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Privatisation des aéroports de Nice et Lyon : la fausse polémique

La privatisation en cours des aéroports de Nice et de Lyon suscite une vive polémique. L’Etat fait-il une erreur stratégique en confiant au privé la gestion de ces aéroports ?
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
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Certains reprochent à l’Etat une forme d’abandon de souveraineté, comme si l’Etat cédait une frontière ou un actif stratégique. Alors pour essayer d’y voir clair, regardons d’abord de quoi il s’agit : la situation de ces deux aéroports est d’abord totalement opposée : Nice, est le 1er aéroport régional français en terme de trafic, de puissance et de lignes, c’est un vrai hub international, qui vient juste derrière Roissy et Orly. Cet aéroport tourne à plein régime. A Lyon, c’est tout l’inverse : la région Rhône-Alpes a beau être la 4ème région d’Europe en terme de population et de puissance économique, sa capitale régionale ne dispose que du 52ème aéroport d’Europe : c’est une anomalie totale dont l’Etat est en partie responsable, et qui laisse surtout entrevoir le potentiel considérable de développement de cet aéroport proche de la Suisse et de l’Allemagne, pour peu qu’on y ajoute des fonds, une vision et des compétences. L’Etat souhaite donc vendre ses parts, soit 60% de ces deux aéroports, le reste appartenant aux chambres de commerces et aux collectivités locales avoisinantes. Le ou les vainqueurs de ces appels d’offres parmi les onze prétendants, français et étrangers devront respecter un cahier des charges très stricts dans le cadre d’une  "concession" que l’Etat leur accordera.

Jusqu’ici, cela ressemble à beaucoup d’autres privatisations plutôt anodines…

Oui, absolument. Il faut ajouter dans ce cas précis que les activités de souveraineté ne sont pas concernées, bien sûr : les douanes resteront les douanes, tout comme la police des frontières, ou la police tout court pour assurer et garantir la sécurité des lieux. On ne voit d’autant moins les raisons d’une polémique enflammée qu’une très belle entreprise française ADP, dont l’Etat a d’ailleurs plus de 50% du capital aux côtés d’acteurs privés, vend son savoir-faire en gestion et en développement d’aéroports à l’international. Le français ADP gère ainsi 34 aéroports dans le monde, directement ou indirectement sans que les pays concernés, pourtant parfois très sourcilleux, comme la Turquie, y ait vu un problème de souveraineté. On peut ajouter enfin que dans les dossiers de Nice et de Lyon, Bercy a vérifié au scanner l’honorabilité et la solidité de chacun des prétendants. 

Mais pourquoi l’Etat engage maintenant ces privatisations ?

Tout simplement parce que l’Etat a besoin d’argent, et qu’il reste actionnaire de très nombreuses entreprises, même cela n’a sans doute plus beaucoup de sens dans le monde d’aujourd’hui. Au dernier pointage de l’Insee, l’Etat contrôle encore majoritairement en France, près de 90 groupes, soit plus de 1.600 entreprises, en comptabilisant les filiales, et près de 800 000 salariés. Et je ne parle pas des participations minoritaires encore plus nombreuses. C’est peu dire que cette collection d’actifs mériterait d’urgence une nouvelle réflexion stratégique. Mais la vraie polémique est ailleurs : si l’Etat a besoin d’argent pour renflouer notamment EDF et Areva, c’est qu’il est rarement un bon actionnaire et qu’il ne tient pas bien ses comptes publics et surtout ses engagements : François Hollande et son gouvernement ont multiplié les dépenses nouvelles ces derniers mois sans les financer. Comme quoi dans l’aérien aussi, une polémique peut en cacher une autre, elle, beaucoup plus solide.

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