Cet article date de plus de huit ans.

Pourquoi la taxation des CDD n'aura pas d'impact

Onze nouvelles mesures pour les jeunes ont été annoncées hier par le premier ministre Manuel Valls. Une question : vont-elles faciliter l’entrée des jeunes sur le marché du travail ?
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Franceinfo (Franceinfo)

Il faut distinguer clairement deux volets dans les mesures décidées hier par le Premier ministre. D’un côté, dix mesures d’abord destinées à stabiliser le passage des jeunes entre la fin des études ou de la formation et le début de l’entrée dans la vie active. Je vais en citer quatre : une prolongation et une revalorisation des bourses notamment pour les jeunes d’origine modeste et après l’obtention de leur diplômes, une amélioration de la rémunération et des droits des apprentis, un système caution publique pour aider les jeunes de moins de trente ans à se loger, et enfin un accès plus facile à la santé pour les jeunes en rupture avec leur famille. Au total sur ce premier volet aux allures de patchwork, il parait quand même très difficile de s’y opposer, ce sont sans doute des mesures sociales utiles, même s’il n’est pas dit comment ce paquet qui coûtera quand même un demi milliard d’euros sera financé. Mais pour répondre précisément à votre question Fabienne : on n’est ici dans un tout autre registre que la loi sur le Travail, et aucune de ces mesures n’aura vraiment d’impact sur l’emploi des jeunes.

C’est le second volet qui suscite le plus de polémiques…

Oui, et ce second volet tient en une seule mesure que l’on avait cru à tort abandonnée, revoilà donc la fameuse taxation des CDD. Intuitivement, et en première appréciation, taxer le CDD, les abus de CDD peut avoir l’apparence de l’évidence, du bon sens économique. Puisque certains en usent et en abusent et bien taxons les employeurs pour les contraindre à proposer des CDI, plus protecteurs et donc moins chers pour l’entreprise. Oui, seulement, en économie, il faut parfois se méfier des fausses évidences. Les faits, les réalités, les relations à cause à effets sont souvent plus complexes. Et c’est le cas avec la taxation des CDD. Ce choix est d’autant plus curieux que cette mesure a déjà été essayée : en 2014, les partenaires sociaux avaient relevé la part patronale des contributions chômage sur les contrats courts de moins de trois mois. Résultat inattendu : les CDD avaient augmenté, de 2 points même, tout comme le taux de chômage des jeunes actifs ! Un CDI, c'est une affaire de confiance en l'avenir, de projets et de carnet de commande, pas hélas, de taxes, ni de contraintes nouvelles.

Donc, là non plus, cette mesure n’aurait pas d’impact sur l’emploi des jeunes…

Aucun impact. Ce n’est pas la taxation des CDD qui va encourager un chef d’entreprise à proposer un CDI, même si les conditions du licenciement sont par ailleurs assouplies. On est là, très loin du pragmatisme et de l’intérêt général. Disons le autrement, on n’est davantage dans le négoce et dans la symbolique politique que dans la réforme systémique. Les uns trouverons la manœuvre politiquement habile pour désamorcer le conflit avec les syndicats étudiants et faire passer la loi El Khomry dans une version quand même très assouplie ; les autres s’étonneront qu’il soit si difficile en France de créer les conditions d’une entrée plus rapide des jeunes sur le marché du travail et de la persistance d’un taux de chômage des moins de 30 ans très supérieur à beaucoup de nos voisins européens.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.