Bambou sort du silence dans une touchante autobiographie : "Pas à pas dans la nuit"
Dès qu'on prononce son prénom, immédiatement on pense à Serge Gainsbourg et à Lulu, son fils né de cette union et histoire d'amour, en 1986. Bambou a été la dernière compagne de Serge, la mère de ce petit garçon qui a apporté tant de bonheur à Gainsbourg, au point de lui faire oublier son personnage de Gainsbarre et sa maladie. Gainsbourg l'aimait, l'estimait et elle lui a aussi donné beaucoup d'amour, presque autant qu'elle en a manqué enfant, placée à l'Assistance publique dès l'âge de six mois. Le 2 mars 1991, Gainsbourg nous quittait. C'était il y a 33 ans. Depuis, elle n'a jamais souhaité occuper le devant de la scène. Aujourd'hui, elle publie son autobiographie, Pas à pas dans la nuit, aux éditions XO.
franceinfo : Pas à pas dans la nuit est un cri du cœur, une mise à nu sincère, bouleversante, poétique. Pourquoi sortir de ce silence aujourd'hui ?
Bambou : Parce que je pense que c'était le moment. Je n'aurais pas été capable de le sortir il y a dix ans. En fait, j'ai été au téléphone avec Étienne Daho et à un moment il m'a dit : "Bambou écrit" et j'ai réfléchi pendant un mois, un mois et demi et c'était le bon moment.
Vous êtes née dans un camp d'émigrés dans le Lot-et-Garonne et placée dès vos six mois. Vous démarrez cet ouvrage avec des barreaux blancs et c'est ce qui va vous hanter tout au long de votre vie. Ils correspondent tout simplement aux barreaux des lits des enfants de l'Assistance.
Quand ma mère nous a repris à l'âge de 13 ans, j'ai compris que je n'avais pas rêvé et que ces barreaux étaient vraiment là.
La première chose que le couple d'accueil dit quand vous arrivez, c'est : "Le colis est là". Vous dites que pendant 13 années qu'ils n'auront de cesse de vous voler, de vous salir et de vous détruire.
Je les appelle les "Thénardier". C'est vraiment Cosette.
"Ces gens-là sont payés pour nous élever, mais ils ont des bonnes gratuites et ils vous traitent très mal."
Bambouà franceinfo
C'était du chantage avec la nourriture sans arrêt et ils n'étaient pas très affectueux. Ils étaient racistes. J'étais vraiment leur esclave.
Ce livre est bouleversant. On se demande même comment vous avez fait pour rester en vie. Petite fille, déjà à neuf ans, vous avez tenté de vous couper les veines, vous le raconter dans les moindres détails.
Je voulais que ça s'arrête. Pour moi, la mort est venue très rapidement dans mes pensées à l'âge de cinq ans. Je me disais avant de m'endormir qu'un jour j'allais me mettre sous les rails parce que je n'en pouvais plus. Quand vous êtes petit, de se sentir aussi sale, ce n'est pas facile.
Pendant très longtemps, vous pensiez que vous n'aviez pas de mère et vous avez découvert que vous en aviez une. Elle est venue vous rendre visite. Vous avez découvert par la même occasion que vous aviez des sœurs qui habitaient non loin de votre famille d'accueil.
Oui, j'avais quatre sœurs et un frère. Je suis la sixième.
Et vous dites qu'elle avait décidé d'en aimer que deux sur les six. Vous ne faisiez pas partie des deux.
Non.
"Ma mère aimait la beauté. Si vous n'étiez pas à son goût, elle ne vous aimait pas."
Bambouà franceinfo
La rencontre avec Serge Gainsbourg va révolutionner votre vie. À ce moment-là, vous êtes mannequin, vous allez en boîte de nuit et le directeur de l'établissement vient vous voir et vous dit : "Là-bas, il y a Serge Gainsbourg qui souhaite..."
Qui ordonne que vous alliez à sa table ! J'ai répondu : quoi, ce vieux con qui me donne des ordres ! Puis je retourne à ma table pour partir et là, je vois Serge qui vient en direction de ma table. Il pose son seau et il me dit : "Le vieux vient à ta table espèce de boudin !" Et là, j'ai éclaté de rire, lui aussi et ça a commencé comme ça.
Lulu a changé votre vie et la sienne.
Ah oui, complètement. Il m'a dit qu'on ne naissait pas papa, on devenait papa et qu'il était à un âge où il prenait beaucoup plus conscience... Il pouvait s'occuper beaucoup plus d'un enfant que dix ans avant ou 20 ans en arrière.
Lulu ça a été justement ce qui vous a maintenu en vie. On dit souvent qu'on reproduit ce qu'on a vécu enfant. Vous, au contraire, vous êtes allée totalement à l'inverse, vous lui avez donné tout l'amour qui vous a manqué.
Et j'ai fait mieux que ça. Je suis allée pardonner aux "Thénardier" tout le mal qu'ils m'avaient fait en leur présentant Lulu et ils n'ont pas compris. J'avais besoin de le faire pour que Lulu, lui, parte sur des bases où il n'y avait pas d'histoires derrière.
Avez-vous pardonné votre mère ?
Je ne lui en ai jamais voulu. Avec son passif, la guerre du Vietnam et tout ça. J'ai pensé que tout le monde aurait pu péter les plombs comme elle.
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