Expulsions des locataires pour cause de JO : la Fondation Abbé Pierre appelle à "faire respecter la loi"

Des Parisiens se voient contraints de quitter leur logement avant la fin de leur bail en toute illégalité, dénonce un collectif d'associations, dont la Fondation Abbé Pierre, dans une tribune.
Article rédigé par franceinfo
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Christophe Robert, le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, alerte sur les conséquences des expulsions de locataires en vue des JO de Paris 2024. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

"Il faut faire respecter la loi", affirme vendredi 29 mars sur franceinfo Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. La fondation est signataire, avec un collectif d'associations, d’une tribune dans le journal Libération pour dénoncer les résiliations des baux en région parisienne pour cause de Jeux olympiques. Des Parisiens se voient contraints de quitter leur logement avant la fin de leur bail en toute illégalité. "Les JO 2024 ne doivent pas être le prétexte à l’expulsion abusive des locataires", alertent ces associations.

Christophe Robert appelle "à un suivi de ces congés pour reprise ou pour vente" pour vérifier leur légalité. En Seine-Saint-Denis, 60% des congés traités par l’association Adil 93 sont "frauduleux". Un propriétaire a le droit de reprendre son logement avant la fin du bail pour le revendre ou pour le louer à son enfant. Mais à l'approche des JO, certains propriétaires reprennent leurs logements pour "les relouer beaucoup plus cher", car c'est "trois ou quatre fois plus lucratif", souligne-t-il. "ll y a une nécessité de mieux encadrer, d'accompagner, de faire valoir le droit", insiste-t-il, surtout à moment où la crise du logement touche de nombreux Français.

franceinfo : Est-ce qu'on a une idée du nombre de locataires qui sont touchés par ces expulsions ?

Christophe Robert : Il n'y a pas de statistiques, c'est d'ailleurs un problème, parce que c'est un phénomène qui est peu suivi. Quand vous êtes propriétaire et que vous louez votre logement, vous avez le droit de reprendre votre logement avant la fin du bail si vous le reprenez pour vous-même pour le revendre parce que vous avez des besoins financiers ou pour votre enfant, mais autrement, vous devez aller jusqu'au bout du bail. Vraisemblablement avec la question des Jeux olympiques, on reprend ces logements pour les relouer beaucoup plus cher, c'est trois ou quatre fois plus lucratif, à l'occasion des Jeux olympiques ou du tourisme qui s'accroît dans un certain nombre de territoires. Il y a eu une augmentation considérable du nombre de logements locatifs qui sont sortis du parc locatif pour aller vers des plateformes de locations touristiques. Ça s'accélère avec les Jeux olympiques, ça s'accélère par exemple au Pays basque, en Bretagne et ça crée des déséquilibres très importants. Il faut de la régulation, il faut du suivi, il faut faire respecter la loi.

Que peuvent faire les locataires ?

Les analyses que nous avons montrent que, par exemple, dans les dossiers traités par l’Adil 93, l'association qui s'occupe de l'information sur le logement en Seine-Saint-Denis, il y a une proportion de 60% de congés frauduleux.

"Il faut que les locataires aillent au-devant des associations ou d'avocats pour vérifier la validité du congé pour reprise qui est donné par le propriétaire."

Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre

à franceinfo

On pourrait être dans un monde où il était facile de trouver un logement social, de pouvoir accéder à un autre logement locatif privé, mais ce n'est pas le cas. Ça peut créer des désordres sociaux, des situations extrêmement tendues sur le front social. Donc il y a une nécessité de mieux encadrer, d'accompagner, de faire valoir le droit. Ce qui nous inquiète aussi, c’est qu’à partir de dimanche prochain [le 31 mars], c'est la fin de la trêve des expulsions locatives. On a beaucoup de ménages aujourd'hui qui sont en situation de grande fragilité. On a beaucoup d'inquiétude sur le risque de voir augmenter les expulsions dans notre pays.

Vous en appelez au gouvernement ?

On en appelle à un suivi de ces congés, congé pour vente ou congé pour reprise, pour vérifier leur validité. Pour la grande majorité des propriétaires ce n’est pas un problème. C'est vraiment pour reprendre un logement, soit pour le vendre ou le louer à leur fils ou fille. Mais quand on suit et qu'on s'aperçoit qu'en fait ça n'est pas le cas et que deux mois après, ce logement est mis en location sur une plateforme touristique, c'est illégal. Il faut une intervention juridique. Aujourd'hui, c'est plus attractif pour un propriétaire de le louer sur une plateforme que de louer à l'année parce que la fiscalité est plus avantageuse. Il y a un projet de loi qui est en cours, qui est passé en première lecture à l'Assemblée nationale. Mais ça fait cinq ans qu'on nous dit "oui, on a bien repéré le problème, on va le traiter". J'espère que ça va être désormais programmé au Sénat. On perd un temps fou. Aujourd'hui, c'est 800 000 logements qui sont sur des sites de locations touristiques.

Des personnes peuvent se retrouver en grande difficulté après ces expulsions ?

Les personnes qui ont été expulsées de leur logement, un à trois ans après, n'ont toujours pas un logement stable. Une étude que l'on a faite nous montre qu'un tiers de personnes qui ont été expulsées n'ont pas pu continuer leur activité économique. C’est tout ça qu’il y a derrière. C'est à un moment où les coûts globaux, de l'alimentaire, de l'électricité, augmentent. Ça devient très difficile de pouvoir payer son logement. Il faut aller au-devant des personnes. Il faut les soutenir, il faut leur tendre la main et il faut faire appliquer la loi.

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