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Guerre en Ukraine : les sanctions économiques sont-elles efficaces ?

L’Europe et les États-Unis ont décidé de nouvelles sanctions contre la Russie jeudi 24 février. L'histoire montre que cette arme diplomatico-économique est rarement efficace.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Sanction économique contre la Russie : le chancelier allemand Olaf Scholz a suspendu l'autorisation du gazoduc Nord Stream 2. (TOBIAS SCHWARZ / AFP)

Pour résoudre un conflit, les sanctions économiques sont-elles efficaces ? Jusqu'à présent, la réponse est plutôt non. Selon l'institut suisse Targeted Sanctions Consortium, ces dernière années seuls 22% des pays subissant des sanctions économiques ont infléchi leur politique. Si on regarde l'histoire, on s’aperçoit aussi que cette arme n’est pas très efficace. La Russie par exemple, avant les sanctions de jeudi 24 février, avait déjà été visée par des mesures en 2014 à la suite de l’annexion de la Crimée. Elles n’ont pas fonctionné. D’après le FMI, la Russie a perdu seulement 0,2% de son PIB à cause des sanctions de l’époque

Autre exemple, plus ancien : Cuba. Long, très long embargo des États-Unis. Entre 1962 et 2016. Le but était d’asphyxier économiquement Fidel Castro et le faire quitter le pouvoir. Ce ne sont pas les sanctions américaines qui l’ont arrêté mais la mort, après 49 ans de règne.

Il y a tout de même un exemple positif : l’Afrique du Sud. Pour dénoncer l'apartheid, plusieurs pays l'ont boycottée dans les années 70. Boycott économique, sportif, militaire qui a poussé le gouvernement à discuter avec la population noire.

Sanctions parfois contreproductives

Quand elles ne manquent pas d’efficacité, les sanctions peuvent avoir l’effet inverse. Elles peuvent avoir des conséquences sur les pays qui les ont formulés. On parle aujourd’hui d'une possible hausse du prix gaz et du pétrole en Europe et aux États-Unis.

Dans les pays visés, les sanctions renforcent le soutien des habitants à leurs dirigeants. Elles exaltent parfois le nationalisme car elles sont perçues comme une ingérence de l’étranger. En Russie, par exemple, mi-janvier ; la moitié de la population estimait que l'Otan était responsable de la montée des tensions et 4% que c’était la faute du Kremlin. En Iran, les sanctions, presque ininterrompues depuis 1995, ont cristallisé la haine contre les Américains.

Autre conséquence, les sanctions créées de nouvelles alliances dans le monde. Dans les années 60, Cuba se tourne vers l’URSS. La Corée du nord, pays le plus fermé du monde, ne peut compter que sur son voisin chinois. La Chine qu’on retrouve au plus près de la Russie depuis 2014 et les relations tendues avec l’Europe et les États-Unis.

Dès lors, pourquoi faire des sanctions ?

Pour éviter la guerre ? Parce qu’on ne veut pas utiliser la force ? Et parce qu’on n’a pas vraiment d’autres moyens, surtout envers Vladimir Poutine qui ne comprend que la confrontation brutale. Avec d’autres régimes, les sanctions sont une carte à jouer mais il faut pour cela avoir des choses à négocier. Par exemple Barack Obama a utilisé cette stratégie avec l’Iran. Il a d'abord pris de lourdes sanctions et puis, il s’est mis à la table des négociations. Résultat : un accord historique sur le nucléaire iranien. Torpillé quelques mois plus tard par Donald Trump, mais c’est une autre histoire.

Avec Vladimir Poutine, il n’y aura rien à négocier car la démocratie n'est pas une question d’argent. Les sanctions annoncées jeudi sont lourdes mais comme l'a dit Joe Biden : "ça ne va pas l'empêcher d'agir. On vise le long terme. Reparlons dans un ou deux mois pour voir si ça a marché."

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