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Le débrief politique. Le "boomerang" de la moralisation

Attaques et contre-attaques pour Ferrand et Sarnez, le silence de l'Élysée, Mélenchon prêt pour un procès, Balladur mis en examen... Tout ce qu'il ne fallait pas rater dans l'actu politique de mardi 30 mai avec Yael Goosz.

Article rédigé par franceinfo, Yaël Goosz
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Richard Ferrand, le ministre de la Cohésions des territoires, le 18 mai 2017 lors du conseil des ministres à Paris, et Marielle de Sarnez, ministre des Affaires européennes, le 14 mai 2017 lors de la cérémonie d'investiture du président de la République à Paris. (MAXPPP)

Macron, côté pile et côté face

Côté pile, Emmanuel Macron est comme un poisson dans l'eau sur la scène internationale. Côté face, Emmanuel Macron et la politique intérieure, c'est plus compliqué entre l'exigence de probité et les projecteurs braqués sur deux de ses ministres.

D'abord Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des territoires et pilier d'En Marche, fragilisé par ses affaires immobilières à l'époque où il dirigeait les Mutuelles de Bretagne. Et puis, Marielle de Sarnez, la ministre des Affaires européennes, proche du garde des Sceaux François Bayrou. Marielle de Sarnez est visée, comme 18 autres députés européens, par une enquête préliminaire pour des emplois présumés fictifs d'assistants au parlement européen. Deux ministres, tous les deux vitrines de la recomposition version Macron puisqu'ils se présentent dans le Finistère et à Paris aux élections législatives.

Attaques et contre-attaques

Le cabinet de Richard Ferrand passe ses journées à démentir et à publier des réponses, point par point, aux papiers de nos confrères du Monde, du Canard Enchaîné ou de Médiapart. Marielle de Sarnez, elle, dépose plainte pour "dénonciation calomnieuse" contre l'eurodéputée frontiste Sophie Montel. C'est elle qui avait posté, le 14 mars dernier au procureur Molins, un tableau Excel avec la liste de ses collègues soupçonnés d'être en infraction. "Ce que la justice reproche à certains députés du Front national, elle devrait aussi s'intéresser à d'autres députés français, explique Sophie Montel. Quand j'ai fait ces signalements auprès du procureur, c'était pour démontrer justement le deux poids, deux mesures". L'eurodéputé Sophie Montel ou la contre-attaque du FN.

Mais les procédures ne sont pas au même stade. Marine Le Pen est convoquée par les juges mais elle n'acceptera de les voir qu'après le 18 juin, après les législatives. Les juges d'instruction cherchent à avoir s'il y a eu un véritable système de financement parallèle mis en place, pour un préjudice estimé par le Parlement européen à près de 5 millions d'euros. Concernant la nouvelle liste des 19 qui comprend des socialistes, des centristes et des membres du parti Les Républicains, les auditions n'ont même pas encore débuté.

Une dissidente sur la route de Sarnez

C'est en tout cas un coup dur pour Marielle de Sarnez, à peine nommée au gouvernement. La partie n'était déjà pas facile pour elle dans la 11e circonscription de Paris où elle doit affronter une candidature dissidente, celle d'Armelle Malvoisin. "L'équipe de Macron et d'En Marche avait dit : 'Il faut faire monter de nouveaux visages, des nouvelles compétences, des nouvelles personnalités', rappelle Armelle Malvoisin. C'était très bien pour réoxygéner non seulement la vie politique mais les pratiques. On ne peut pas faire du neuf avec du vieux." La candidate dit qu'elle n'avait même pas envoyé de dossier de candidature à la commission d'investiture d'En Marche mais qu'elle a décidé de réagir à ce qui lui semble être de la petite cuisine politicienne : le fameux accord avec le Modem. Elle reproche à Marielle de Sarnez d'enchaîner les mandats européens depuis la fin des années 90 et d'avoir cumulé avec un siège au conseil de Paris. L'argument est repris par les adversaires d'En Marche aux législatives.

Ferrand, la confiance des siens

Ce mardi soir, Édouard Philippe a renouvelé sa confiance à Richard Ferrand sur le plateau du 20 heures de France 2. Un de ses collègues ministre avait pris les devants dans l'après-midi. "Richard Ferrand est un collègue du gouvernement, il a toute la solidarité du gouvernement et évidemment de la mienne, a affirmé Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics. Il me semble que le président de la République et le Premier ministre ont mis des règles claires : lorsqu'on est mis en examen ou battu aux élections, on doit démissionner. Il me semble que Richard Ferrand n'est ni battu aux élections ni mis en examen. Les journalistes, et c'est bien normal, commentent. Les Français peuvent se faire une opinion. En ce qui me concerne, Richard Ferrand a toute ma confiance."

Silence radio au palais

Qu'en pense l'Élysée ? Silence radio. Comme la semaine dernière, lors du déclenchement de l'affaire Ferrand, le palais renvoie sur Matignon. "C'est le rôle du chef du gouvernement de s'exprimer sur ses ministres", nous dit-on. La cacophonie résulte du fait qu'il y a trop de prises de paroles, explique l'entourage d'Emmanuel Macron.

De toute façon, le président souhaite raréfier sa parole : un président jupitérien maîtrise son verbe, il est au-dessus de la gestion quotidienne et des vicissitudes de la vie politique hexagonale. La preuve par l'image ces derniers jours : des poignées de mains avec les grands de ce monde plutôt que des commentaires sur les affaires. Par ailleurs, Emmanuel Macron dispose de toute une série de fusibles : c'est d'abord au ministre concerné de se défendre puis au porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, puis au Premier ministre et, enfin, en dernier recours, au président. Dispositif assumé et expliqué par les services de Matignon.

L'info du débrief : la loi de moralisation est repoussée

Voici qui n'arrange pas l'exécutif. Son projet de loi de moralisation de la vie publique ne sera pas présenté avant le premier tour des législatives, selon nos informations. L'examen du texte en conseil des ministres, prévu la semaine prochaine va être repoussé. Ce ne sera pas avant le 14 juin, soit après le premier tour des législative. Première promesse non tenue. Mais l'affaire Ferrand n'y est pour rien. Il s'agit apparemment d'éviter tout risque d'inconstitutionnalité. Emmanuel Macron referme provisoirement sa séquence internationale, il sera mercredi sur les chantiers STX de Saint-Nazaire.

Baroin veut des réponses

Cette faille dans le camp Macron est évidemment exploitée par ses adversaires. Jean-Luc Mélenchon fustige la "carabistouille". Chez Les Républicains, François Baroin veut des réponses : "On a beaucoup souffert pendant la présidentielle autour de François Fillon avec ses affaires et la lessiveuse dans laquelle il était entré, reconnaît-il. Mais, incontestablement, jour après jour, les révélations, les sujets, les interrogations, justifient que désormais le pouvoir au plus haut niveau apporte les réponses. Il faut la clarté à tous les étages."

Par ailleurs, François Baroin espère changer la doctrine du parti LR concernant le Front national : fini le "ni ni". Si un candidat est mieux placé pour battre le FN, il plaide pour le désistement.

Melenchon / Cazeneuve, match retour ?

L'ancien Premier ministre maintient sa plainte en diffamation contre le leader de La France insoumise sauf si ce dernier présente ses excuses. En meeting, Jean-Luc Mélenchon l'avait accusé d'assassinat sur le chantier du barrage de Sivens. Jean-Luc Mélenchon veut bien retirer le mot "assassinat" et le remplacer par "homicide" mais pas plus. Un procès ? Il y est prêt ! : "Je veux dire ceci : si Monsieur Cazeneuve estime qu'il est juste de me faire un procès en diffamation, je l'invite à le faire. De cette façon, nous pourrons, devant un prétoire enfin, prendre tous les éléments, toutes les pièces du dossier. J'invite Monsieur Cazeneuve à la retenue."

Balladur rattrapé par l'affaire Karachi

Pour clore ce débrief à dominante moralisation et justice. On l'a appris cet après-midi, la mise en examen d'Edouard Balladur dans l'affaire Karachi. C'est la cour de justice de la République qui enquête sur des soupçons de détournement de fonds publics à l'époque où il était Premier ministre et où il devait sa campagne de 1995.

La note du debrief: 2/20 pour Jean-François Mancel 

C'est un 2/20 pour le député sortant LR Jean-François Mancel dans l'Oise. Selon nos confères du Parisien, son fils a été assistant parlementaire de 2008 à 2010 mais absent de l'hémicycle car il était étudiant à ce moment-là... en Australie ! Très loin donc du Palais Bourbon. De plus en plus fort.

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