AME : l'ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn regrette que ce dispositif pourtant "pragmatique et intelligent" serve à "brosser un électorat dans le sens du poil"

Huit anciens ministres de la Santé, dont Agnès Buzyn, signent une tribune dans laquelle ils s'inquiètent des déclarations récentes de Bruno Retailleau qui entend transformer voire supprimer l'Aide médicale d'État.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, invitée de francienfo le 27 septembre 2024. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Agnès Buzyn, ancienne ministre des Solidarités et de la Santé, regrette vendredi 27 septembre sur franceinfo que l'Aide médicale d'urgence (AME) soit utilisée "en permanence pour brosser un électorat dans le sens du poil" alors que "c'est un dispositif conçu intelligemment pour protéger la santé des gens et faire en sorte que ça ne nous coûte pas trop cher." Avec sept autres anciens ministres de la Santé, elle a signé jeudi une tribune dans le journal Le Monde pour alerter sur les "conséquences sanitaires, humaines, sociales et économiques inacceptables" qu'aurait la suppression de l'AME.

Le nouveau ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, souhaite réduire drastiquement les droits à l'AME qui facilite l'accès aux soins des personnes en situation irrégulière. "On regrette que la politisation du débat se fasse sur un objet de santé publique et un dispositif pragmatique et intelligent", déclare Agnès Buzyn.

"Tous les rapports ont montré que ça n'était pas une incitation à l'immigration irrégulière. "

Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé

sur franceinfo

"La moitié des migrants en situation irrégulière ne l'utilise pas, rappelle l'ancienne ministre. Deuxièmement, il a été démontré que si on la supprimait, les soins coûtaient en réalité beaucoup plus cher. Et troisièmement, ça met en danger la population", affirme-t-elle. Le risque épidémiologique est souvent mis en avant par les défenseurs de l'AME. Mais pas seulement : "Si vous supprimez l'aide médicale d'État, les gens ne peuvent plus se soigner en ville" et ils vont passer "par les urgences" qui "aujourd'hui n'ont pas besoin d'être engorgées", explique-t-elle.

Autre argument, les coûts que pourrait engendrer la suppression de l'AME : "Les gens sont obligés d'attendre d'aller vraiment mal. Énormément de pathologies peuvent se soigner de façon simple et pas très chère en amont. Si vous attendez que l'état de santé des gens s'aggrave, ils sont hospitalisés et ça coûte beaucoup plus cher à la Sécurité sociale", explique Agnès Buzyn. "Ça va augmenter considérablement le coût pour les Français", ajoute-t-elle.

Pourquoi pas améliorer le dispositif

"C'est un dispositif conçu intelligemment pour protéger la santé des gens et faire en sorte que ça ne nous coûte pas trop cher", affirme l'ancienne ministre de la Santé. Les signataires de la tribune ne s'opposent pas à un toilettage du dispositif : "Pourquoi pas réformer à la marge et faire en sorte que ça aille mieux".. Le rapport Evin-Stefanini propose de retirer l'accès à l'AME pour les personnes frappées par une mesure d'Obligation de quitter le territoire français (OQTF) : "Pourquoi pas. Il faut regarder en pratique. Si ces gens n'ont pas de maladies infectieuses potentiellement contagieuses", explique-t-elle.

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