Quelle politique de retour des œuvres coloniales pillées au Mexique, au Sénégal, au Bénin et au Nigeria ?
Dans le Club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se fait ou se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction le Mexique, le Sénégal, le Bénin et le Royaume-Uni où le statut d'objets d'art mythiques fait l'actualité.
En octobre dernier, l'Assemblée nationale a voté la restitution au Sénégal et au Bénin de biens culturels conservés dans des musées parisiens. Nous vous emmenons dans ces deux pays africains pour voir où en est le transfert de ces oeuvres, mais aussi au Mexique, en conflit avec une maison de vente aux enchères française, et au Royaume-Uni qui compte bien garder certains de ses trésors pourtant issus du pillage.
Le gouvernement mexicain veut empêcher une vente à Paris
Ce n’est pas le première fois : une vente aux enchères de pièces archéologiques précolombiennes suscite des protestations véhémentes de la part du gouvernement mexicain. Mardi 9 février, la maison Christie’s a mis en vente à Paris 39 objets provenant des cultures aztèques, mayas et de Teotihuacán. Il s’agit de statuettes, de masques et de différents objets sacrés dont le Mexique réclame la restitution. Comme il l’a déjà fait, sans succès, par le passé.
Le gouvernement mexicain affirme que ces biens culturels relèvent du patrimoine national et conteste la provenance légale de ces objets. En effet, non seulement le Mexique proteste parce qu’il considère que c’est son héritage culturel qui est mis en vente au plus offrant, mais en plus le gouvernement a aussi déposé plainte auprès du parquet fédéral pour trafic de biens historiques.
Un conflit entre le Mexique et la France
Évidemment on est en présence d’un conflit qui se base sur des différences de législation entre le Mexique et la France. L’argument avancé par les maisons de vente, c’est que les autorités mexicaines doivent démontrer la provenance illégale des biens qu’elles réclament. Or, pour le Mexique, la sortie du pays de ces pièces archéologiques est illégale par essence et donc toutes les transactions qui s’ensuivent sont entachées d’illégalité.
Et par-dessus le marché, l’Institut national d’anthropologie et d’histoire, l’autorité en matière d’archéologie au Mexique, accuse Christie’s de mettre en vente des contrefaçons. Certains archéologues mexicains pensent que ça pourrait être une stratégie pour discréditer ce type de ventes. Le but du Mexique, hormis le fait qu’il pourrait y avoir des faux, c’est surtout de récupérer les pièces authentiques pour qu’elles ne soient pas déconnectées des cultures dont elles proviennent et qu’elles puissent être étudiées au Mexique. Ces ventes, comme elles génèrent tout un marché avec des estimations qui s’élèvent à des centaines de milliers d’euros, incitent en réalité aux pillages des sites archéologiques encore à l’heure actuelle. C’est ce que pensent beaucoup d’experts mexicains, qui considèrent que ces enchères ne devraient pas exister.
Au Sénégal et au Bénin, le dernier voyage sans retour d'oeuvres nationales
Emmanuel Macron s’était engagé en 2017 à restituer les biens culturels africains pillés ou mal acquis pendant la colonisation. La loi sur la restitution de ces objets a été votée en décembre 2020. Ce qui signifie le retour en Afrique du trésor béninois de Béhanzin et du sabre sénégalais d’Oumar Tall.
Au Sénégal, on se félicite du voyage sans retour de cet objet mythique et symbolique de la lutte contre la colonisation française. Le sabre et son fourreau appartenaient à El hadj Omar Tall, figure militaire et religieuse sénégalaise et ouest-africaine du XIXe siècle. Ce sabre avait été renvoyé à Dakar en 2019 pour un prêt de cinq ans. Désormais, il y restera.
Un rapport prône la restitution de 46 000 oeuvres
Les biens béninois n'ont, eux, pas encore été restitués. La France a un an, à partir de décembre 2020, pour remettre aux autorités les 26 oeuvres du trésor du Béhanzin, pillées en 1892. Plusieurs autres pays réclament désormais des milliers d'oeuvres comme le Tchad, l’Éthiopie, le Mali, la Côte d’ivoire ou Madagascar. Une première restitution par la France d’une couronne malgache a d’ailleurs fait du bruit en novembre dernier, car le projet de loi était encore en débat au Sénat.
En France, le rapport d’expertise qui prône la restitution de 46 000 oeuvres est contesté par des spécialistes et des musées comme le quai Branly qui réfutent le fait que toutes les oeuvres présentes depuis la colonisation chez eux ont été pillées ou mal acquises.
Au Royaume-Uni, le British Museum veut bien prêter mais pas rendre les oeuvres
En Angleterre aussi, des objets posent question dans les musées. Des objets acquis dans des conditions troubles ou clairement volés. C’est le cas d'une collection de bronzes africains du prestigieux Bristish Museum. Et plus particulièrement, des bronzes qui viennent de Bénin city, une ville du Sud du Nigéria. Un endroit où les colons britanniques sont arrivés à la fin du 19e siècle et qu’ils ont pillé. Notamment ces sculptures et ces plaques qui représentent des personnages, des animaux, des visages. Des objets de culte. On en compte plus de 900 au British Museum.
Et pas besoin de mener une grande enquête pour déterminer la manière dont ils ont été acquis. Le musée l’écrit lui-même sur son site : "De nombreux objets de cette collection ont été pillés dans le palais royal et les bâtiments de Benin City en 1897 par une expédition militaire britannique. Cet acte de violence est pleinement reconnu par le Musée". Mais ça ne veut pas dire que le British Museum est prêt à rendre ces pièces, pas du tout. Il y a eu plusieurs demandes de restitutions, jamais satisfaites. Et l’année dernière, quand le musée a montré sa solidarité envers le mouvement Black Lives Matter, il lui a aussitôt été rappelé son attitude concernant ces Bronzes.
Aujourd’hui, le British Museum essaie de redorer son image et participe à un projet d’envergure à Benin City : la construction d’un musée et des fouilles archéologiques. L’annonce a eu lieu en novembre dernier et le chantier doit commencer cette année. Le musée londonien va donc participer au financement et aux recherches. Il est précisé que tous les objets ainsi découverts resteront ensuite au Nigéria. Une fois le bâtiment construit, le British Museum s’engage à prêter des bronzes pour des expositions temporaires. Il n’est absolument pas question de les rendre.
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