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Espagne : José Manuel Villarejo, ancien policier et maître-chanteur, face à la justice

Le procès d'un ancien commissaire, notamment accusé de "corruption" et "d’appartenance à une organisation criminelle", s’ouvre mercredi en Espagne. José Manuel Villarejo a, pendant des années, enregistré en cachette des personnalités espagnoles.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
L'ancien policier espagnol José Manuel Villarejo accusé notamment de "corruption", à Madrid le 4 mars 2021. (EMILIO NARANJO / EFE / MAXPPP)

José Manuel Villarejo, 70 ans, toujours coiffé d'une casquette plate et parfois portant un bandeau sur l'œil, est un champion du chantage. Son procès s’ouvre mercredi 13 octobre en Espagne et devrait se terminer en janvier. L’ancien commissaire est presque satisfait de se retrouver devant les juges. Le flic ripou cache dans ses placards les bombes à retardements, et de quoi allumer les mèches.

Selon Publico (article en espagnol) l'un des premiers journaux à sortir l'affaire en 2015, Villarejo est soupçonné d’être à la tête d’une "organisation criminelle" qui s'est enrichie grâce à "des commissions de particuliers et de grandes entreprises pour espionner et neutraliser des rivaux, profitant du statut de police à Villarejo et de tous les médias la police à portée de main".

Pendant plusieurs décennies, il a joué les agents secrets dans les plus hautes sphères de la société espagnole. Avec une technique toute simple : étant commissaire, avec une respectabilité qu'il n'avait pas à prouver, il rencontrait des avocats, magistrats, élus, homme d'affaires ou encore sportifs et journalistes et les faisait parler. Les uns et les autres se confiaient sans barrière, y compris sur des activités illégales, lui demandant parfois de faire "le sale boulot" : menaces, chantage, campagne de diffamation. C'est ainsi que le gouvernement central lui aurait par exemple demandé d'affaiblir les indépendantistes catalans. Ce dont ses interlocuteurs ne se doutaient pas, c'est que José Manuel Villarejo enregistrait tout.

Enregistrements secrets et écoutes illégales

Seul le commissaire accusé de "corruption", "extorsion de fonds", "falsification de documents" et "appartenance à une organisation criminelle" sait ce qui se trouve dans ces enregistrements. Il refuse de donner les codes d'accès. Pour l'instant, la police spécialisée a réussi à décrypter la moitié des interviews confidences. La moitié d'une montagne d'informations. Le maître-chanteur détient plusieurs dizaines teraoctets de données. Cela correspond à au moins trois mois d'émissions non-stop.

José Manuel Villarejo monnayait ses services ou faisait chanter les personnes haut placées pour ne pas divulguer les enregistrements. Résultat : plus de 20 millions d'euros empochés entre 1992 et 2010. Le policier a été arrêté en 2017, puis remis en liberté surveillée en mars 2020.

Les hautes sphères espagnoles fébriles

Les personnalités enregistrées à leur insu ont de quoi trembler. Les pratiques de José Manuel Villarejo ont déjà fait tomber de grands noms. Depuis qu'il a la justice sur le dos, le policier fait tout pour se dédouaner. Y compris depuis la prison. Incarcéré en 2017, il a envoyé aux médias des extraits de ses conversations gênantes.

C'est lui qui a par exemple provoqué la fuite de l'ancien roi Juan Carlos aux Émirats arabes unis. Une conversation entre lui et sa maîtresse, espionnée par le policier véreux, laissait entendre que la souverain tentait de dissimuler sa fortune. C'est lui qui a aussi mis la justice sur la route des hauts magistrats pas très clairs et des dirigeants de la deuxième banque d’Espagne BBVA, aujourd'hui mis en examen. 

"Tous ceux qui l'ont fréquenté ont de quoi être inquiets car il détient du contenu explosif sur tout le monde", dit une journaliste espagnole. José Manuel Villarejo va-t-il sortir ses bombes à retardement pour réduire sa peine ? Il risque 109 ans et 10 mois de prison. Selon le site Politico"il a averti qu'il révélerait comment l'État espagnol a été complice de ses activités". L’ex-commissaire sulfureux a déclaré dans une réponse écrite aux questions de Politico qui lui ont été posées via son avocat : "Ceux qui me voient comme un agneau qui ira tranquillement à l'abattoir se trompent (…) Je n'ai jamais été belliqueux, mais je n'ai jamais fui un combat quand je le devais."

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