Dubaï : une princesse affirme être séquestrée et appelle à l'aide
Latifa, l'une des filles de l'émir de Dubaï, assure être retenue contre sa volonté dans une villa qu'elle n'a pas le droit de quitter. La princesse a toutefois réussi à enregistrer des vidéos où elle dit craindre pour sa vie.
Le montage de plusieurs vidéos tournées par la princesse Latifa ont été diffusées mardi 16 février sur deux médias britanniques, la BBC et Sky News. Face caméra, la jeune femme de 35 ans explique à voix basse qu'elle s'est réfugiée dans les toilettes, "la seule pièce qui ferme à clé". Elle a le teint pâle, le visage très peu maquillé. "Je suis otage", dit-elle. La villa a été transformée en prison : les fenêtres condamnées, il y a cinq policiers à l'extérieur.
"Je n'ai pas le droit de sortir... Chaque jour je m'inquiète pour ma sécurité... pour ma vie. Je suis vraiment... fatiguée de tout cela." L'émirat n'a pas encore réagi à la publication de ces vidéos, transmises par des proches de Latifa qui veulent alerter sur son cas.
[THREAD] A Dubai princess says she is a “hostage” in secret videos released to Sky News.
— Sky News (@SkyNews) February 16, 2021
For three years the world has heard nothing from Princess Latifa, a daughter of one of the world’s richest men, Dubai's billionaire ruler Mohammed Bin Rashid Al Makthoum pic.twitter.com/nYjy2foQe4
Pourtant cela fait quasiment trois ans maintenant que cette fille de l'émir est tenue au secret. En 2018, Latifa a fait parler d'elle lors d'une tentative d'évasion rocambolesque impliquant un ancien espion français et sa professeur de capoeira, avec lesquels elle avait organisé sa fuite à bord d'un voilier. Ramenée à Dubaï, elle n'était jamais réapparue en public, les autorités assurant qu'elle allait "bien" et qu'elle était prise en charge, accréditant l'image d'une jeune femme psychologiquement fragile.
Pas la première à tenter de s'échapper
Déjà en 2002, Latifa avait essayé d'échapper à l'emprise de la famille régnante et à la cage dorée d'une vie qu'elle partageait - comme son père - entre Dubaï et le Royaume-Uni, les chevaux de courses et les palaces, les voitures de luxe et les yatchs... Mais une vie sans libre-arbitre, où les femmes sont soumises à la tutelle masculine. À son retour dans l'émirat, Latifa assurait avoir été torturée et emprisonnée. L'an dernier, la justice britannique lui a d'ailleurs donné raison, concluant que son père avait bien commandité son enlèvement.
Latifa n'est pas la première femme de la famille royale à vouloir échapper à l'émir. La première de ses six femmes, une Libanaise, n'a jamais pu revoir sa fille qu'elle avait du laisser derrière elle à Dubaï après son divorce. En 2019, après 15 ans de mariage c'est sa dernière épouse Haya, fille du roi de Jordanie, qui s'est réfugiée au Royaume-Uni avec ses enfants pour y demander le divorce. Et une autre fille de l'émir, Shamsa, a elle aussi tenté de fuir il y a 20 ans, sans succès.
Ce nouvel épisode peut-il porter atteinte à l'image de l'Émirat ? Oui, parce qu'à coup de pétrodollars Mohammed Al Maktoum a fait avancer son extravagante cité-État vers la modernité. C'est l'un des souverains les plus riches du monde qui se veut progressiste, aussi respectueux des lois du capitalisme occidental que de celles de l'islam.
Derrière la vitrine, des tabous persistants
Dubaï, à défaut d’être une démocratie, c'est sa vitrine, projets immobiliers spectaculaires, parcs de loisirs tape-à-l'oeil et surtout la volonté de devenir la capitale mondiale du divertissement et des loisirs (on l'a vu pendant la pandémie, Dubaï a ouvert grand ses frontières aux touristes fuyant les confinements). Mais sous le vernis ultrabrillant et tapageur de la modernité, certains sujets restent tabous. Et si l'émancipation des femmes avance de manière visible dans le cadre professionnel, elle est beaucoup plus lente dans le cadre familial. Poids de la famille et domination de ses membres masculins, persistance de la ségrégation et de la polygamie. Les droits des femmes –même quand elles sont princesses – restent fortement limités par une solide conception patriarcale et conservatrice de la société.
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