"J'aime bien mettre du sens dans ce que je fais" : Noémie Merlant sort son deuxième film "Les femmes au balcon"
À la fois actrice, réalisatrice et chanteuse, c'est son rôle de la peintre Marianne dans le film Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, qui a été le point de jonction entre Noémie Merlant et le public, et également entre elle et le métier. Son père a donc eu raison de la pousser à monter sur scène au sein des Cours Florent pour devenir comédienne. Depuis 2019, les plus grands réalisateurs ont fait appel à elle comme Jacques Audiard, Louis Garrel, Ellen Kuras ou encore Audrey Diwan, qui lui a offert le rôle d'Emmanuelle. Un objet de fantasme ancré dans la mémoire collective, avec un axe qui apparaît dans son deuxième film Les femmes au balcon. Cet axe est celui de la quête du plaisir assumé ou l'histoire de trois filles accros au très beau mec qui habite en face de leur appartement.
franceinfo : Vous dénoncez les violences faites aux femmes, les viols, le droit à l'avortement avec en toile de fond deux meurtres, du sexe et un furieux besoin de liberté. C'est un peu sexe et rock 'n' roll pour le deuxième film !
Noémie Merlant : Sexe, rock 'n' roll, et puis on va dire : sororité, liberté et un monde où on se défend.
Vous ne transpirez pas ce film !
Oui, on me le dit beaucoup.
Et étonnamment, on comprend mieux qui vous êtes, pourquoi vous êtes aussi forte et pourquoi le regard est aussi précis et aussi assumé. Est-ce que ce n'est pas justement ce que vous vouliez raconter dans ce film ? Est-ce que ce que vous racontez, c'est fort parce que vous l'avez vécu ?
Parce que je l'ai vécu. La force vient aussi de ces trois femmes et de leur amitié, et c'est quelque chose qui est très présent dans ma vie depuis longtemps. C'est ce qui m'aide à puiser énormément de force mais pas seulement, de l'humour, d'avancer malgré les différentes agressions, viols ou autres que j'ai pu ou que mes amies ont pu subir aussi autour de moi. Il y a un côté cathartique où justement je renvoie toute cette violence, mais en essayant de la coupler avec de l'humour parce qu'on est vraiment dans une comédie. Une des références du film, d'ailleurs, c'est Le Père Noël est une ordure. Mais voilà, il y a un côté cathartique qui est un exutoire et qui pour moi est très important.
Il y a quelques années, vous avez quitté votre chez-vous pour fuir un certain nombre de choses et vous avez trouvé en vivant avec des femmes, quelque chose de très fort. C'est ce qu'on découvre à travers ce film. Ça aussi, c'est un point d'humour car Les femmes au balcon... Quand on parle de balcon, en général, on parle de la poitrine des femmes.
Cet humour-là est vraiment présent dans mon quotidien. C'est pour ça que le film est teinté du début à la fin de cet humour, de ce côté aussi absurde.
Il y a un côté Ionesco par moments.
Oui et puis je trouve que l'humour, la comédie, ça permet de parler de plus de choses. C'est vraiment un outil très important à tous les niveaux.
Vous montrez du doigt les agresseurs. C'est une réalité. Ils sont toujours, en tout cas quand les hommes apparaissent dans ce film, problématiques.
"C'est un film qui est fait pour rassembler, se questionner ensemble en utilisant des renversements de codes qui ont été très présents."
Noémie Merlantà franceinfo
On est dans l'absurde. On est presque dans une fable. C'est le personnage de Nicole, écrivaine, qui commence à écrire cette histoire. C'est vrai que parfois, dans mon film, il y a des réactions - alors moins que ce que je pensais et j'en suis ravie - de la part de femmes et d'hommes d'ailleurs, qui disent "ah oui, c'est contre nous les hommes", alors que pour moi pas du tout.
Avez-vous l'impression que les choses avancent ? Je voudrais juste revenir sur ce film qui vous a révélé. Vous étiez aux côtés d'Adèle Haenel à ce moment-là, qui est à l'origine d'une énorme avancée de dénonciation de ce qui peut se passer dans le milieu.
Oui, déjà, je pense qu'il y a quelques années, je n'aurais pas pu réaliser ce film, par exemple. On est au début, donc il y a énormément de choses à faire encore, mais ça donne de l'espoir.
Vous avez démarré en tant que mannequin, c'est votre père qui vous a poussée. Il a compris très vite, instinctivement, que vous étiez faite pour ça.
Alors que lui-même n'y connaît rien, ce n'est pas son domaine, mais il a un don pour déceler chez les jeunes à chaque fois, leurs passions. Et moi, tout de suite il m'a dit : "mais attends mais tu ne vas pas te lancer dans des études" parce que j'avais un côté bonne élève, je faisais ci ou ça parce qu'il fallait le faire, parce qu'à l'école on nous apprend à réussir. Donc quand je suis arrivée sur le plateau du Cours Florent, je me suis dit : ah, ça peut être un métier. Je n'avais pas réalisé à quel point ça pouvait être un métier. Je me suis dit alors : c'est ça que je veux faire.
"C'était une évidence. Je me sentais plus en vie sur un plateau que dans la vie réelle. Je me sentais plus libre."
Noémie Merlantà franceinfo
Dans tout ce que vous avez fait, il y a toujours un engagement. Est-ce que ça, c'est une condition sine qua non pour que vous disiez oui à un film ? C'est qu'il fasse avancer les choses ou le regard des autres.
Oui, il y a toujours quelque chose. J'aime bien mettre du sens dans ce que je fais. J'aime en tout cas trouver des histoires ou des personnages qui, peut-être, parfois dérangent ou sont différents ou justement n'ont pas suffisamment d'espace dans la société ou dans les représentations. Mais que ce soit d'ailleurs une comédie, quelque chose de plus commercial ou quelque chose de plus indépendant. Ce n'est pas la question de la forme du film. Et dans le fond, oui, il faut que ça crée du lien entre les gens et que ça fasse avancer les choses vers le mieux, vers le partage et l'acceptation de l'autre et de soi.
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