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Des réfugiés russes et ukrainiens se pressent à la frontière entre le Mexique et les États-Unis

Avec la guerre, près de trois millions et demi de personnes ont déjà fui l'Ukraine. Si la plupart se rendent dans les pays frontaliers, en Europe, d'autres beaucoup plus loin, jusqu'au Mexique et aux États-Unis.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des Russes qui ont fui leur pays à cause de la guerre en Ukraine bloqués à la frontière entre le Mexique et les États-Unis où ils sont persona non grata, le 21 mars 2022. (MARIO TAMA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / VIA AFP)

D'habitude, à Tijuana, au poste-frontière mexicain qui ouvre la porte du rêve américain, on voit passer des migrants venus du Guatemala, du Honduras, ou du Nicaragua. Mais depuis plusieurs mois déjà, les Ukrainiens sont de plus en plus nombreux, et les flux ont grossi au rythme des bombardements russes. Selon l'agence Reuters, ils représentent désormais la troisième nationalité la plus fréquente. Arrivés comme touristes au Mexique, parfois après un long périple qui les a conduits à travers la Pologne, la Croatie, la Hongrie, puis l'Europe de l'Ouest, ils veulent traverser, entrer aux États-Unis.

Un statut de protection temporaire

Pendant plusieurs jours, les autorités américaines sont restées inflexibles face à ces demandeurs d'asile venus du fin fond de l'Europe. Avant d'ouvrir les vannes face à la crise humanitaire générée par la guerre. Depuis le 11 mars, les Ukrainiens souhaitant entrer dans le pays ont droit à un statut de protection temporaire qui leur permet de rester sur le sol américain pour un an. Un visa humanitaire qui leur permet de circuler librement d'un État à l'autre pour rejoindre leurs proches, justifié par "la guerre d'agression injustifiée menée par la Russie en Ukraine", indique le mémo du département de la sécurité intérieure. 

Les Ukrainiens qui parviennent à atteindre le sol américain sont de toute façon pratiquement assurés d'obtenir l'asile. Seuls quatre sur les 1 553 entrés entre septembre 2021 et février 2022 ont été interdits de séjour en vertu de l'ordonnance de santé publique qui permet aux États-Unis d'expulser les migrants sans possibilité de protection humanitaire.

Les Russes ne passent pas

Sauf qu'à la frontière, il y a aussi des Russes, qui ne sont pas tout à fait traités de la même façon. Eux non plus n'ont pas besoin de visa pour entrer au Mexique. Parmi ceux qui ont fui le régime de Vladimir Poutine, certains ont donc pris un vol pour Cancun ou Mexico, avant de se rapprocher eux aussi de la frontière avec les États-Unis. Mais à San Ysidro, quand les Ukrainiens passent, les Russes eux sont refoulés par les garde-frontières en vertu d'un arrêté de santé publique, le "Titre 42", qui, depuis deux ans, impose des conditions très strictes aux frontière pour empêcher la propagation du Covid-19. Un texte adopté sous l'administration Trump, toujours en place, qui permet surtout de verrouiller le pays et d’écarter les migrants au nom des restrictions sanitaires. Les Ukrainiens en sont exemptés, pas les Russes.

Ils restent donc sur place, côté mexicain, juste en face des barbelés qui marquent le point d’entrée vers les États-Unis. Lundi 21 mars, ils étaient une trentaine, adultes et enfants, dans un camp improvisé à l'écart de la longue file de piétons. C'est là qu'ils attendent, qu'ils mangent, qu'ils dorment, certains à même le bitume. Pas question de quitter les lieux de peur de rater "le" moment où la frontière s'ouvrira.

Mark, 32 ans, patiente depuis cinq jours. Il témoigne dans le San Francisco Chronicle : en Russie il a participé à des manifestations contre la guerre, il a eu des démêlés avec la police et craignait d'être appelé sous les drapeaux : "Pour nous, dit-il, il n’y a plus de retour en arrière possible". Chaque fois qu'il tente de passer, les garde-frontières lui rendent son passeport et lui demandent de faire demi-tour. Anton, un autre Russe de 27 ans confie dans un journal local : "J'ai peur. Mais j'ai moins peur que mes proches qui eux sont contraints de rester en Russie".

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