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"Certaines de mes défaites m'ont appris à avancer", confie Yannick Noah

L’ancien tennisman, chanteur et chef de village au Cameroun, Yannick Noah est l’invité exceptionnel du Monde d’Élodie, toute cette semaine sur franceinfo. Il revient sur les moments forts de ses carrières en évoquant cinq de ses chansons devenues cultes. Son dernier album "La Marfée" est sorti en octobre 2022.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le chanteur et dernier vainqueur français de Roland-Garros, Yannick Noah, le 25 juillet 2022. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Yannick Noah chante, coache, fait du sport et est chef de village au Cameroun. Il est finalement inclassable, indomptable. Il est le seul sportif professionnel français à avoir réussi à construire une carrière musicale. Plusieurs générations le suivent et le soutiennent. Les anciens voient d'abord en lui, Roland-Garros et sa victoire en 1983 puis les plus jeunes le voient comme un chanteur grâce à ses albums et ses concerts depuis 1991. Aujourd'hui, le Cameroun rappelle Yannick Noah, en tant que chef de village. Ce Cameroun qui lui a permis de découvrir le tennis, la musique et qu’il a été obligé de quitter, quand il avait 12 ans, pour poursuivre une carrière sportive.

On revient avec cet artiste qui aime la vie sans contraintes et qui ne fonctionne qu'à l'instinct sur ses victoires sportives, sur ses choix de vie qui lui ont permis de se créer une carrière atypique, solide, constante. Son dernier album La Marfée  est sorti en octobre 2022.

franceinfo : L'esprit d'équipe reste-t-il finalement ce qui vous définit le plus ?

Yannick Noah : L'esprit d'équipe. Grand frère. Papa. Papy. Famille. J'aime bien la notion de famille. Bon, j'ai ma famille forcément, mais créer des familles. On est une grande famille. Je suis artiste et mon choix, c’est de proposer quelque chose de positif et de rassembler les gens, la ‘family’ quoi.

Cet album, La Marfée, j'ai le sentiment que c'est aussi une belle façon de raconter le chemin parcouru de ce petit garçon devenu homme, devenu papa, devenu grand-père.

Oui, on fait le point. C'est-à-dire que j'ai fêté mes 60 ans à la maison. On ne pouvait pas sortir, un bol de riz, une bonne bouteille de pinard, pardon, mais il ne faut pas exagérer ! Avec l’inspiration du bon vin, c’était un moment délicieux. Seul avec ma fille... Oui, 60, tu regardes derrière et puis tu regardes ta puce et tu te dis que la vie est belle quand même !

Quel regard avez-vous sur ce parcours ? Sur cette vie ?

J’ai été bien entouré. J'ai eu de la chance d'avoir écouté ou en tout cas entendu des gens qui m'ont donné de très bons conseils, à commencer par mon premier coach, Patrice Beust, je lui dois tout. Il y a des choses qu'il m'a dit et que j'ai gardé toute ma vie. J'avais 12 ans, il m’a fait : "Tu sais quoi ? Les vacances n'existent pas. Quand tu es en vacances si tu fais un footing de 45 minutes abdos, pompes, si tu t'entraînes trois, quatre heures par jour pendant dix ans, tu as peut-être une chance. Mais si tu ne le fais pas, tu n'as aucune chance." C’est incroyable, c’est une phrase que j'ai gardée tout le temps. Ensuite, Arthur Ashe qui était là, qui chapeautait tout ça. La musique, que j'ai commencée en étant passionné, eh bien, j'ai eu la chance de croiser un jour la route de Robert Goldman, à qui je dois quasiment tout.

Et ce dernier album La Marfée !

Oui, j'ai fait des erreurs. Oui, j'ai perdu plein de matches, mais certaines de mes défaites m'ont appris à avancer. Je ne me suis pas écrabouillé après les défaites. Je ne suis pas tombé. Je n'ai pas écouté les jugements négatifs. J'ai toujours eu une petite foi en moi. Et en musique, c’était un petit peu la même chose. Bien sûr qu’au début, j'ai eu Saga Africa, c'étaient 120 000 albums, puis le deuxième, 30 000 et le dernier, 5 000. J'ai continué parce que j'aime ça. Puis, quelques années après, tu chantes au Stade de France parce que tu as gardé la foi. Et aujourd'hui, je suis quelqu'un de profondément optimiste.

Dans La Marfée, justement, vous démarrez avec Back to Africa. Vous dites : "Ta chaleur m'a manqué". Ça a été un vrai manque ?

Oui, c'est un manque parce que quand je retourne au Cameroun... Dès que j'arrive à l'aéroport, il y a des sons, il y a une odeur. Quand je parle de chaleur, c'est la chaleur humaine. C'est cet amour inconditionnel que je ressentais quand j'étais enfant, cet amour inconditionnel que je ressens quand j'arrive dans mon village où là, ce n'est plus Yannick, le chanteur, mais c'est le jeune qui revient, l'enfant, Yann qui revient à la maison. Et c'est cette chaleur-là qui m'a manquée.

Aujourd'hui, c'est vous le chef de famille et le chef de village aussi !

Je suis 'Majesté' là-bas, alors Élodie, quand on se reverra pour mon prochain album, vous direz : "Bonjour Majesté !"

Il y a un moment, vous avez perdu pied. C’est le moment où votre maman est décédée. Puis votre père est parti en 2017. On devient orphelin de ses parents. Ça va mieux aujourd'hui ?

"Mes parents sont toujours là. Ils ont tellement compté. Ils font tellement partis de ce que je suis. Et quand bien même, on ne parlerait pas d’eux, je crois qu’ils sont fiers."

Yannick Noah

à franceinfo

On n'est jamais préparé. Forcément, on s'habitue à ce lien, à cette présence quotidienne. Et tout d'un coup, tout ça part du jour au lendemain. Brusquement, très brusquement pour maman. Parce que maman est partie, on ne s'y attendait pas. Papa, c'était un peu plus long, donc on a eu le temps de lui dire au revoir, ce n'est pas pareil. Mais à la fin, on sait qu'on va tous partir à un moment, c’est la seule certitude qu’on a et après, on crée un lien qui est différent. La Marfée, c’est maman quoi ! C’est ce lien. Quand je suis au Cameroun, papa est très présent. C'est plus facile d'être connecté avec les défunts au Cameroun. Le caveau est à la maison au fond du jardin. Il y a un lien. Si j'ai envie d'aller discuter avec papa, tu t’assois et tu passes le temps que tu veux et puis tu tapes une petite conversation, demande deux, trois conseils. Comment tu vas ? "Ça va bien", tu entends, tu es là... Alors que pour maman, c'est un exercice plus compliqué. Il faut aller dans un cimetière au milieu de gens inconnus. Les énergies ne sont pas les mêmes, c'est plus compliqué. Mais j'ai mes techniques.

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