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François Berléand sur scène avec Niels Arestrup : "Je n'avais qu'un rêve, c'était de travailler avec lui"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le comédien François Berléand.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le comédien François Berléand à La Baule (Loire-Atlantique) le 24 juin 2021 (LOIC VENANCE / AFP)

Acteur révélé au grand public dans le film Septième ciel de Benoît Jacquot (1997), François Berléand reçoit le César dans la catégorie meilleur acteur dans un second rôle grâce au film Ma petite entreprise de Pierre Jolivet (1999). Il sera à l'affiche de la pièce de théâtre 88 fois l'infini avec Niels Arestrup aux Bouffes Parisiens à partir du 29 septembre.

franceinfo : 88 fois l'infini comme les 88 touches d'un piano. Vous êtes aux côtés de Niels Arestrup.

François Berléand : Je n'avais qu'un rêve c'était de travailler avec lui. Quand on m'a proposé la pièce, je ne l'ai pas lue, j'ai dit oui tout de suite. En plus, c'est une pièce à deux, donc c'est vraiment un combat. Ce sont deux demi-frères qui se retrouvent. Lui est parti avec ma femme et ça va être un peu un règlement de comptes. Je vais chez lui. Je lui parle de notre père qui m'a élevé et qui ne l'a pas élevé. Je sais des choses sur lui qu'il ne sait pas et lui, sait des choses sur moi que je ne sais pas.

Votre père était juif, russe et votre mère française et catholique. Votre grand-père Moïse parlait treize langues et aurait été metteur en scène à Odessa. Il a été déporté à Drancy puis à Auschwitz en 1944, où il est décédé. Votre grand-mère paternelle a été comédienne au théâtre yiddish. C'était dans vos gènes, la comédie !

Oui, sauf que je ne savais pas. C'est-à-dire que j'allais beaucoup au théâtre, mais avec mon autre grand-mère. Et puis, vraiment par hasard, je suis arrivé au théâtre. Une fois que j'ai décidé d'être acteur, j'ai dit à mon père que je voulais être acteur. Et là, il m'a dit : "Tu reprends flambeau. Comment ça ? Babouchka, ta grand-mère était comédienne et ton grand-père était traducteur de Pirandello et metteur en scène."

Il n'y a pas de hasard, vous allez très vite découvrir le théâtre et il va se mettre au milieu de votre route alors que vous faites une école de commerce. Une espèce d'amour va se démarquer.

Oui, totalement. C'est très rigolo parce que je devais aller voir une pièce de théâtre et la personne avec qui je devais y aller tombe malade. Donc, je me dis que je n'y vais pas et après avoir raccroché, coup de téléphone, le groupe de théâtre me dit : "Il y a un rôle qui se libère, est-ce que tu veux bien faire une audition ?" Ce n'est même pas moi qui m'était inscrit dans ce groupe, on m'avait inscrit d'office.

Dès que je suis arrivé sur scène, il y a eu un truc, les projecteurs, l'odeur, je ne sais pas. C'était au théâtre Daunou et j'ai dit, je crois que c'est ça que je veux faire.

François Berléand

à franceinfo

Vous vous êtes beaucoup cherché, enfant. Ça a été compliqué par rapport à une phrase que votre père vous a dit, celle que vous étiez "le fils de l'homme invisible".

Oui, c'est ça : "De toutes façons, tu es le fils de l'homme invisible". Bon, il avait un peu bu, mais c'est surprenant car une phrase comme celle-ci aurait être anodine. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai perdu pied. Chez moi, ça a résonné de façon bizarre. En faisant référence au feuilleton du même nom, mon père enlevait les bandelettes, il était invisible.

Alors est-ce que, moi aussi, je suis invisible ? J'arrive à l'école et là tout le monde me dit bonjour. Mais c'est quoi ? Pourquoi me disent-ils bonjour ? Ce sont les vêtements. On arrive en classe et j'enlève le haut. Et là, la prof me demande : "Qu'est-ce que vous foutez Berléand ?" Donc, renvoi chez la directrice qui me demande pourquoi je me déshabille. Je lui répond qu'elle le sait bien !

Direction le psychiatre. Je reste devant ce monsieur, assez loin. À un moment, il me demande de me lever et de mettre ma main droite sur ma jambe gauche et là, je me dis qu'il n'a pas dit "Jacques a dit". Donc, je ne le fais pas. Et puis, il me demande si je comprends ce qu'il me dit et là, je vais pour lui dire oui et puis, je me dis mince, il doit jouer à "ni oui ni non" en même temps. Ça se complique. Imaginez, dans ma tête, je joue à "Jacques a dit" et au "ni oui ni non". Ma mère rentre après dans son bureau et elle en sort avec le rimmel qui a coulé. Il avait conclu que j'étais anormal. J'ai passé des tests après montrant que j'avais un QI suffisant. Puis, j'ai vu un psy qui m'a sauvé.

J'ai vécu une enfance assez rigolote.

François Berléand

à franceinfo

Comment avez-vous vécu la consécration avec votre César du meilleur acteur dans un second rôle pour le film Ma petite entreprise de Pierre Jolivet ?

D'abord, je ne m'y attendais pas. J'avais vu un match de rugby au Stade de France, la France avait perdu donc j'étais d'une humeur de chien et surtout, j'avais picolé pas mal. Je suis rentré à la maison, j'ai dormi. On m'a réveillé en me disant de mettre mon smoking, j'avais les cheveux en bataille. J'arrive à la cérémonie, j'entends : "François Berléand". Je n'avais rien préparé, donc c'était épouvantable. J'avais un tract, une émotion, c'était affreux. Je ne sais même pas si j'ai remercié les gens alors que je ne voulais faire que ça.

Je suis content d'avoir une certaine notoriété qui fait que je peux faire des choix. Alors, peut-être lamentables quelquefois, mais d'autres, très, très beaux.

François Berléand

à franceinfo

Quel regard portez-vous sur ce parcours ?

Je suis assez fier de ce que j'ai fait. J'ai un peu exploré tout le métier d'acteur, de comédien. J'ai fait des navets, des gros navets, des films que je n'avais pas envie de faire, ça m'est arrivé, mais pas les pièces. Les pièces sont importantes parce qu'on va faire ça pendant six mois. Donc, je suis fier parce que le cinéma et la télévision vous permettent de faire ce que vous aimez.

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