Le débrief politique. Jour+1 de l'entre-deux-tours
Une retraite politique, un Kennedy français qui marche un peu trop sur l'eau et un défilé du 1er mai qui s'annonce sous haute tension au FN... Tout ce qu'il ne fallait pas rater dans l'actu politique de lundi 24 avril avec Yael Goosz.
L'heure de la retraite pour Fillon
Avant de parler des finalistes, évoquons le sort des éliminés. Cette incroyable bérézina pour les deux partis qui structurent la vie politique depuis 40 ans. La droite absente du second tour, c'est inédit ! Mais à qui la faute ? "Ce n'est pas la droite qui a perdu, c'est François Fillon", disaient, ce lundi matin, plusieurs ténors Les Républicains. Dont acte.
Le candidat perdant a décidé de s'effacer. Il n'est resté que cinq minutes au siège du parti à Paris, ce lundi. "Je n'ai plus la légitimité pour mener le combat des législatives, a-t-il reconnu. Je vais redevenir un simple militant de cœur qui va penser sa vie autrement." Comment ? Mystère pour l'instant. Même si le passé, celui de Nicolas Sarkozy notamment, nous apprend être prudent, les proches de François Fillon assurent que l'heure de la retraite a bel et bien sonné, qu'il ne sera pas candidat aux sénatoriales par exemple, contrairement à ce qu'assuraient certaines sources.
Subtilité sémantique chez Les Républicains
Le parti Les Républicain a réussi, ce lundi soir, à accorder ses violons sur le positionnement de l'entre-deux-tours. Deux écoles s'affrontaient. D'un côté, le front républicain, faire barrage au Front national comme le souhaitent François Fillon et Alain Juppé. Et de l'autre côté, les Sarkozystes qui appellent simplement à ne pas donner une seule voix au FN, c'est-à-dire l'abstention ou le vote blanc. Finalement, ce lundi soir, le communiqué est tombé : un appel à voter contre Marine Le Pen mais pas directement pour Emmanuel Macron. De quoi ménager les électeurs qui ne comprennent pas un appel au vote Macron, principale cible de François Fillon durant la campagne.
Découvrez la déclaration de @BernardAccoyer suite au Bureau politique des Républicains de ce jour. pic.twitter.com/XF8tBMBoYT
— les Républicains (@lesRepublicains) 24 avril 2017
Appeler à voter Macron sans perdre ses chances de gagner les législatives, c'est ça l'enjeu. L'objectif est la cohabitation avec Emmanuel Macron. Penser déjà aux législatives, c'est prématuré. Il y a un second tour et, d'ici-là, plusieurs rendez-vous dont un débat le 3 mai, des meetings à Amiens pour Emmanuel Macron et, pour Marine Le Pen, à Nice ce jeudi et Villepinte le 1er mai.
Macron en Kennedy
Prématuré mais cette impression que les jeux sont déjà faits, c'est aussi le candidat Macron qui la renvoie. Brigitte Macron sur scène en "first lady", ce dimanche soir. Le candidat les bras levés comme un jeune Kennedy saluant la foule depuis sa berline noire. Les chancelleries -allemande notamment- qui disent leur soulagement et la Commission européenne qui crie "ouf". Ajoutez à cela un dîner à la brasserie La Rotonde, à Paris, avec des marcheurs et quelques people pour fêter sa première place. Attention, Emmanuel Macron marche un peu trop sur l'eau. Richard Ferrand, l'un de ses lieutenants est obligé de déminer : La rotonde n'est pas Le Fouquet's. "Hier soir il est arrivé en tête. Moyennant quoi, il nous est apparu assez normal que l'on puisse partager un casse-croûte, explique-t-il à franceinfo. C'est ce que nous avons fait dans une brasserie parisienne. Il est vrai qu'une ou deux célébrités parisiennes nous ont rejoints. De là à en faire une soirée people, je trouve cela juste un tout petit peu abusif."
Qui roule pour qui ?
Mais tous les perdants du premier tour roulent-ils pour Emmanuel Macron ? Toujours pas de consigne du côté de Jean-Luc Mélenchon. On attend le vote internet des insoumis et ça commence ce mardi. C'est long, c'est lent et c'est en train de raviver la crise avec les communistes. Pierre Laurent prendra la parole mardi à la mi-journée. À droite, Marine Le Pen n'est pas un repoussoir pour Sens commun. Il y a aussi l'ancienne secrétaire d'État du gouvernement Juppé 95, la "juppette" Françoise Hostalier : elle votera Front national.
"Ce n'est pas possible que Macron devienne président" : une ancienne ministre Les Républicains va voter Le Pen https://t.co/1t2uBEv2Eg pic.twitter.com/WB5Nz1pn1P
— franceinfo (@franceinfo) 24 avril 2017
De son côté, Nicolas Dupont Aignan en appelle... aux dons. Pas de consigne mais un SOS lancé à ses soutiens pour trouver 300 000 euros. Nicolas Dupont Aignan termine juste sous la barre des 5%, et n'est donc pas remboursé !
Le Pen et "le challenger"
Marine Le Pen était déjà sur le terrain, ce lundi matin, sur le marché de Rouvroy, dans le Pas de Calais. Seule contre tous ? "Ce vieux front républicain tout pourri", comme elle dit, cela la fait sourire. Pas favorite, et alors ? "Il n'y a pas de déception, croyez-moi, affirme-t-elle à franceinfo. Nous sommes des challengers avec un très gros réservoir de voix, contrairement à ce qui est dit sur les différents plateaux de télévision."
Retenez bien ce mot, "challenger", un virage dans le vocabulaire de Marine Le Pen. Jusqu'à maintenant, Marine Le Pen, c'était plutôt ça : "Le mouvement national est désormais sans conteste le premier parti de France alors qu'il est rappelons-le à peine représenté au parlement". "Premier parti de France", c'était la marque, le slogan sur les affiches imprimées par milliers par le Front national au lendemain des élections européennes et régionales. C'est ça qui complique la tâche de Marine Le Pen, c'est le paradoxe, elle progresse en voix, c'est un record, mais elle est victime de son "récit". Marine Le Pen, on le rappelle, est arrivé deuxième (21,30 % contre 24,01% pour Emmanuel Macron).
Jean-Marie n'a pas dit son dernier mot
Le positionnement de Marine Le Pen dans l'entre-deux-tours va être scruté par la vieille garde du FN. Jean-Marie Le Pen n'a pas dit son dernier mot. Le 1er mai prochain, il y aura la fille en meeting à Villepinte et une contre-programmation avec le père pour célébrer Jeanne d'Arc dans Paris.
Le fondateur du FN en a parlé très vite, ce dimanche soir, vers 21h, quand il est descendu de son bureau au manoir de Montretout, sur les hauteurs de Saint-Cloud. Il s'est félicité de la qualification de sa fille et il a donné rendez-vous : "La bataille de deuxième tour va être menée. Elle aura, je crois, son sommet le 1er mai avec le défilé de Jeanne d'Arc et le discours que je prononcerai à cette occasion où je donnerai les consignes dans le détail, a-t-il lancé. J'espère que le 1er mai, et l'appui de Jeanne d'Arc, va apporter la victoire". Ce sera son 40e défilé du 1er mai mais le deuxième seulement en solo, sans l'appareil. L'actuel président d'honneur du FN promet un discours ferme. De quoi embarrasser son parti encore une fois. Justement au FN, en coulisses, on confirme qu'il n'est pas question de s'y associer malgré cet appel du pied un peu taquin de Jean-Marie Le Pen : "Si les gens du Front national veulent se joindre ou participer au défilé, ils sont les bienvenus."
Au programme de la candidate, ce mardi : la France qui se lève tôt avec un déplacement à Rungis, le plus grand marché de produits frais au monde, dans le Val-de-Marne en région parisienne.
Le PS met la poussière sous le tapis
Emmanuel Macron, lui, est resté à Paris depuis sa qualification. Première apparition publique, ce lundi, pour commémorer le génocide arménien de 1915.
Il est venu fleurir un monument à la mémoire du compositeur Komitas. Pas mal de coups de fil également depuis son QG avec des chefs d'État et de gouvernement étrangers. Le candidat d'En Marche est rattrapé par son héritage politique. François Hollande confirme ce que tout le monde avait compris. "Face à un tel risque, il n'est pas possible de se taire, indique le président de la République. Pour ma part, je voterai Emmanuel Macron".
#Présidentielle2017 "La mobilisation s'impose (...) Pour ma part je voterai Emmanuel Macron", François Hollande pic.twitter.com/cN90pLA0Ln
— franceinfo (@franceinfo) 24 avril 2017
Et le parti socialiste aussi fait bloc et se mobilise : tractage et affiches "Marine Le Pen présidente ? Ça jamais !" Le PS qui met la poussière sous le tapis avant les législatives, histoire d'éviter la crise. Une crise que Manuel Valls juge inéluctable sur France Inter ce lundi : "C'est la fin d'une histoire. Doit venir le temps, enfin, de la clarification. Cette absence de clarification nous la payons au prix fort."
La note du débrief : 0/20 pour un maire PS
Après Rouvroy, on reste dans le Pas de Calais : 0/20 pour le maire d'Annezin, 6 000 habitants. "Je ne veux pas consacrer ma vie à des connards", s'est écrié le socialiste Daniel Delomez, ce dimanche, en découvrant les résultats dans sa commune. 38% pour Marine Le Pen, soit deux fois plus que Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. L'insulte n'est jamais une arme efficace en politique.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.