Nora Hamzawi : "Je n'étais pas sûre de vouloir être dépendante du regard des autres"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 30 mai 2024 : la comédienne, humoriste et chroniqueuse, Nora Hamzawi. Elle au Théâtre de l'atelier à Paris, avant de partir en tournée en France, pour son nouveau one woman show.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Nora Hamzawi pendant la cérémonie des Molières, à Paris, le 30 mai 2022. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Nora Hamzawi est humoriste, comédienne et chroniqueuse, et c'est sa participation au festival Juste pour rire de Nantes qui l'a révélée au public, alors qu'elle est, au même moment, auteure pour la série de M6 "Scènes de ménages". Elle intègre par la suite l'émission de France 2 "On ne demande qu'à en rire", France Inter et "Quotidien" sur TMC aux côtés de Yann Barthès. Nora Hamzawi  est jusqu'au 8 juin sur scène avec son nouveau spectacle, au Théâtre de l'atelier à Paris, avant de partir en tournée dans toute la France.

franceinfo : Dans le spectacle, vous dites : "C'est confortable de parler de soi, parce que ça permet de maîtriser le sujet, a contrario de l'actualité". Est-ce si confortable que ça ?

Nora Hamzawi : C'est confortable quand on a un double et une scène, et qu'on maîtrise les choses et qu'on peut rentrer, sortir, prétendre... Je trouve que dans l'intimité, ça permet de sortir de l'actualité, de la théorie, de la société, pour se ramener à soi et aux autres, un rapport plus intime.

Vos parents sont d’origine syrienne, vous avez perdu votre père très jeune, vous abordez rarement ce sujet. Je me demandais ce que vous gardiez de vos parents, de ce qu’ils vous ont donné.

Déjà, je pense que si je n’aborde pas énormément mes origines, c’est parce que c’est quelque chose qui m’est, bizarrement, étranger. J’ai grandi sans qu’on ne m'inculque quoi que ce soit.

Vous aviez une grande liberté !

Je ne sais pas si c’est une grosse liberté, mais c'est une forme d’indépendance, qui est propre aux familles endeuillées et dans lesquelles les enfants sont très vite indépendants. On se débrouille, et je pense qu’il y a plusieurs schémas et façons de faire. Moi, j’ai eu une mère qui, à cette époque, a fait plutôt table rase du passé. Il a fallu avancer en étant un peu une sorte d’électron libre, en ne sachant pas très bien d’où je venais.

"On m’a très peu parlé de mon père, de mes origines, de ma famille, alors, ce que je suis, c’est ce que je montre. C'est juste que je n’ai pas plus à montrer de cet aspect-là."

Nora Hamzawi

à franceinfo

Au départ, vous vous étiez tournée vers le droit, et puis les Cours Florent sont arrivés. Est-ce que ça a été une évidence pour vous ?

Les cours de théâtre n'ont pas été une évidence. Je pense que j'étais à un âge où je me comparais beaucoup à la norme, et cette espèce de truc de vouloir bouffer théâtre, rêver théâtre... J'aimais jouer, j'aimais m'amuser, mais je n'étais pas sûre de vouloir être dans ce métier de dépendance, d'être dépendante du regard des autres, du désir des autres. C'était quelque chose que je trouvais très infantilisant et compliqué. Ce n'était pas complètement mon endroit. Et c'est vrai que quand ma meilleure amie me dit : "Au lieu d'attendre et de courir des castings, écris et fais ton propre truc", là, j'y ai vu une zone de liberté, et là, ça commence à être joyeux, mais fragile aussi parce que je suis obsédée à l'idée de pouvoir quitter le nid familial. Ma mère m'avait dit très jeune : "Si tu as envie d'être comédienne, tu seras comédienne, mais moi, je ne peux pas t'aider, donc tant que tu ne seras pas indépendante, tu vivras à la maison".

Vous avez cette force pour transformer du négatif en positif. C'est exactement ce qui s'est passé avec Jean Benguigui lorsqu'il y a ce passage dans l'émission où il va dire clairement : "Elle ne sait pas jouer, elle ne sait même pas porter une robe".

J'avais un peu, à cette époque-là, une espèce de volonté molle, de pensée magique. J'espérais encore être repérée par quelqu'un. Donc, quand tout à coup, Jean Benguigui me dit en gros que j'étais une merde, parce que c'est un peu ça, je me suis effondrée, j'ai beaucoup pleuré. Par ailleurs, il s'est excusé quelques années plus tard quand on s'est croisés dans une gare. Mais je pense que ce qui m'a fait pleurer, ce n'est pas d'avoir été insultée, c'est d'avoir essayé de leur plaire et de me faire insulter. Ce qui m'a rendu dingue, c'est que j'ai essayé de me plier comme une petite chose au jeu de cette émission de télévision et à ce qu'ils attendaient de moi, pour après me prendre une claque dans la figure.

"Dans la vie, il y a des échecs ou des épreuves qui sont plus faciles à affronter si on a été nous-mêmes. On se dit : ‘J'ai fait de mon mieux et j'ai fait ce que moi je ressentais’."

Nora Hamzawi

à franceinfo

Le film CE2 de Jacques Doillon, dans lequel vous aviez l'un des rôles principaux, devait sortir et vous vous y êtes opposée en disant que c'était du mépris qui était envoyé face à la parole des femmes. C'est important pour vous d'être à cet endroit-là ?

Oui. Je pense que si je ne m'étais pas exprimée sur ce sujet-là, je me serais sentie mal, parce qu'il faut dire les choses telles qu'on les ressent. Et puis en plus, c'est le sujet du film. Le film m'intéressait parce que c'était un film qui traitait de harcèlement, je joue la mère d’une petite fille harcelée. Cela aurait été extrêmement lâche de ma part de me servir que de ma propre expérience, ce qu'on fait tout le temps dans les familles, dans tous les milieux : "Oui mais, toi, il ne t'est rien arrivé, tais-toi. Oui, mais moi, il m'est arrivé pire. Oui, mais..." Il y a toujours des "mais" et au bout d'un moment, il n'y a pas de "mais", on se réveille enfin sur ces sujets, et c'est important de dire qu'il y a un temps pour tout.

Pour terminer, avez-vous abandonné l'idée de l'abandon ?

Non, il y a un problème, mais disons que je suis moins dépendante émotionnellement, en couple.

Vous êtes arrivée à un stade où vous aussi vous pouvez partir, c'est ça ?

Je menace, je menace… Mais c’est peut-être aussi que je suis heureuse et que c'est pour ça que je ne pars pas !

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