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Yvan Attal à l’affiche du film "Maestro(s)" : "Ce qui m'a touché dans cette aventure, ce sont les relations père-fils"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le réalisateur, scénariste et acteur, Yvan Attal. Ce mercredi 7 décembre 2022, il est à l'affiche du film "Maestro(s)" de Bruno Chiche.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 272 min
L'acteur et réalisateur Yvan Attal à La Baule, en juin 2022. (LOIC VENANCE / AFP)

Yvan Attal est un touche à tout, passionné, réservé, à la fois acteur, réalisateur, scénariste et dialoguiste. Le point commun à toutes ses passions, c'est le cinéma. C'est le film Un monde sans pitié d'Eric Rochant, qui a lancé sa carrière cinématographique avec l'obtention du Prix Michel Simon en 1989 et puis le César du meilleur espoir masculin un an plus tard. Il y a l'interprétation, certes, mais il y a aussi cette voix, cette tessiture qu'il a prêté pendant assez longtemps à Tom Cruise dans certains films. Ce mercredi 7 décembre 2022, il est à l'affiche du film Maestro(s) de Bruno Chiche.

franceinfo : Vous incarnez un chef d'orchestre, fils d'un célèbre chef d'orchestre. Une passion commune qui, au lieu de les réunir, les éloigne, les oppose. C'est une comédie dramatique, un combat de chefs. J'ai l'impression que c'est aussi un formidable regard sur les liens familiaux entre un père et son fils et sur la transmission.

Yvan Attal : Absolument. Et étant un fils et un père, moi-même, le film m'a beaucoup touché et c'est ce qui m'a donné envie de le faire. Alors évidemment, il y a tout le décor, le décorum, la musique classique, les chefs d'orchestre. Un milieu que je ne connaissais pas et que j'ai découvert. Mais effectivement, ce qui m'a touché dans cette aventure, ce sont les relations père-fils.

Ce qui ressort, c'est la difficulté de se dire les choses, finalement. C'est quelque chose que vous avez déjà vécu ?

Oui. Peut-être un peu moins avec mon fils, parce que justement, j'ai eu un père avec qui c'était compliqué de se dire des choses impudiques. Et ce qui, pour le coup, m'a frappé, c'est quand j'ai vu mon père avec mon fils. Je n'ai pas reconnu l'homme que je connaissais. Tout d'un coup, je l'ai vu tactile avec lui, le prenant dans ses bras, pouvant tout lui dire. C'était à la fois très touchant et très surprenant. Donc tout ça me touche beaucoup, oui.

Vos parents ont toujours été là. C'est vrai qu'ils ont eu une vie un peu compliquée. Ils ont été obligés de partir d'Algérie. Ensuite, ils sont arrivés en Israël, sont revenus en France. Vous n'avez pas fait le même métier qu'eux, vous avez décidé d'être acteur. Au début, vous vouliez être footballeur, puis médecin. Et finalement, vous avez passé tellement de temps dans les salles obscures enfant que...

Le samedi, enfant, le cinéma était ma nounou.

Yvan Attal

à franceinfo

Comme mes parents travaillaient le samedi, ils ne savaient pas quoi faire de moi. Ils me déposaient au cinéma et du coup, j'y passais la journée. Ça veut dire qu'il n'y avait qu'un film permanent, donc je voyais le film deux fois et demi parce que j'arrivais à 14 h et à 19 h, mon père venait me récupérer. Donc je restais toute la journée dans la salle à regarder le même film.

Comment leur avez-vous annoncé que vous vouliez faire du cinéma ?

C'était compliqué, je pense, parce que ce n'était pas du tout leur milieu, leur monde. C'était probablement quelque chose qui les inquiétait, mais mon père me disait toujours : "Il ne faut pas avoir de stock. Il faut pouvoir partir avec son savoir et sa connaissance et être capable d'exercer n'importe où". Alors, il voulait que je sois médecin ou avocat et j'ai voulu faire du cinéma, mais je ne savais pas quoi. Je n'ai pas pu faire une école de cinéma parce que je n'avais pas le bac, donc je me suis inscrit dans un cours de théâtre.

Les cours Florent. Ça vous a créé cette solidité ? Parce que dans ce film, il y a aussi un regard sur la légitimité. Est-ce que vous vous êtes senti légitime par moments ?

Je crois qu'on ne se sent jamais légitime.

Yvan Attal

à franceinfo

On a tous l'impression que l'on ne fait pas si bien les choses que ça. Pourquoi on fait ça ? Pourquoi on a cette chance de faire ça ? Est-ce qu'on vaut vraiment le coup ? Est-ce qu'on est vraiment un acteur, vraiment un metteur en scène ? Alors, à un moment, il faut arrêter de se poser la question quand même.

On vous sent très apaisé dans ce film. En face de vous, il y a Pierre Arditi. C'est un complice de longue date. Et c'est crédible.

Oui, je trouve que c'est une des qualités du film. On ne doute absolument pas de la filiation, et on ne sait pas par quoi ça passe. Peut-être que physiquement, il y a un air et notre complicité est évidente. On s'est rencontrés sur Les choses humaines (2021), je ne jouais pas avec lui, je le dirigeais. Et en fait, Pierre Arditi, c'est quelqu'un, quand je l'ai rencontré, il y a des gens comme ça, vous ne savez pas pourquoi, mais vous avez l'impression de les connaître depuis toujours. Ça veut dire que, à la minute où j'ai rencontré Pierre, on se parlait comme si on se connaissait depuis 30 ans.

C'est un conte de fée, cette vie dans le cinéma pour vous ? Vous qui rêviez, enfant, de devenir acteur.

En fait, oui. Je dis "en fait" parce que c'est un métier qui ne vous rend pas que heureux, parce que c'est plein de frustrations, d'échecs, de déceptions. L'échec de mon dernier film m'a beaucoup affecté. Mais au bout du compte, quand je vois d'où je viens, je me dis que j'ai la chance de voyager, de tourner Maestro(s) et d'avoir 50 musiciens sublimes devant moi, de découvrir des mondes différents. Évidemment que ce métier vous apporte énormément de choses. Donc, malgré les frustrations et malgré les moments qui vous mettent un peu en colère, malgré tout, vous réalisez que vous faites un métier extraordinaire et que vous avez beaucoup de chance.

Pour terminer, vous êtes chef d'orchestre, votre père l'est aussi dans ce film. J'ai l'impression que vous avez toujours été votre propre chef d'orchestre, c'est-à-dire que personne n'a jamais réussi à vous imposer des choses, que vous avez toujours gardé cet esprit libre.

Déjà, quand on fait ce métier, c'est pour justement essayer de faire les choses qu'on a envie de faire. D'ailleurs, c'est pour ça aussi que je suis passé à la mise en scène. Très vite, je me suis rendu compte que j'étais dans le regard de quelqu'un d'autre et que parfois, je n'étais pas d'accord avec lui. Et c'est ça qui m'a poussé à faire mes propres films. Je me suis dit au moins, si ça ne me plaît pas, c'est de ma faute et je pourrais pas dire : quel con ce gars qui a mal fait les choses.

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