"N'avoue jamais" : dans son nouveau film Ivan Calbérac évoque "une blessure d'orgueil" qui est aussi "une blessure de cœur "

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 24 avril 2024 : le réalisateur, scénariste et écrivain, Ivan Calbérac. Son nouveau film : "N'avoue jamais" sort aujourd'hui, avec André Dussollier, Sabine Azéma et Thierry Lhermitte.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le réalisateur Ivan Calbérac présente son film "N'avoue jamais", à Nice le 19 avril 2024. (CYRIL DODERGNY / MAXPPP)

Ivan Calbérac est tour à tour réalisateur, scénariste, producteur et écrivain. C'est l'écriture et l'envie de raconter ses histoires qui sont à l'origine de sa rencontre avec la télévision, le théâtre et le cinéma. Son premier long métrage, "Irène", sorti en 2002, qui a révélé Cécile de France, a attiré l'attention du public et de la critique. Par la suite, il réalisera en 2006 une comédie musicale : On va s'aimer avec Julien Boisselier, Alexandra Lamy, Mélanie Doutey, Gilles Lellouche, L'étudiante et Monsieur Henri en 2015, une pièce de théâtre devenu un film ou encore La dégustation en 2022. Aujourd'hui, sort son nouveau film : N'avoue jamais avec André Dussollier, Sabine Azéma et Thierry Lhermitte. C'est l'histoire d'un couple composé de François et d'Annie. François est un ancien général à la retraite. Elle, elle a notamment élevé ses enfants. Elle a été la femme de. Et François va se rendre compte en tombant sur des lettres qu'elle l'a trompé il y a une quarantaine d'années.

franceinfo : N'avoue jamais est vraiment, encore une fois, un regard sur le couple. C'est ce qui vous touchait ?

Ivan Calbérac : Absolument. J'avoue que c'est un peu mon obsession. Là, ce qui me touche, c'est que c'est un homme qui a plus de 70 ans et qu’il est encore très amoureux de sa femme, 50 ans après. Et ça, je trouve ça beau. Lorsqu'il découvre ces lettres qui datent de 40 ans, c'est une blessure d'orgueil, mais c'est aussi une blessure de cœur. Et comme il aime sa femme, il ne va pas se venger contre elle, mais il va quand même trouver un moyen de se venger en cherchant l'ancien amant, qui était un ami à lui à l'époque, pour essayer d'aller lui casser la gueule avec 40 ans de retard.

Dans ce film, on se rend compte à quel point ça parle aussi de nous, que ce soit dans l'appréhension du quotidien, dans les habitudes, dans le comment éviter d'avoir l'impression de vivre toujours les mêmes émotions et de perdre les sentiments qu'on éprouve vis-à-vis de l'autre. C'était ça aussi que vous vouliez montrer à la loupe ?

"J'ai envie de montrer que notre cœur ne vieillit pas. Même si notre corps vieillit, on a toujours un cœur d'adolescent."

Ivan Calbérac

à franceinfo

On peut être jaloux à tout âge. On peut retomber amoureux de quelqu'un à n'importe quel âge. On peut s'aimer à n'importe quel âge. Et le film montre ça, que malgré le temps qui passe, en fait, on est toujours des adolescents dans les sentiments. La jalousie qui est un sentiment qu'on tait d'habitude, là, c'est quelqu'un qui la vit pleinement. C'est donc jubilatoire de voir quelqu'un de jaloux, devenir complètement fou parce qu'il l'est un peu pour nous. Et évidemment, il va vivre cauchemars sur cauchemars. C'est le principe de la comédie. Mais toute cette histoire va en même temps l'amener à s'humaniser, à évoluer. C'est aussi ça qui fait que l'histoire est forte.

Quand vous étiez petit, vous vouliez être cosmonaute. Et puis il y a ce moment où, parce que vous êtes un enfant d'une famille bohème, vous voyez vos parents interpréter Le Bourgeois gentilhomme. Il se passe quelque chose à ce moment-là que vous gardez en vous pendant très longtemps. Après toutes les études, vous avez obtenu une maîtrise de mathématiques, un DESS en gestion de la communication, qu'est-ce qui fait que vous ayez eu envie de basculer vers la télévision et le cinéma ?

J'écrivais déjà depuis tout petit et j'étais passionné de cinéma. J'achetais toutes les revues, je collectionnais les fiches, je voyais tous les films. Et c'est vrai que mes parents m'ont donné le goût du théâtre parce qu'ils m'y emmenaient beaucoup, ils ont aussi animé un moment un petit club théâtre au collège et ça a été une vraie bascule. En licence de mathématiques, j'ai rencontré quelqu'un qui faisait une licence de cinéma. Je ne savais même pas que ça existait. Je me suis dit que j'allais m'inscrire en même temps. Et puis de fil en aiguille, j'ai osé. Comme j'écrivais déjà beaucoup, j'ai commencé par mes premiers courts métrages, après j'ai fait Irène qui a été nommé aux Césars et ça m'a vraiment lancé dans la profession.

Tout ce que vous faites est toujours basé sur une chose, c'est l'espoir. J'ai l'impression que cela en dit long sur qui vous êtes. Est-ce qu'aujourd'hui vous êtes heureux de l'homme que vous êtes devenu avec cette enfance dont vous n'avez gardé que le meilleur, l'éducation notamment ?

Oui, je suis heureux. Enfin, le bonheur, c'est toujours quelque chose de fluctuant. Je ne suis pas heureux tous les jours, mais je suis heureux de faire le métier que j'aime.

"J'ai envie de transmettre de l'espoir parce qu'on vit dans un monde qui en manque beaucoup."

Ivan Calbérac

à franceinfo

Quand on regarde les informations, c'est dur. Donc si pendant une heure et demie, on peut offrir aux gens un moment de rires, de légèreté et d'espoir aussi parce que dans mes films, souvent, les personnages changent, ils s'humanisent, ils s'améliorent. Et même si dans la vie on a du mal à faire ça, eh bien ça peut nous inspirer. Et c'est vrai que si on ressort plus léger... Là, je vois dans les salles que ça rit beaucoup et les gens sortent avec un énorme sourire. Moi j'ai l'impression d'avoir fait mon travail.

Vous êtes un peu un funambule, c'est-à-dire qu'il y a toujours cet équilibre entre la gravité et l'humour. Est-ce que c'est l'humour qui vous a permis de rester debout et d'affronter la vie ? De continuer à avancer aussi, d'y croire ?

L'humour, c'est une arme fantastique, ça permet de prendre de la distance. En fait, l'humour, c'est du drame avec du recul. Et quand on fait un pas de recul, ça va déjà tout de suite mieux. Quand on en rit, il y a une phrase que j'adore de Spinoza qui dit : "Depuis que tu ris de moi, je ne m'ennuie jamais". Moi c'est ça ! J'essaie de rire de moi, j'essaie de rire de ce qui m'arrive. Je n'y arrive pas tous les jours ! C'est presque une hygiène de vie et en plus c'est mon métier. Mon métier, c'est aussi de trouver des choses qui vont faire rire les gens. Et pas seulement parce qu'effectivement dans le film, il n'y a pas que ça. Vers la fin du film, il y a quelque chose de plus profond qui se dégage, mais l'idée de base, c'est avant tout de rire et de rire le plus possible.

Donc vous êtes un obsédé textuel totalement assumé. Vous aimez écrire, écrire, écrire. Là, il y a également le théâtre en ce moment.

Oui, absolument. Je prépare une pièce pour le festival d'Avignon qui s'appelle Like et qui sera jouée en janvier à Paris. Et puis j'ai ma pièce Glenn, naissance d'un prodige qui reprend en septembre au Théâtre Montparnasse.

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