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Pourquoi l'Etat se déleste-t-il ?

C’est le retour des privations en France, le ministre Emmanuel Macron a annoncé hier que l’Etat allait céder entre 5 et 10 milliards d’euros de participations d’ici 2016. Pourquoi l’Etat se déleste-t-il ainsi ?
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Franceinfo (Franceinfo)

Ce "grand délestage " n’était pas prévu. Et on peut même dire que le gouvernement a changé totalement de doctrine depuis le dernier remaniement. François Hollande et Arnaud Montebourg avaient théorisé une autre logique : l’Etat pouvait certes céder quelques participations mais dans le seul but de les réinvestir immédiatement dans d’autres entreprises, pour les renforcer, ou pour favoriser une transition dans une activité jugée stratégique.

Ce n’est donc plus la philosophie du moment et il n’y a plus là aucune idéologie. Plutôt un pragmatisme total. La France qui emprunte déjà beaucoup sur les marchés pour financer sa dette, juge désormais prudent de ne pas en rajouter davantage et donc elle va vendre pour récupérer du cash et ainsi limiter ses emprunts. Entre 5 et 10 milliards d’ici 2016, donc, sans que l’on sache encore quelles entreprises, précisément, seront concernées. Mais la promesse, c’est qu’une partie  de cette somme, au moins quatre milliards, sera bien consacrée au désendettement de la France.

 

La gauche qui privatise, ce n’est pas vraiment une première ?

 

Effectivement. Il n’y a plus de tabou en matière de privatisation pour la gauche et depuis longtemps. Au cours des trente dernières années, le premier ministre qui a le plus privatisé est le socialiste Lionel Jospin : quelque 26 milliards de participations vendues, en cinq ans. C’est plus que Dominique de Villepin, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin ou François Fillon.  Il faut dire que la France a encore de beaux restes : l’Etat est actionnaire dans 174 entreprises, pour une valeur total d’environ 110 milliards d’euros, bien au delà des secteurs stratégiques. L’Etat a désormais compris qu’il lui suffisait souvent de garder la simple minorité de blocage pour continuer, de fait, d’exercer un pouvoir décisif dans la gestion de ces entreprises.

 

Et nos voisins privatisent aussi ?

 

Oui et cela ne surprendra personne, nos amis britanniques sont en la matière les plus entreprenants. Le conservateur David Cameron a ainsi annoncé ce lundi un plan très important de privatisations de plus de 25 milliards d’euros, qui concernera notamment sa participation de 40% dans la compagnie ferroviaire transmanche Eurostar. Même objectif : réduire l’endettement du pays et éviter de dépendre plus encore des marchés financiers. L’Italie, Malte ou encore la Grèce ont beaucoup vendu ces trois dernières années pour desserrer les contraintes.

 

Tout cela paraît assez sage, assez rationnel, mais il faut tout de même garder deux choses à l’esprit :

 

1 – Vous ne pouvez pas vendre les bijoux de famille chaque année, ces privatisations ne doivent pas empêcher ces Etats de réduire leur train de vie, sous peine de se retrouver encore plus vulnérable.

2 – Pour que ça marche, il faut vendre de bons actifs, bien choisir le moment, et surtout que les marchés tiennent. C’est eux qui feront le prix. Tout repose donc sur l’exécution de ces privatisations, c’est aussi à cette aune là, qu’il faudra juger les cessions annoncées hier par Emmanuel Macron.

 

Vincent Giret, du journal Le Monde.

 

 

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