Bien juifs spoliés pendant la Seconde Guerre mondiale : une loi ravive les tensions entre Israël et la Pologne
La Pologne a décidé qu’un délai de prescription de 30 ans allait être imposé pour tous les Polonais qui ont été spoliés de leur bien pendant et après la Seconde Guerre mondiale.
Une loi polonaise enclenche un compte à rebours de la mémoire et du droit des victimes. La Pologne a décidé qu’un délai allait être imposé pour tous les Polonais qui ont été spoliés de leur bien pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Un délai de prescription de 30 ans.
Cette loi concerne la restitution des appartements, des maisons, des commerces du centre-ville de Varsovie qui ont été confisqués par les nazis, puis par le régime communiste. Ces logements appartenaient généralement à la communauté juive, très importante avant la guerre. À cette époque, un tiers de la population de Varsovie était juive, et beaucoup sont morts pendant l’Holocauste ou ont fui la Pologne.
Le président Andrezej Duda, qui a approuvé la loi ce week-end et son parti populiste du Prawo i Sprawiedliwość (PiS), expliquent que cette loi a été faite pour empêcher les fraudes. Ce qui est vrai, c’est que pendant des années, ces logements – où les dommages et intérêts qui sont liés s’ils n’existaient plus – ont été restitués à quiconque jurait d'en être le propriétaire ou le descendant des propriétaires. Beaucoup ont été rendus à des personnes malveillantes à qui ils n’appartenaient pas.
La preuve apportée par les victimes
Les véritables propriétaires ou leurs descendants ont pour beaucoup tardé à faire valoir leurs droits. Imaginez-vous, 1945, Varsovie est détruite. Les archives ont brûlé. Les logements, les magasins sont soit démolis, soit transformés en propriété d'État. 1989, chute du rideau de fer, contrairement à d'autres pays du bloc communiste comme la République Tchèque, la Pologne ne restitue pas ces biens.
Aujourd’hui, des décennies plus tard, les victimes doivent apporter la preuve qu’ils étaient bien propriétaires. Un travail de fourmis, basé uniquement sur des témoignages, car les documents officiels sont partis en fumée. Tout cela prend du temps. Or, avec cette loi, les victimes n’en ont plus. Actuellement, des dizaines de milliers de dossiers attendent devant la justice.
Ambassadeurs israéliens et polonais rappelés
Israël voit dans cette loi une attaque contre les juifs. Une loi "immorale et antisémite", pour le ministre israélien des Affaires étrangères Yaïr Lapid, une loi "honteuse", un "mépris scandaleux pour la mémoire de l’Holocauste", pour le Premier ministre israélien Naftali Bennett. Une loi qu'Israël ne peut supporter. Le pays a pris des mesures diplomatiques. Il a rappelé le chargé d’affaires de son ambassade à Varsovie. Son ambassadeur, qui devait partir dans la capitale polonaise, n’ira finalement "pas tout de suite".
Quant à l’ambassadeur polonais en Israël, le gouvernement de l'État hébreu lui conseille de "rester en vacances dans son pays". La Pologne a rejeté les accusations antisémites. Selon le Premier ministre Mateusz Morawiecki, "personne qui connaît la vérité sur l'Holocauste et les souffrances de la Pologne pendant la Deuxième Guerre mondiale ne peut accepter cette façon de faire de la politique", a-t-il déclaré sur Facebook.
Mateusz Morawiecki a prévenu : "Si Israël continue à attaquer la Pologne, cela aura un impact très négatif sur nos relations." Des menaces mises à exécution puisque lundi soir, Varsovie a annoncé que son ambassadeur ne retournerait pas en Israël "jusqu'à nouvel ordre".
Avant cet épisode, les deux pays avaient réussi ces dernières années à apaiser leur relation. Mais la question de la mémoire, de l’Holocauste et du rôle des Polonais est toujours très délicate entre la Pologne et Israël. Six millions de Polonais sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale, dont trois millions de juifs. Varsovie promet de prendre "une décision sur le niveau permanent de sa représentation diplomatique en Israël sera prise dans les prochains jours".
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