Un nouveau comité d’entreprise est-il encore possible chez Air France ?
Si l’on en croit les déclarations des uns et des autres ce week-end, ça va être très difficile, Fabienne. Examinons la situation dans laquelle se trouve chacune des parties prenantes ce matin. La direction d’Air France, d’abord. Alexandre de Juniac l’a affirmé hier, le fameux « plan B » de restructuration et de productivité va s’appliquer tout de suite. La direction ne veut plus perdre de temps. Elle ne désarme pas, le patron de la compagnie a précisé que 1000 départs auront lieu dès 2016, que ce point là n’était plus négociable. Pour les près de 2000 autres départs programmés en 2017, la discussion reste ouverte, mais sur les modalités. Même si elle n’a pas brillé par sa pédagogie, la direction se sent en position de force, d’autant plus que la justice a condamnée en première instance l’attitude des pilotes qui refusaient d’appliquer des mesures d’économies pourtant déjà négociées dans le précédent plan de transformation.
Mais l’Etat qui est actionnaire, soutient-il vraiment ce passage en force de la direction ?
La position de l’Etat est très importante, les syndicats ayant toujours multiplié les pressions sur les gouvernements pour arracher des concessions et faire flancher leur direction. Le problème, c’est que la situation n’est pas bien claire : si d’un coté Manuel Valls et Emmanuel Macron n’ont pas ménagé leur soutien à la direction d’Air France, une autre petite musique s’est faite entendre d’abord avec Ségolène Royal qui a réclamé le gel du plan social, puis avec le président Hollande qui dans une phrase ambiguë a semblé expliquer la violence des salariés par la brutalité patronale, sans citer explicitement Air France. Le problème, c’est que l’Etat a été bien évidemment et depuis toujours tenu au courant du tout, ses deux administrateurs ont même voté en faveur du plan de la direction. Soit l’Etat se déjuge et c’est un très mauvais signal donné aux directions de toutes les entreprises dont il est actionnaire : l’Etat affirmerait ainsi le prima de la politique sur les intérêts économiques des entreprises et sur l’argent des contribuables. Soit l’Etat réaffirme au contraire son soutien et alors il doit le dire clairement, sous peine de faire naître de faux espoirs et de mettre lui même de l’huile sur le feu.
Mais les syndicats sont-ils prêts à négocier ?
Les syndicats seront d’autant plus intransigeants qu’ils sentent que l’Etat est affaibli et divisé sur la question. Mais il ne faut pas se tromper : on entend certes beaucoup la CGT, mais on oublie de dire qu’elle a subi un revers historique au printemps dernier lors des élections professionnelles à Air France, elle n’a plus la toute puissance d’autrefois. Quant aux pilotes, ils ont perdu beaucoup de plumes dans le dernier conflit, en interne comme en externe, où leur combat est souvent apparu comme celui d’une caste très privilégiée. Cette semaine, chaque camp est donc confronté à sa propre responsabilité. L’Etat devra être clair, l’entreprise devra faire preuve d’écoute et d’habileté, quant aux syndicats, ils devront être unis et savoir parler au nom de l’intérêt général pour éviter les mesures les plus dures. Quand on sait que plus de 600 compagnies aériennes ont disparu en Europe en quinze ans, c’est une sacrée responsabilité.
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