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En Afghanistan, les négociations pour un gouvernement "inclusif" se poursuivent

Alors que le président américain Joe Biden n'exclut pas de prolonger la présence américaine face au chaos des évacuations, les talibans tentent depuis ce week-end de former un gouvernement.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le mollah Abdul Ghani Baradar est arrivé à Kaboul le samedi 21 août 2021 pour des pourparlers sur l'établissement d'un nouveau gouvernement "inclusif" en Afghanistan. (KARIM JAAFAR / AFP)

Face au chaos des évacuations à l'aéroport, le président américain Joe Biden n'excluait pas lundi de prolonger la présence américaine au-delà du 31 août. Les talibans ont pointé du doigt la responsabilité des Américains. Côté terrain, les fondamentalistes se rapprochent de l'aéroport, et côté politique, ils tentent depuis ce week-end de former un gouvernement. D’après la presse locale, les réunions entre les talibans et les dirigeants politiques s’enchaînent mais rien de "sérieux" n’a pour l’instant été établi. De nombreux responsables talibans ont été vus à Kaboul ce week-end, dont le mollah Baradar, numéro deux des talibans et co-fondateur du mouvement.

La semaine dernière, les islamistes avaient annoncé vouloir former un gouvernement "inclusif", qui inclut toutes les composantes de la société, les différentes factions talibanes et qui inclut aussi les jihadistes les plus redoutés. Des réseaux sociaux pro talibans ont mis en scène les venues de Khalil Haqqani, l’un des terroristes les plus recherchés par les États-Unis, et de Gulbuddin Hekmatyar, dit "le boucher de Kaboul", qui avait bombardé la ville pendant la guerre civile des années 90. Les fondamentalistes ont aussi contacté Hamid Karzai. L'ancien président, brouillé avec les États-Unis, pourrait jouer un rôle de médiateur dans la politique afghane.

Si ce gouvernement inclut toutes les composantes afghanes, il devra aussi compter sur Ahmad Massoud, fils du commandant Massoud, héros de la lutte contre les Soviétiques. Ahmad Massoud contrôle la vallée du Panchir, dernière poche de résistance. Après avoir affirmé qu’Ahmad Massoud se ralliait au nouveau gouvernement en formation (non confirmé par l’intéressé), les talibans ont choisi la menace dimanche 22 août et ont lancé une offensive sur le Panchir. Massoud espère toujours qu'un gouvernement inclusif est possible mais confesse que si ce n’est pas le cas, une nouvelle guerre est "inévitable"

Discours de façade

Les talibans ont promis un gouvernement inclusif et ont eu, la semaine dernière, un discours plutôt ouvert. Mais sur le terrain, ces promesses ne se confirment pas. Peu de choses dans l'histoire des talibans suggèrent une réelle volonté de compromis sur leurs principes islamistes durs, ou même de partage de pouvoir. Et une fois de plus, cela semble être le cas.

Les États-Unis ont averti que si le mouvement faire cavalier seul, cela entraînerait un conflit et un isolement continus. Pourtant, Les témoignages qui parviennent d’Afghanistan depuis la prise de Kaboul montrent que le discours d'ouverture n'était qu'un discours de façade. Les Afghans qui ont travaillé pour les Occidentaux sont traqués par les talibans. Selon l’ONU, les islamistes ont dressé une liste prioritaire des personnes à arrêter et leur famille. Ils avaient pourtant promis une amnistie à tous ceux qui avaient travaillé avec leurs "ennemis".

Les écoles ont été fermées dans les localités déjà tenus par le mouvement. Les talibans chassent et battent les femmes qui sortent seules ou ne sont pas habillées comme ils le voudraient. Sur les panneaux publicitaires, les visages des femmes ont été effacés. Dans le centre de Kaboul, les salons de beauté sont fermés. Même la musique semble être contrôlée : "les talibans répriment violemment la musique", selon le directeur de l’institut national afghan de la musique, interrogé par RFI. 

En manque d’aide internationale

Même avec la formation de ce gouvernement, les talibans vont être confrontés à un problème réel : le manque d’argent. L’Afghanistan vit grâce à l’aide internationale qui représente 42% du Produit intérieur brut (PIB) et elle a été suspendue pour l’essentiel.

Le FMI a interrompu ses financements, dont une enveloppe de 450 millions de dollars qui devait arriver fin août. Les réserves de la Banque centrale d’Afghanistan ont été gelées à l’étranger. Les États-Unis ont bloqué les transferts de dollars, et c’est là quelque chose d’essentiel dans l’économie afghane. Avant l’arrivée au pouvoir des talibans, des cargaisons de billets verts été acheminées toutes les semaines en Afghanistan. Cette monnaie va aujourd’hui cruellement manquer.

Les talibans pourront compter sur quelques ressources, notamment tirées de l’héroïne et de l’opium. Le pays est le plus gros producteur d’opium au monde. Les islamistes vivent aussi grâce à une taxe qu’ils imposent aux commerçants locaux. Ils vont aussi pouvoir s’appuyer sur leurs nouveaux alliés, la Russie et la Chine, preuve qu’ils ne sont pas si isolés que cela.

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