Festival de Cannes : la Croisette chavire, unanime, pour "Toni Erdmann"
L’écho est tel qu’on a encore envie d’en parler ce matin, Toni Erdmann n’en finit pas de recueillir les bravos. Après la presse, c’est en projection officielle hier que le grand théâtre lumière a chaviré pour le film de Maren Ade.
Des réactions rarissimes, des cris de joie
Il y a dans ce long récit d’une relation père-fille quelque chose de l’ordre de la catharsis, qui entraine des réactions rarissimes à Cannes, comme des applaudissements, des cris de joie en plein milieu du film. Le génie de Maren Ade, c’est d’avoir traité son sujet au milligramme près, sans jamais ajouter un soupçon d’émotion ou de pathos.
Toni Erdmann c’est le personnage que s’invente Winfried, retraité déconneur grotesque, pour que sa fille se mette enfin à rire. Ines est une business woman coincée qui voit débarquer son père à Bucarest, où elle travaille pour le capitalisme mondialisé.
Il devient Toni, faux dentier, perruque ridicule, et il se fait passer pour un coach personnel en envahissant sa vie professionnelle. C’est en le laissant faire son cirque qu’elle va renouer avec lui, notamment quand elle chante du Whitney Houston et qu’il l’accompagne au piano dans une famille roumaine, scène surréaliste, déjà culte.
"Le plus important avec Toni, explique Maren Ade, c’est qu’il fallait en permanence voir Winfried à travers lui. L’humour vient de là, de ce père capable de faire ça. Et il faut croire que Winfried est quelqu’un de normal, capable d’être Toni. Comme une impulsion venant des personnages."
Mademoiselle , thriller érotique sud-coréen
Bizarrement, on connait moins le cinéma allemand que le coréen Park Chan-wook, habitué de Cannes. il revient avec son esthétique, ultra-soignée, peut-être trop.
Mais cet excès de raffinement, ces images parfaites, ce découpage du récit en poupées russes n’enlèvent rien à Mademoiselle qui est avant tout une magnifique histoire d’amour entre deux femmes.
Dans la Corée occupée par les japonais en 1930, une servante coréenne se met au service d’une riche japonaise qui vit recluse sous la coupe d’un oncle pervers et tyrannique. C’est un thriller érotico-sadico-saphique, où un escroc pense qu’il sera plus fort que les femmes. Pas de chance pour lui, Park Chan-wook avait très envie de faire un film comme une déclaration d’amour à ces femmes souvent mal traitées dans le cinéma asiatique.
"Il y a en Corée un désir grandissant pour ce type de film, précise Parc Chan-wook. Je ne sais pas si le mien peut être qualifié de féministe, mais depuis quelques années j’essaie de faire des films où on apporte une place importante aux femmes. Ces images de femmes soumises, fréquentes dans le cinéma asiatique, me déplaisent. Je voulais décrire des personnages féminins dynamiques, qui réalisent leurs propres désirs et qui prennent des initiatives."
Deux actrices merveilleuses dans Folles de joie
Des femmes encore, qui nous font rire et pleurer, ce sont les Folles de joie de Paolo Virzi à la Quinzaine des réalisateurs. Valeria Bruni Tedeschi et Micaela Bruni Tedeschi sont Béatrice et Donatella, deux patientes d’une maison psychiatrique, qui se trouvent, comme le jour trouve la nuit.
L’une est dans l’hystérie joyeuse, s’invente un statut social élevé quand l’autre est dévorée par sa souffrance, mère séparée de son enfant, femme maltraitée. Ensemble elles bricolent une thérapie à coup de fugues, de vols, de crises de fou-rire. Valeria Bruni Tedeschi excelle dans l’outrance de son personnage.
"Elle invente une joie de vivre qu’elle n’a pas. Elle s’invente une joie de vivre, une allégresse, c’est une vraie mythomanie. Ce sont deux personnes malades de tristesse. Et elles s’inventent d’être joyeuses…C’est presque la joie ou la mort."
Hors compétition, Chouf
Chouf , en arabe ça veut dire "regarde". C’est ce que nous dit Karim Dridi, dont le film est projeté hors-compétition. Chouf , c'est le nom des guetteurs des réseaux de drogue de Marseille.
Toi festivalier, dans le luxe de Cannes, regarde la spirale infernale des règlements de compte dans les cités des quartiers nord de la cité phocéenne, rongées par le trafic de drogue.
Le réalisateur s'est complètement immergé dans une cité pour tourner son film, il a voulu comprendre, loin des caricatures médiatiques.
Et pour lui, c'est bien à cela que sert le cinéma. Chouf !
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