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Arno Klarsfeld : "La corrida, la chasse à courre doivent disparaître" et auront disparu "d'ici 15 ans en France"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, Arno Klarsfeld.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
L'avocat Arno Klarsfeld à Saint-Raphaël (Var) le 6 février 2020 (PHILIPE ARNASSAN / MAXPPP)

Arno Klarsfeld est un avocat franco-israélien et le fils aîné de Serge Klarsfeld, avocat, écrivain et de Beate Klarsfeld, militante antinazie allemande, tous deux connus en tant que chasseurs de nazis. Aussi écrivain, il publie aujourd'hui Âmes et animaux aux éditions Fayard.

Elodie Suigo : Âmes et animaux, c'est un journal que vous avez tenu juste avant la première période de confinement, période pendant laquelle vous avez vécu avec vos parents et vos animaux de compagnie, chiens et chats. Grosse introspection ?

Arno Klarsfeld : C'est conter chaque jour une histoire concernant les animaux, un environnement que j'ai connu et le confinement comme toile de fond. Après, est-ce que les gens aimeront ou pas ? En tous cas, ceux qui aiment les animaux aimeront.

On le ressent tout au long de cet ouvrage, vous revenez sur ce qu'on vous a transmis, sur les valeurs que vous ont transmises vos parents. Vous dites que pendant cette période vous êtes redevenu l'enfant de vos parents et en même temps, un de leurs parents.

Ma mère a 81 ans, mon père a 85 ans, donc je fais mon devoir de fils pour tout. Et oui, je veille amoureusement sur eux, mais eux ont veillé sur moi et continuent à veiller sur moi. On a failli mourir ensemble à de nombreuses reprises. Je le raconte dans le livre, on a eu des attentats, je crois qu'il n'y a pas de famille en France qui ait eu autant d'attentats. Un attentat au colis piégé, un attentat à la voiture qui a sauté, un autre avec une bombe sur le palier. On a vécu des aventures ensemble et on est liés.

Que vous ont transmis vos parents? Qu'est-ce que vous gardez le plus d'eux ?

L'humanité, le goût de la vérité, l'enthousiasme, être quand même conscient de la nature humaine mais donner à chacun une chance, c'est-à-dire ne pas être renfermé. Être toujours ouvert quand les gens appellent, il n'y a pas tout de suite un a priori négatif même si ce sont des emmerdeurs. Ecouter longuement avant de se faire une opinion. Donc, même si les gens en général sont méchants - je crois que l'homme est méchant en général, souvent - il faut être optimiste. Croire que sur dix il y en a un qui est bien. Il ne faut pas non plus se faire trop d'illusions sur soi-même et il faut essayer de changer les choses en étant positif, en essayant de mobiliser.

Vous vous livrez beaucoup dans ce livre, sur comment vous avez grandi. Vous dites par exemple : "Quand j'étais petit, Serge et Beate dormaient dans une chambre et moi sur le canapé, à côté de Raya, ma grand-mère dans un deux pièces au 196, avenue de Versailles. Nous n'avions pas d'argent. Je me souviens que Raya fumait beaucoup et lisait des romans policiers et des grands classiques russes".

J'ai eu une enfance extrêmement heureuse, j'en suis d'ailleurs nostalgique. Je n'ai pas du tout cette rage, vous voyez ce que je veux dire ? Je suis plutôt même un déclassé puisque mes arrière-grands-parents étaient très riches du côté de mon père en Roumanie, ils étaient armateurs. Donc, je suis plutôt déclassé qu'autre chose. J'ai eu une jeunesse heureuse et je n'ai pas à me plaindre de mon enfance.

Tous les animaux, chiens, chats ou autres sont un peu comme des âmes qui volent dans les maisons.

Arno Klarsfeld

à franceinfo

Ce sont des amis, des membres de la famille, ils ont comme les enfants, ils ont l'innocence et ils tiennent compagnie, enlèvent le stress. Ce sont des instants de bonheur dans la maison. Il y a dans chaque animal une conscience et je voudrais bien que le monde en prenne plus conscience. Il y a des choses qui devraient disparaître en France, comme la corrida ou la chasse à courre.

Vous êtes très touché par le fait que l'arrêt des corridas a été retoqué.

C'est un spectacle qui est un spectacle barbare. On peut dire : "C'est une tradition" mais il y a des traditions qui sont des traditions inhumaines. Les racistes dans les pays du Sud, aux États-Unis pouvaient dire : "Oui, mais le lynchage c'est une tradition". Ou " Les combats de gladiateurs, c'est une tradition" et des traditions qui doivent disparaître. Mais le pouvoir est plus attaché à ceux qui aiment la corrida, alors que la corrida a disparu en Espagne ou dans certaines régions de l'Espagne. La chasse à courre a disparu en Angleterre. Il n'y a pas de raisons que tout cela continue en France et je pense que certains droits des animaux devraient être inscrits dans la Constitution. C'est le sens de l'histoire. C'est ce que demande d'ailleurs l'opinion publique.

Et je crois que le président de la République pense que ceux qui aiment la chasse votent pour lui, que ceux qui aiment la chasse à courre votent pour lui ainsi que ceux qui aiment la corrida. Je ne suis pas contre la chasse, c'est un instinct de l'homme de vouloir tuer. Ça ne peut pas disparaître du jour au lendemain mais les modes de chasse les plus barbares quand l'animal se fait déchiqueter vivant par les chiens, qu'on lui coupe la gorge, que les gens sont contents, si.

On peut faire très bien faire "Olé" sans tuer le taureau, sans lui couper la queue à la fin. Il n'y a pas à se poser la question, tout le monde sait que c'est barbare, il n'y a pas besoin de protéger de telles pratiques.

Arno Klarsfeld

à franceinfo

Vous avez l'impression qu'on est en retard?

Oui, on est 100% en retard, mais ça va changer. D'ici quinze ans c'est fini la chasse à courre et la corrida. Mais enfin, le président de la République aura été en retard.  

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