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"J'étais tellement surpris d'un rôle pareil que j'ai foncé " : quand Francis Huster joue son propre rôle dans la pièce de théâtre "Les pigeons"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’acteur, metteur en scène, réalisateur, Francis Huster. Depuis le 19 janvier, il est sur la scène du théâtre des Nouveautés dans la pièce "Les pigeons" de et avec Michel Leeb.
Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 272 min
Le comédien Francis Huster, en 2021. (VALERY HACHE / AFP)

Francis Huster est acteur, auteur, metteur en scène, réalisateur et scénariste. Ce touche-à-tout curieux et incontournable a débuté à 15 ans quand il s'est inscrit au conservatoire municipal du 18ᵉ arrondissement de Paris. Il a suivi les Cours Florent avant de rentrer au Conservatoire national supérieur d'art dramatique, où il a obtenu trois prix. Et puis, il y a eu la Comédie-Française, engagé puis sociétaire de 1977 à 1980, avant de démissionner. Le théâtre, c'est sa vie, sa passion, son oxygène. Depuis le 19 janvier, il est sur la scène du théâtre des Nouveautés dans la pièce Les pigeons de et avec Michel Leeb. L'histoire de deux acteurs de second plan qui ont la soixantaine. Ils ont 40 ans d'amitié, ils ont débuté ensemble et pourtant, ils sont toujours rivaux.

franceinfo : Est-ce vrai que cette comédie qui se joue entre rire et émotion incarne finalement le pouvoir du théâtre ?

Ce qu'il faut qu'on comprenne par rapport, pas seulement au théâtre, mais par rapport à la danse, par rapport à tout spectacle de musique et même de sport, c'est que tout d'un coup, la vie s'arrête. Donc ça veut dire que les films sont pour l'éternité. Les pièces sont pour l'éternité et la vie est à la porte. Et c'est ce que dit la pièce de Michel Leeb, qui est justement une comédie à l'italienne où évidemment, il y a des explosions de rires, il y a des bouffonneries, il y a gueulantes. C'est en plus dans un théâtre extraordinaire, les Nouveautés où, pardon de le dire mais c'est l'emblème des nouveautés, tu pètes, on t'entend ! Et la pièce de Leeb nous permet de répondre à cette injonction du public : "Sortez-moi de ma vie pendant le spectacle", c'est pour ça qu'on n'a pas le droit de décevoir le public car il nous fait confiance.

C'est aussi un regard sur le métier d'acteur, sur toutes les difficultés qu'on peut rencontrer puisque les souvenirs vont bon train inévitablement. C'est quoi être un acteur ?

C'est très simple quand un pianiste joue une partition, tu as la partition imprimée avec les notes et puis tu as ses mains qui sont sur le piano. Et puis, tu as l'instrument qu'est le piano. Alors imaginez que le piano, tout d'un coup, ne veuille plus des mains du pianiste et qu'il dise : "Non, ce n'est pas cette partition du tout que vous devez jouer. Vous allez m'écouter, moi, l'instrument et c'est moi maintenant !" Et le piano joue tout seul. C'est exactement la pièce de Michel Leeb. C'est-à-dire que les deux acteurs qui sont sur scène, jouent donc deux rôles. Or, au fur et à mesure, on s'aperçoit que les rôles ne sont pas contents du tout de Huster et de Leeb. Ils auraient préféré être interprétés par d'autres acteurs et donc ils vont foutre à la porte Huster et Leeb et ils vont prendre le pouvoir. Et pour nous, c'est un plaisir extraordinaire parce qu'on est en danger.

J'ai l'impression que c'est aussi ce qui ponctue votre vie que de vous bluffer vous-même, de vous challenger, de ne pas forcément aller là où on vous attend le plus. Ça fait partie de vous ?

Ça fait tout à fait partie de moi parce que, en football, j'étais un très mauvais joueur de football, je n'arrêtais pas de gueuler contre les arbitres et je me suis toujours conduit comme ça. Mais au moins, on ne peut pas me reprocher de ne pas avoir des coups de cœur.

Mon talon d'Achille, c'est que quand j'ai décidé un truc, je vais jusqu'au bout.

Francis Huster

à franceinfo

C’est comme pour le combat que j'ai mené, et qui va se terminer par Molière au Panthéon, j'en suis sûr, c'était évident parce qu'aucun acteur n'est jamais entré au Panthéon. C'est quand même inouï depuis quatre siècles de l'Histoire de France ! Donc il y entrera et comme comédien, ce sera le premier de tous les comédiens qui ont tellement servis ce pays et ce combat se terminera probablement le 17 février 2023. Bientôt, avec l'entrée de Molière au Panthéon.

Molière est allé jusqu'au bout du bout sur scène parce que c'était sa vie, parce qu'il n'imaginait pas vivre autre chose que la scène. Est-ce que c'est votre cas ?

Depuis que je suis tombé fou amoureux de ce métier, oui. Et puis je trouve que c'est plus élégant même que tous les gens que j'aime ou qui m'aiment se disent : "Bon bah, il est mort sur scène, il est parti sur scène".

Est-ce que les mots, en plus du théâtre, vous ont sauvé ? Parce que vous êtes habité par les planches, mais il y a aussi le pouvoir de déclamer des mots, la puissance des mots, la justesse des mots aussi.

Vous avez déjà fait l'amour, mais pas avec moi, je vais vous dire une chose. Quand on fait l'amour, il y a une pénétration, mais il y a aussi des regards, des silences et des caresses. Et les mots ne sont pas les pénétrations. La pénétration sur scène, c'est de l'acteur au public. C'est-à-dire que ce que nous ressentons doit pénétrer à l'intérieur du cœur et des sentiments. On est bouleversé, le public est bouleversé. On meurt de rire, y meurt de rire. Mais les mots, ce sont les regards, les silences et les caresses.

Vous avez démarré très jeune alors avez-vous essayé de comprendre finalement ce qui vous a attiré vers le théâtre ?

La vie m'a écœuré, donc j'ai décidé de ne pas vivre une vraie vie.

Francis Huster

à franceinfo

Oui, c'est parce que je fuyais à la vie. Donc ma vie, c'est devenu le théâtre.

Quel regard avez-vous sur ce parcours ?

Je me voyais pas du tout, ni comme acteur, ni comme metteur en scène, ni comme auteur ni quoi que ce soit. Pour moi, c'est un métier de responsabilité et je n'ai jamais finalement eu la responsabilité de moi-même. Ce sont les autres. Là, c'est vraiment Michel Leeb qui est responsable de ma présence aux Nouveautés. Il m'a envoyé sa pièce et je me suis senti pas obligé, mais tellement redevable. J'étais tellement surpris d'un rôle pareil que j'ai foncé.

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