fait polémique après avoir été accusé d’inciter "à l’homosexualité et à la trahison". 

Il y a eu des pressions dans le pays pour qu’il soit retiré de la plateforme mais ça n’a rien donné. La série Jinn avait aussi fait des histoires, à cause du langage cru. C’est vrai que dans certains pays, la censure aurait sans doute empêché ces diffusions en salle ou à la télé. Récemment, les films Eternel et West Side Story ont été censurés dans la région parce qu’ils abordent la question LGBT.

Si Netflix essaye de "régionaliser" son offre, c’est parce que la concurrence est rude au Moyen Orient. La plateforme américaine est en tête, mais pas très loin derrière, il y a les américains de StarzPlay, installés à Dubai, et surtout Shahid, qui devrait doubler Netflix. Shahid, c’est la plateforme du groupe saoudien MBC, un géant des médias dans la région. Shadid propose 40% de contenus fabriqués dans le monde arabe, quand Netflix arrive à peine à 1 ou 2 %. Mais elle a quelque chose d’autre à offrir : un catalogue qui ouvre les fenêtres sur l’extérieur. Des films, des séries qui attaquent des tabous sociétaux ou politiques, cela fait du bien au public local. Contre toute attente, la série israélienne Fauda a par exemple cartonné chez les téléspectateurs arabes, alors qu’Israël reste "l’ennemi historique".

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