Quand le capitalisme se rebelle contre les salaires des grands patrons...
Il s’est bien passé quelque chose de nouveau hier qui a surpris tout le monde. Jusqu’ici seuls des syndicats, des ONG, ou des responsables politiques critiquaient, chaque année, lors des assemblées générales, l’envolée vertigineuse des salaires des grands patrons, un rituel qui semblait sans effet. Mais cette fois et pour la première fois, c’est de l’intérieur même du capitalisme que monte une colère contre ces rémunérations jugées déraisonnable. Les dirigeants du fonds pétrolier norvégien qui ont réagi hier ne sont pas n’importe qui. Ils dirigent le plus grand fonds souverain du monde, et ce fond n’est pas un petit joueur anodin du capitalisme, jugez du peu, il détient pour près de 1.000 milliards de dollars d’actifs dans le monde, c’est à dire qu’il est présent au capital de plusieurs centaines d’entreprises significatives. Jusqu’à présent, ce fonds publics, qui s’est constitué à partir des recettes pétrolières de la Norvège, se contentait d’afficher et de mettre en pratique une éthique de l’investissement responsable. Aujourd’hui, ce fonds va plus loin, et annonce qu’il pourrait sortir des entreprises dont il estimerait le patron trop payé. La menace est tout sauf anodine.
Est-ce que cette menace peut conduire les conseils d’administration à plus de mesure ?
Ça ne se fera pas en un jour, mais plusieurs signes laissent penser qu’on a sans doute à faire à un mouvement irréversible. D’abord, on va voir si d’autres fonds d’investissement vont suivre l’exemple norvégien, mais après cette initiative, beaucoup vont devoir se positionner. Ensuite, il faut aussi noter que la fronde est partie cette fois des assemblées générales des actionnaires. Et ça c’est aussi très nouveau. Une majorité des actionnaires de BP se sont prononcés à la mi-avril contre la rémunération de 17 millions d’euros prévues pour le patron du groupe pétrolier. Et vendredi, ce fut au tour des actionnaires de Renault de voter contre les 7 millions promis à Carlos Ghosn. Et quand le conseil d’administration n’en tient pas compte, et accorde quand même cette rémunération XXL à son PDG, et bien cela suscite un vrai malaise. On a pu entendre hier soir Pierre Gattaz, le patron du Medef, dire sa désapprobation de voir ainsi balayée la volonté d’une majorité de votants parmi les actionnaires. Signe là encore que le mouvement est allé trop loin pour les acteurs même de l’entreprise.
Comment les conseils d’administration qui décident de ces rémunérations justifient cette inflation des salaires ?
Deux arguments, qui ne sont pas faux d’ailleurs : Les très grands patrons sont sur un marché mondial, ils ont un prix, fixé donc par le marché qui juge de leur talent et de leurs résultats.Les deux dirigeants français dont la rémunération à fait scandale, Carlos Ghosn pour Renault et Carlos Tavares pour le groupe PSA sont des dirigeants d’exception qui ont sauvé et transformé en profondeur leur entreprise respective, et le premier depuis plus de dix ans. Et comme me l’a résumé l’un d’entre eux, on préfère avoir Tavares et Ghosn chez nous, en France, que travaillant pour des groupes étrangers.
Ces arguments peuvent s’entendre, mais ils sont aujourd’hui déconnectés de ce que ressent la société en sens large et désormais même une partie importante de leurs propres actionnaires. En France, mais aussi aux Etats-Unis.
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