"Avec les mots des autres, on parle de soi" : Arthur Teboul et Baptiste Trotignon revisitent des titres majeurs de la chanson française

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 16 septembre 2024 : Le chanteur de Feu! Chatterton, Arthur Teboul et le pianiste de jazz, Baptiste Trotignon qui sortent ensemble l’album "Piano voix".
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 18 min
Les artistes Arthur Teboul (à gauche) et Baptiste Trotignon sur franceinfo. (RADIO FRANCE / FRANCE INFO)

Arthur Teboul est le chanteur et parolier du groupe français de rock et de pop Feu! Chatterton, il est également écrivain. Baptiste Trotignon est un pianiste de jazz et compositeur. Le classique, le jazz, le contemporain, la pop britannique, rien ne l'effraie, tout l'attire et l'intéresse. Ensemble, ils ont créé un album intitulé Piano voix, soit 15 titres majeurs de la chanson française revisités par leurs deux personnalités. Ils se produiront à Annecy, le 24 septembre, le 25 à Noisiel et il y a une nouvelle date à la Salle Pleyel, à Paris, le 4 décembre.

franceinfo : Ce projet proposé par Baptiste vous a obligé à travailler sans filet, sans protection. Il y a eu un point de départ, une émission pour Arte où vous vous êtes rencontrés. Il s'est passé quelque chose et vous avez décidé effectivement que l'aventure devait continuer. C'est un peu du sans filet quand même.

Arthur Teboul : Oui, c'est du sans filet, mais c'est aussi du sans projet. Pour moi, ce projet, c'était pour le Piano Day, un événement international autour du piano en 2022, Arte Concert. On décide de reprendre quelques grandes chansons du répertoire, mais là c'est 40 minutes. J'avais envie de me confronter à ça après 15 ans de métier avec Feu!

"C'était quand même un grand défi. Ce sont les chansons de mes idoles et le piano voix, c'est la nudité totale pour un interprète comme moi qui a l'habitude d'être très entouré."

Arthur Teboul

à franceinfo

On passe un très bon moment, mais une fois que c'est fini, je suis soulagé. Je me dis c'est bon, c'est fini, on ne recommence plus ! Trop risqué et trop dur. Et puis je ne sais pas, quelques jours après, Baptiste, très enthousiaste me dit : "On a quand même beaucoup travaillé, c'était amusant. Faisons d'autres concerts" et je réponds : non, non, non. Il me convint de faire une date à la Scène Musicale qui est quand même une belle salle. Je valide et il ajoute : "Deux dates !" et c'est là qu'il y a une bascule. L'album est né de ça.

C'est vrai qu'Arthur a une voix particulière, mais en même temps, vous avez un jeu de piano qui devient un écrin.

Baptiste Trotignon : Qui je l'espère est particulier aussi !

Est-ce difficile d'aller accompagner l'artiste et de trouver la bonne sonorité, les bonnes phrases ?

Baptiste Trotignon : C'est vrai que dans la musique classique, la musique contemporaine, le jazz, ou un certain nombre de musiques, le langage est un peu sophistiqué et parfois un peu riche, parfois un peu saturé de richesses. Ce qui m'intéresse aussi quand je travaille avec une voix dans le domaine de la chanson, c'est de rechercher une épure, une simplification dans le sens noble du terme. Dans un monde où tout est très compliqué, c'est bien de temps en temps des choses simples.

Arthur, vous êtes fils d'immigré séfarade. Vous avez été bercé par le son de la chanson française, notamment Léo Ferré et Brassens. On les retrouve à l'intérieur de cet album. J'imagine toute la dimension qu'il doit y avoir autour de ça.

Arthur Teboul : Cet album, c'est d'abord l'envie de partager. La musique et les chansons ont la chance d'être un langage universel. Ce n'est pas parce qu'elle raconte une histoire vécue, elle touche à quelque chose de notre âme, peut-être millénaire. C'est la force des grandes chansons. On les entend et on s'y reconnaît. On reconnaît quelque chose de notre humanité, de nous. Alors quand on s'est dit qu'on allait reprendre des chansons, on ne pouvait pas faire mieux que de reprendre ces chansons qui sont déjà nôtres. Avec les mots des autres, on parle de soi."

Ce qui est étonnant d'ailleurs quand on regarde bien le listing, on a quand même La vie en rose de Piaf, Göttingen de Barbara et Bashung avec Aucun express. C'était aussi un besoin d'aller chercher d’autres palettes ?

Arthur Teboul : C'est presque une pirouette, mais ça aurait pu s'appeler Autoportraits. Les gens font des portraits chinois. Qu'est-ce qu'un portrait chinois ? C'est dire qui on est par les choses qu'on aime, toutes ces choses-là, et il en manque encore ! Ce sont des choses qui composent nos univers et en particulier pour la chanson, mes sources, celles qui m'ont fait devenir chansonnier. Il y a des choses légères, des choses graves, il y a des choses très anciennes, des choses modernes et à force de faire cet exercice, on avait plein d'idées et Baptiste m'arrêtait. Donc là, j'ai une liste de 150 chansons possibles pour la suite !

Il y a aussi la scène, c'est le but ? C'était le point de départ de pouvoir partager sur scène et d'aller chercher ce son qui est finalement un son live ?

Baptiste Trotignon : Moi, je t'ai poussé un peu effectivement pour refaire des concerts après le Piano Day, en revanche, c'est toi qui le premier as mis l'étincelle pour l'enregistrer à la Scène Musicale, en mode on va voir ce qui se passe. "Ah, ça pourrait peut-être faire un disque et ça sera moins lourd que d'aller une semaine en studio". Et là, on avait deux prises par morceau puisqu'on avait deux soirs.

Arthur Teboul : La preuve, c'est que l'album est enregistré en public. C'est en public qu'on délivre le mieux ces chansons-là

Baptiste Trotignon : Mine de rien, quand même, le premier soir de la Scène Musicale, je me souviens que nous étions hyperflippés. Après le concert, on s'est dit que c'était un peu tendu et puis on fait le deuxième soir. On sort de scène, on se prend dans les bras en se disant : "C'est bon, on a le disque !". Et ce qui est très drôle, c'est qu'à la réécoute, sur l'album, il y a vraiment un mélange à peu près de 50/50 des deux soirs. Ça signifie que dans cette fragilité qu'il y avait dans pas mal de prises le premier soir, on s'est dit que finalement c'était mieux.

Arthur Teboul : Certains morceaux méritaient cette fragilité.

Baptiste Trotignon : Mais on ne l'a pas réalisé sur le moment.

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