Au-delà de la danse classique, la série "L'Opéra", "c'était surtout l'occasion de parler de la société", pour Raphaël Personnaz
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le comédien Raphaël Personnaz.
Raphaël Personnaz est un acteur parfois sombre et complexe comme dans le film Persona non grata de Roschdy Zem (2019) ou bien dans le rôle de Franck Magne, l'inspecteur qui a traqué Guy Georges dans le film L'affaire SK1 de Frédéric Tellier (2014). Il est aussi parfois juste, au point de recevoir le Molière du seul en scène pour l'adaptation du livre Vous n'aurez pas ma haine d'Antoine Leiris qu’il a jouée de 2017 à 2020.
Depuis quelques mois, les tournages se sont accélérés pour la série L'Opéra, diffusée sur OCS depuis la semaine dernière. Raphaël Personnaz joue le rôle de Sébastien Cheneau, le directeur de danse de l'Opéra de Paris.
franceinfo : Vous incarnez un directeur d’Opéra ambitieux et qui n'hésite pas à vouloir licencier une danseuse étoile alors qu'elle n'a que 35 ans. On ressent l'abnégation, le travail qu'il y a derrière et aussi le passionné que vous êtes.
Raphaël Personnaz : C'est un peu la série qui a fait que je me suis intéressé à ce milieu, même si j'y avais un peu touché dans le film Noureev de Ralph Fiennes (2018) puisqu'on avait eu la chance de pénétrer dans l'Opéra de Paris. C'est vrai que pour la préparation de la série qui a duré trois, quatre mois, j'allais voir les danseurs en répétition. Je ne danse pas, heureusement pour tout le monde, mais je les regardais et voyais la rigueur, l'abnégation, le travail physique, les blessures. C'était aussi et surtout l'occasion de parler de la société.
Votre père est décorateur-designer, votre mère est quant à elle traductrice, notamment d'un poète grec.
Oui, passionnée par Yannis Ritsos, un grand poète grec qui est un peu le Victor Hugo grec.
Cette poésie que vous avez depuis que vous avez foulé vos premières planches, elle vient de là, de ce que vous ont transmis vos parents ?
Oui, c'est sûr. Ce sont des gens qui ont une liberté qui part parfois dans tous les sens. J'ai eu la chance d'en bénéficier, parfois sans comprendre, mais en tout cas, cela a donné ça. Ils sont curieux de tout. C'est amusant parce que certaines choses qu'ils aimaient quand j'étais petit, par exemple les poètes grecs, des choses comme ça qui me paraissaient étranges et pas dans les choses habituelles qu'un enfant va voir, me paraissaient effrayantes, totalement étrangères. De m'être confronté à des choses comme ça qui étaient un peu troubles pour l'enfant que j'étais, ça m'a forcé à sortir d'une forme de zone de confort, donc je pense qu'inconsciemment aujourd'hui, je recherche cela aussi.
Le point de départ reste le théâtre ?
Oui. C'est vraiment la sensation physique quand j'étais un gamin de 12, 13 ans. Je me suis retrouvé sur une scène et j'ai joué la tirade du nez de Cyrano de Bergerac. En fait, c'est vraiment la sensation physique d'être sur scène que j'ai adoré tout de suite et ça a été une évidence. Je me suis dit, c'est là que je veux faire ma vie. Je savais que c'était ça. Le cinéma, tout ça m'était totalement étranger et me paraissait inaccessible.
Ce plaisir charnel d'être sur scène, je l'ai toujours.
Raphaël Personnazà franceinfo
Vous avez aussi tourné dans beaucoup de séries et de téléfilms. En 2010, il y a un tournant avec La princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier avec qui, il y a une vraie belle collaboration qui se met en place. Ça change votre vie avec d’autant plus une belle nomination aux César du meilleur espoir masculin ?
Ça change tout du jour au lendemain, mais avant même que le film ne sorte. Ma rencontre avec Bertrand sur un plateau m'a donné une confiance que je n'avais jamais eue.
Bertrand Tavernier avait une façon d'intégrer chaque participant au film et de lui faire sentir qu'il était au centre du processus de création. Il donnait confiance à tout le monde et l'envie de se dépasser toujours.
Raphaël Personnazà franceinfo
Vous êtes de plus en plus demandé. À un moment donné, vous étiez partout, c'était complètement fou. Est-ce que vous vous êtes perdu par moments dans cette ascension ?
Oui, clairement. Il y a un moment où j'ai accepté beaucoup de choses, mais je ne le regrette pas. Parfois, j'en ai fait un peu trop, mais j'ai eu la chance de rencontrer quelqu'un qui m'a dit : 'Écoute, va un petit peu au théâtre, va refaire ce qui te plaît'. Ce que j'ai fait. J'ai eu la chance de faire Scènes de la vie conjugale de Safy Nebbou (2017-2018) et Vous n'aurez pas ma haine. Ça m'a presque pris trois ans et remis un peu les pieds sur terre.
Quand vous faites 'Vous n'aurez pas ma haine' d'Antoine Leiris et que vous sentez l'impact que cela peut avoir sur un public, vous reprenez confiance dans la force des mots tout simplement.
Raphaël Personnazà franceinfo
Quelqu'un, seul sur une scène, qui dit des mots qui ne sont pas les siens et des gens qui viennent l'écouter, c'est vraiment les origines du théâtre grec. C'est un citoyen parmi les autres et c'est ça qui est important.
Surtout que dans Vous n'aurez pas ma haine, on est face à un conflit, l'Humanité contre la barbarie. Ça change le regard sur la vie ou pas ?
Oui. C'est d'ailleurs le message d'Antoine Leiris. C'est ce qui était fascinant dans son témoignage. De nous dire que malgré cette barbarie, je reste concentré sur mon fils, sur ce qui est beau, sur la vie et qui va nous entraîner vers d'autres horizons. Il ne se laissait pas happer par la noirceur. Son exemple était fabuleux.
Quelle est la suite ? Vous avez des envies de réalisation qui vous accompagnent depuis assez longtemps.
Oui. La réalisation fait partie des rêves qui, pour l'instant, ne restent que des rêves. On se confronte à la réalité d'un scénariste et d'un réalisateur. Un jour, ça viendra. Maintenant, on a l'occasion de faire la saison 2 de L'Opéra, une continuité, c'est assez amusant.
Et puis, je vais commencer un film de Rachid Bouchareb avec un rôle assez passionnant. Le fait de revenir sur un plateau donne une envie et puis une conscience de la chance qu'on a surtout d'y être, parce que tout ça est très fragile. On s'implique d'autant plus.
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