Chine : le projet de réforme du système électoral voulu par Pékin, vu de Hong Kong et de Taïwan
Dans le Club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se fait ou se passe ailleurs dans le monde. Direction Pékin, où moins d'un an après avoir imposé sa loi sur la sécurité nationale à l'ex-colonie britannique de Hong Kong, le parlement chinois s'apprête à réformer le système électoral dans le territoire autonome. Nous irons aussi à Hong Kong et Tawaïn pour voir comment est vécu ce projet de réforme.
La Chine doit présenter son projet de réforme du système électoral de Hong Kong. Le plan sera détaillé jeudi 4 mars à Pékin aux délégués qui vont participer à partir de vendredi à la session annuelle du parlement chinois. L’an dernier, ce dernier avait déjà voté la loi sur la sécurité nationale qui a réduit considérablement les libertés individuelles à Hong Kong. Avec cette nouvelle réforme, Pékin veut s'assurer, selon la formule répétée en boucle, que "des patriotes gouvernent Hong Kong".
Pékin veut des candidats certifiés "patriotes"
Avec cette nouvelle réforme qui vise le système électoral du territoire hong-kongais, le gouvernement central à Pékin veut s’assurer que les candidats aux prochaines élections à Hong Kong soient "des patriotes". "Être patriote signifie aimer la République populaire de Chine", a précisé il y a quelques jours Xia Baolong, responsable du bureau de liaison entre la Chine continentale et le territoire hongkongais. Dans un rapport publié cette semaine, il a pointé aussi "des agitateurs anti-Chine à exclure".
Depuis, le sujet monte en puissance, et on comprend à travers déclarations qu’il sera bien l’une des priorités de cette session annuelle du parlement. C'est un sujet politique et juridique qui est donc la surprise annoncée de cette grand messe. Le porte-parole officiel Guo Weimin a apporté son soutien aussi : "La Conférence consultative politique du peuple chinois soutient fermement le principe fondamental que des patriotes gouvernent Hong Kong", a-t-il déclaré.
Pour le moment, on ne connaît pas les mesures précises mais un expert nous a dit que le processus législatif pour adopter cette réforme pourrait être rapide. On voit aujourd'hui quelques commentaires sur weibo, le twitter chinois très contrôlé par la censure : "C est le bon moment, il faut que les candidats passent un examen pour valider qu’ils sont des patriotes", peut-on y lire. Ou encore : "L assemblée doit décider de toutes les affaires de Hong Kong, pareil pour les juges et les médias." Un commentaire différent a été laissé : "Quel est l’intérêt alors de faire des élections ?" se demande ainsi un internaute chinois.
Pour le camp pro-démocratie à Hong Kong, c'est le coup de grâce
Comment ce projet est-il perçu sur place ? Pour l’opposition et pour tout le camp pro-démocratie, qui selon les sondages représente tout de même plus de la majorité des habitants, cette notion qu’il va désormais falloir être certifié "patriote" pour se présenter dans les instances les plus locales de la vie politique, c’est le coup de grâce absolu pour les espoirs démocratiques de Hong Kong. On ne connaît pas encore les détails mais si c’est ce que l’on craint il ne sera même plus possible de se présenter pour l’opposition s'il faut prêter allégeance au Parti communiste.
Ce qui semble s’être passé, c’est que depuis la victoire écrasante du camp pro-démocratie aux élections de district de 2019, qui étaient habituellement gagnées par la majorité pro-Pékin, Pékin a compris que l’opposition risquait de gagner la majorité au parlement un an plus tard. Du coup, le gouvernement a pris l’excuse du Covid pour annuler les élections législatives, pour se donner le temps de changer les règles, et c’est exactement ce qui se passe. Pour complètement verrouiller les risques, 47 figures d’opposition ont également été poursuivies pour subversion sous la nouvelle loi de sécurité nationale, une autre façon d’annihiler l’opposition.
Tout cela montre aussi que la Chine n’a plus du tout l’intention de respecter sa promesse de démocratie, pourtant écrite en toutes lettres dans la Basic Law, la mini-constitution de Hong Kong .
Taïwan résiste et suit la situation de près
Pour l’instant, Taïwan, à qui Pékin promet le même sort qu’à Hong Kong, résiste. Et d’ailleurs, depuis le début du mouvement à Hong Kong, de nombreux militants hongkongais y ont trouvé refuge. Il faut rappeler que les Taïwanais élisent démocratiquement leur gouvernement, sur lequel Pékin n’a aucune prise. Taïwan dispose aussi de sa propre armée, prête à défendre son territoire. Pas étonnant donc que des milliers de Hongkongais aient trouvé refuge à Taïwan.
L’un d’eux, c’est Lam Wing-Kee. Ce célèbre libraire avait fui pour Taïwan en 2019 par crainte d’être extradé vers la Chine. Et il a un avis bien tranché sur les réformes attendues du système électoral hongkongais : "Il est désormais clair que la Chine veut reprendre le contrôle sur Hong Kong plus tôt que ce qui était initialement prévu, et la manière de faire de Xi Jinping est sans limite. Son but est de contrôler tous les pans du système politique hongkongais, affirme-t-il. Lors de cette assemblée, Xi Jinping va aussi chercher à étendre la durée de son mandat. Dans ces conditions, je ne vois aucun avenir meilleur pour Hong Kong."
Dans le même temps, la situation se tend aussi avec Taïwan. Depuis plusieurs mois, Pékin envoie de manière quasi quotidienne des avions militaires aux portes de Taïwan. Une manière de faire pression sur les Taïwanais pour qu’ils acceptent son projet d’annexion. Pourtant, selon un récent sondage, 90% des Taïwanais y sont opposés. Le nouveau tour de vis de la Chine à Hong Kong devrait accentuer cette tendance, ne laissant à Pékin que l’option de la force pour atteindre un jour son but.
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