Gilbert Sinoué : "Nasser, l’aigle égyptien"
À peine prononce-t-on le nom de Gamal Abdel Nasser, cet homme d’Etat qui régna sur l’Egypte entre 1954 et 1970, que l’on recueille ce type de commentaire : Nasser ? Un horrible dictateur, un despote, le farouche ennemi de l’Occident. J’ai moi-même grandi avec cette image qui me fut transmise avec assiduité par mes parents et leur entourage. Ce n’est que plus tard, bien plus tard, après avoir fait oeuvre d’historien, débarrassé de toute subjectivité, qu’une évidence m’est apparue : il n’y eut pas un Nasser, mais deux.
Le premier, qui est à la fois le militaire de 1948 en Palestine, où il combat en héros ; le patriote de 1952, qui met un terme à soixante-dix ans d’occupation britannique ; le nationaliste qui fait un bras d’honneur à l’Occident en déclarant le 26 juillet 1956 : «Moi, aujourd’hui, au nom du peuple, je prends la Compagnie. Ce soir, notre canal égyptien sera dirigé par des Egyptiens !» Et j’entends encore son formidable éclat de rire, retransmis dans le monde entier par la Voix des arabes.
Et puis, il y eut l’autre Nasser. Celui des nationalisations à outrance, l’inventeur des moukhabarat, cette Stasi égyptienne ; celui qui plongea le pays dans un indicible marasme économique, l’homme de la guerre des Six Jours. Six jours d’une humiliation sans nom.
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