Émeutes en Nouvelle-Calédonie : "Il y a des dégâts collatéraux terribles" pour les patients, explique un représentant du CHT de Nouméa
"On estime que jeudi, trois ou quatre personnes seraient probablement décédées par défaut d'accessibilité aux soins", a relaté vendredi 17 mai sur franceinfo Thierry de Greslan, président de la commission médicale d’établissement du CHT, centre hospitalier territorial de Nouméa.
"Aujourd'hui, je n'ai pas les chiffres. C’est une estimation qui est très difficile. Mais il y a des dégâts collatéraux qui sont terribles", a-t-il ajouté. Ces derniers jours, "on avait une cinquantaine de dialysés qui n'avaient pas pu accéder à leur dialyse", a-t-il précisé. "On a des patients qui n'avaient pas été dialysés depuis lundi. On a réussi, en dialysant cette nuit et en récupérant quelques patients, à diminuer le nombre de 50 patients qui sont sur le Grand Nouméa", a-t-il souligné.
L'accès à l’hôpital de Nouméa est rendu difficile du fait des barrages installés sur les routes : "On a vraiment de grandes difficultés à faire venir nos patients. On a des difficultés à faire venir nos soignants. On a des équipes qui travaillent depuis lundi et qui sont épuisées", a-t-il expliqué. Les équipes médicales bravent les barrages pour venir travailler : "Les gens viennent au compte-gouttes pour pouvoir bien soutenir les équipes qui sont, dans la plupart des cas, en sous-effectif", explique-t-il.
"On est prêts à affronter ça"
La situation est toutefois "plus calme" vendredi, selon les autorités locales, à l'exception de quartiers hors de contrôle que l'État va tenter de "reprendre", après quatre nuits de violences. Un poste médical avancé a été mis en place afin de permettre "une première prise en charge" lorsque cela est nécessaire, a annoncé le gouvernement calédonien. De plus, le millier d'effectifs des forces de l'ordre envoyés en renfort, ont notamment pour mission de "libérer tous ces barrages" pour dégager les grands axes routiers.
Les urgences de l’hôpital ont vu le nombre de patients diminuer de 50% ces derniers jours, voire de 80% pour la journée de jeudi. "Comme l’a décrit le Haut-commissaire, on est dans une situation de guérilla urbaine avec son lot de blessés par balle, pas tant que ça, mais quand même tous les soirs", a précisé Thierry de Greslan. "On s'attend ce soir à avoir de nouvelles émeutes violentes avec des affrontements par balles. On a des blessés des deux côtés. C'est vraiment une situation absolument dramatique. On a aussi beaucoup, beaucoup de fractures traumatiques", a-t-il souligné. Les deux blocs opératoires fonctionnent 24h/24h : "On est prêts à affronter ça", assure le président de la commission médicale d'établissement du CHT. Mais il s’inquiète du "rebond" possible "que l’on connaît dans toutes les crises, c'est-à-dire les malades qui ne sont pas pris en charge actuellement et qui sont extrêmement stressés", a-t-il dit.
Un des deux sites de stockage de médicaments de l'archipel incendié
Un des deux sites de stockage de médicaments destinés aux pharmacies de l’archipel a été incendié, ainsi que des officines : "Des gens nous appellent pour savoir où aller chercher leurs médicaments. Ils ont arrêté de les prendre depuis plusieurs jours. Les infirmières, certaines en libéral, bravent aussi les barrages pour aller faire leur travail. Il y a des médecins libéraux qui ont rouvert leur cabinet et font des consultations en téléconsultation", a-t-il expliqué. L’hôpital de Nouméa a pour l’instant suffisamment de médicaments : "On n'a pas de pénurie majeure encore. On a des stocks. Mais si la situation devait se pérenniser, c'est sûr qu'on assistera malheureusement à ça", a-t-il expliqué.
Thierry de Greslan a conclu avec un message d’apaisement : "Je crois au potentiel de la Calédonie, à vivre ensemble. Je le constate au quotidien. Aujourd'hui, dans l'hôpital, nos équipes sont vraiment mixtes, de toutes les cultures et les gens sont d'une très grande générosité", dit-il. "J’espère que ce coup de massue qui s'est abattu sur la Calédonie permettra de rebondir le plus rapidement possible et trouver des solutions apaisées qui permettent aux gens de se faire soigner et puis de prendre soin d'eux-mêmes", a-t-il déclaré.
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