Défaite de la France en Irlande dans le Tournoi des six nations : "C'est décevant, mais le tournoi n'est pas perdu", réagit Vincent Clerc
Vincent Clerc est sans conteste l'un des plus grands noms du rugby à 15 et à 7. International français, il est l'un des ailiers les plus efficaces dans la finition, avec un physique solide et athlétique. Trois clubs ont accompagné sa vie, le Stade Toulousain, le FC Grenoble et le Rugby Club Toulonnais. En 14 ans, au plus haut niveau, il a obtenu trois titres de champion de France, trois Coupes d'Europe, trois victoires dans le Tournoi des six Nations. Il est d'ailleurs le meilleur marqueur de la Coupe du monde 2011, à égalité avec l'Anglais Chris Ashton et le détenteur du plus grand nombre d'essais marqués, 101 pour être précis, dans le championnat de France.
Désormais, il est consultant pour France Télévisions et commente le Tournoi des six nations qui s'est ouvert le 4 février 2023 à Cardiff.
franceinfo : La France s'est inclinée face à l'Irlande, 32 à 19, samedi à Dublin. C'est dur à encaisser ?
Vincent Clerc : Oui, c'est dur, mais les Irlandais étaient très proches de nous. Cela fait aussi des mois qu'ils gagnent, beaucoup, même s'ils n'étaient pas invaincus, ils étaient dans la même dynamique que l'équipe de France. Ils ont réalisé un très beau match au pays de Galles. Ils ont confirmé sur leurs terres face à l'équipe de France. C'est décevant, mais le tournoi n'est pas perdu. Il reste encore quelques matchs.
C'est aussi la force du Tournoi des six nations, rien n'est jamais gagné et rien n'est jamais perdu.
Non, ça se joue souvent sur les derniers matchs, à la dernière seconde, ça peut se jouer au goal-average, aux points. C'est vrai que c'est un tournoi qui garde du suspense jusqu'à la fin, et je l'ai vécu du bon côté, donc c'était chouette.
Ça représente quoi le rugby pour vous ?
Ça représente toute ma vie. Au début, ce n'était pas une passion, c'était du mimétisme par rapport à mon père. Et puis ça m'a fait grandir en tant qu'homme. Je suis devenu professionnel, pas par hasard parce qu'il n'y a pas de hasard, mais ce n'était pas un parcours prédestiné. Le fait de se dire que quelles que soient ces qualités, quelque part, on a une place et on a quelque chose à apporter au groupe, ça a beaucoup compté pour moi.
À 11 ans, vous êtes allé assister à un entraînement des Wallabies, champions du monde en 1991 et ce moment va être très important dans votre parcours parce que ça va vous donner envie de continuer, de vous accrocher.
Oui, parce que j'ai vu des gens normaux au milieu de physiques de deux mètres, 120 kilos. Il y avait des joueurs normaux qui étaient les meilleurs joueurs du monde à leur époque, je pense notamment à un joueur qui m'a beaucoup inspiré, Tim Horan. Je me suis dit pourquoi pas ! À partir de ce moment-là, je me suis identifié à des gens qui paraissaient normaux et qui pourtant avaient une réussite extraordinaire, par leurs qualités physiques et par leur état d'esprit, par leur mental, le fait de s'accrocher, de toujours en vouloir plus, de toujours travailler. Il y a eu d'autres joueurs comme Franck Corillon à Grenoble, qui ont accompagné ma carrière parce que je me suis dit : mais s'ils y arrivent, pourquoi pas moi ? Pourquoi ne pas leur ressembler ? Je ne me projetais pas vers un monde professionnel, mais ça rendait ce milieu accessible.
C'est Jacques Delmas qui va vous donner votre chance au FC Grenoble. C'était en division deux. Bernard Laporte va vous appeler pour affronter les Springboks à Marseille. Ensuite, c'est Marc Lièvremont qui va vous offrir sa confiance. Comment vous avez vécu ses premiers pas en équipe de France et surtout de jouer sous le drapeau de l'équipe de France ?
J'étais autant content pour moi que pour la famille parce que du coup, on emmène tout le monde dans une espèce d'aventure qui est l'équipe nationale. Les hymnes, la télé, ça amène plein de choses qui paraissaient inaccessibles. Et puis, j'ai 21 ans, je me retrouve aux côtés de joueurs comme Thomas Castaignède. C'est complètement fou de devenir leur coéquipier, un peu plus tard leur ami et de jouer contre des nations qui me faisaient rêver.
"Quelques mois avant de rentrer dans l’équipe de France, je portais le maillot de l'Afrique du Sud. À ma deuxième sélection, je joue contre Jonah Lomu avec qui je jouais à la PlayStation ! Il y avait donc un côté irrationnel, mais je le prenais comme un défi."
Vincent Clercà franceinfo
Vous avez une blessure grave au genou entraînant huit mois de convalescence. Après, ça a été le talon d'Achille. Est-ce que vous avez douté par moments ?
En fait, on ne doute pas pendant la blessure. Ça dure six mois, on avance, on voit qu'on progresse. Et puis le jour où on nous dit : "Ca y est, tu es guéri" et qu'on se retrouve sur le terrain, c'est là où on doute parce qu'on se rend compte qu'on n'a pas le niveau d'avant. Et ça, ça a été les plus grands moments de doutes sur quelques semaines. Après une blessure, quand on redevient apte à jouer, eh bien on se sent un peu dépassé. J'ai réussi parce que j'ai été bien entouré, mais ça a été des petits moments de doute.
Vous vous êtes construit l'un des plus beaux palmarès du rugby français à quinze en club d'une part, et en équipe de France d'autre part. L'un des plus beaux exploits reste le titre de vice-champion du monde, c'était en 2011 en Nouvelle-Zélande, avec une défaite contre les All Blacks. En quoi ce match vous galvanise encore aujourd'hui ?
Il me frustre plutôt parce que j'aurais bien eu la médaille d'or autour du cou. Il y avait vraiment un duel entre nous avant le match, dans le regard, dans les attitudes qui fait que je crois qu'on s'est senti en pleine confiance et qu'on était capables de les battre. Les All Blacks sont des joueurs extraordinaires, donc on perd souvent contre eux, mais ce jour-là, on savait qu'on aurait pu le faire, on avait l'équipe pour, on a fait le match pour, mais ce n'était pas immérité que les All Blacks soient champions du monde sur cette Coupe du monde 2011.
Dernière question, difficile évidemment, parce que vous en êtes proches. Comment avez-vous vécu ce qui s'est passé avec Bernard Laporte et les hautes instances du rugby ?
"Je crois qu'aujourd'hui, comme dans n'importe quelle instance, il faut de l'exemplarité et qu'à partir du moment où on est sorti de la route, il faut laisser sa place à des gens nouveaux et qu'ils apportent de la fraîcheur."
Vincent Clercà franceinfo
Il ne faut pas que ça pollue le sportif. Ce n'est pas le cas pour l'instant, mais il ne faut pas que ça dure trop longtemps non plus.
On va vous suivre à travers ce Tournoi des six nations. Votre pronostic final ? Qui va remporter ce tournoi ?
L'équipe de France !
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