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Patrice Leconte adapte Simenon : "Ce film est autant le portrait de Maigret que celui de Depardieu"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le réalisateur, Patrice Leconte. Mercredi 23 février sort son nouveau film : "Maigret" avec Gérard Depardieu.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le réalisateur Patrice Leconte à Monte Carlo le 10 octobre 2020 (SIMONE COMI / IPA / MAXPPP)

Le public français a découvert Patrice Leconte en tant que scénariste et réalisateur dans les années 80 avec des comédies devenues cultes et populaires, Les Bronzés, aux côtés de la troupe du Splendid. Au fil des années, il a décidé de toucher à tout, notament à la comédie dramatique avec Tandem (1987), au drame avec Monsieur Hire (1989). Il y a eu aussi Le mari de la coiffeuse (1990), La fille sur le pont (1999), tous nommés aux César dans la catégorie meilleur réalisateur. César qu'il va obtenir en 1997, ainsi que celui du meilleur film avec Ridicule.

Mercredi 23 février, sort son nouveau long métrage : Maigret, avec Gérard Depardieu.

franceinfo : Maigret est une adaptation cinématographique d'un roman de Georges Simenon, Maigret et la jeune morte, publié en 1954. C’est une première au cinéma. Gros challenge pour vous ?

Patrice Leconte : Il y a un truc que je trouve très motivant dans le métier que je fais et un peu dans des tas de choses de la vie d'ailleurs, c'est de faire des trucs qu'on n'est pas sûr de savoir faire. Je ne suis pas envahi de doutes, mais j'essaie d'envoyer balader mes certitudes pour justement être un peu sur le qui-vive, ne pas être trop sûr, douter, mais pas hésiter comme un gland pendant des heures, ce n'est pas ça du tout. J'avance en ne posant pas trop de questions et en me disant : pourvu que ce soit bien.

Là, on touche quand même à Georges Simenon, qui est très important pour vous puisque vous avez déjà adapté un roman de Georges Simenon avec Monsieur Hire. Il a été une partie importante de votre construction, de votre envie de faire aussi du cinéma, d'adapter.

Il m'a beaucoup guidé sur deux plans. Sur le plan de la pure imagination, c'est un raconteur d'histoires, c'est-à-dire que vous ouvrez un Simenon et dès la deuxième page, il vous a pris par la main et vous emmène dans son univers et vous avez envie de savoir qui est derrière la porte, à sa manière et avec son style. Il a beaucoup fertilisé ma propre imagination.

Et puis, ce qui me plaît infiniment chez lui, c'est le talent pour arriver à s'en tenir à l'essentiel. Il n'y a pas besoin d'en rajouter. Je cours après ça, enfin, c'est une espèce d'objectif virtuel. Et comme par hasard, mes films sont toujours assez courts, celui-là, j'ai poussé jusqu'à 1h28, c'est presque un record.

Et pourtant, vous prenez le temps. Vous avez décidé pour incarner ce petit dernier, de faire appel à Gérard Depardieu. Il a énormément d'humilité dans ce rôle. Comment avez-vous travaillé avec lui ?

J'ai la prétention de penser que quand on aime les gens, ils vous donnent le meilleur. Simplement, il faut qu'on ait du plaisir à faire ça ensemble. 

"On ne peut pas travailler avec des acteurs s'il n'y a pas une confiance réciproque, il faut que la confiance circule."

Patrice Leconte

à franceinfo

Je suis un peu naïf parfois, mais quand je fais un film, tous les matins, je me frotte les mains à l'idée d'aller au tournage et je me dis : j'aimerais bien que l'équipe entière et les acteurs au même moment se frottent les mains pour les mêmes raisons.

Quand on dit : "Patrice Leconte", on pense effectivement à votre direction d'acteurs. Quelle est votre particularité ? Au-delà du fait d'aimer les gens !

C'est justement de ne pas être un directeur d'acteurs. La direction d'acteurs, c'est déjà, à la base, le choix des acteurs, mais on ne dirige pas les acteurs parce que diriger les acteurs, ça voudrait dire qu'on les prend pour des brêles et que c'est nous qui leur donnons vie, ce n'est pas vrai ! Les acteurs sont des personnes intelligentes, sensibles, qui ont l'intuition du jeu. Surtout un homme comme Depardieu, qui est une espèce d'instinct, du sentiment du jeu, de la scène qui est ahurissant. Non, on ne dirige pas, on accompagne, on est avec, on souffle un petit truc à l'oreille.

Et puis, il y a un truc qui m'aide énormément, c'est que je suis cadreur sur mes films, je filme les acteurs. On est très peu. On doit être quatre ou cinq en France à tenir la caméra. Et les acteurs, ils adorent ça. Ils adorent savoir que le type qui est derrière la caméra, c'est le type qui est en train de faire le film. Ça introduit une espèce de complicité, d'intimité même, assez troublante. C'est un peu comme si le film, c'était notre secret à nous. Cela dit, et surtout sur ce film-là, moi, je n'aime pas faire beaucoup de prises et quand j'ai dit à Gérard Depardieu, que je connaissais pas avant, on s'est frôlés deux fois, mais maintenant, on s'est trouvés. Quand je lui ai dit : tu sais, moi, je n'aime pas faire beaucoup de prises. Lui, il était aux anges, il m' a dit : "Comme ça, je vais pouvoir être dedans avec la première ou la deuxième prise. Parfois, on en fera trois, t'inquiète pas". Souvent, on en a fait qu'une, surtout.

On entend quasiment la pendule, c'était un souhait de bien marquer cela ?

C'est le personnage de Maigret, donc Simenon, mais c'est le personnage de Maigret qui induit ce genre de choses parce qu'il a cette espèce de côté bulldozer. Et il avance quoi qu'il arrive. Il se trompe. Il reconnaît s'être trompé. Il y a une espèce d'opiniâtreté très tranquille chez Maigret, qui s'apparente à l'inéluctable.

"Maigret, c'est un type qui ne juge pas. Il tâtonne. Il est beaucoup plus en écoute et donc en silence qu'en démonstration."

Patrice Leconte

à franceinfo

L'enquête, ce n'est pas ce qui l'intéresse le plus. Ce qui l'intéresse presque le plus, c'est ce qui intéresse le plus Simenon et moi-même, c'est de pousser la porte d'un univers qu'on ne connaît pas bien, de rencontrer des gens, d'être attentif, d'écouter, d'observer. Il y a une réelle humanité chez Maigret.

Et puis ce qui me plaisait aussi dans ce film, c'était de prendre Maigret à un moment où il y a une espèce de grosse lassitude, un vieux coup de ras-le-bol sur les épaules parce qu'il a trop donné. Ce film est autant le portrait de Maigret que le portrait de Depardieu. C'est-à-dire quelqu'un qui peut être revenu de beaucoup de choses et qui a toujours quelque part en lui une énergie, un enthousiasme fou.

Pour terminer, quel est votre regard sur le temps qui passe ?

Je ne souffre pas du temps qui passe. Depardieu m'a dit : "Toi, de toutes façons, tu vivras jusqu'à 100 ans et tu seras en bonne santé." Donc je vais encore faire quelques films.

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