Guerre en Ukraine : qui est l'impitoyable général Sourovikine, chargé par le Kremlin de relancer "l'opération spéciale" ?
Face aux revers de son armée en Ukraine, le Kremlin nomme un nouvel homme à la tête de "l’opération militaire spéciale" : Sergueï Sourovikine.
Sur sa photo officielle, il se tient bien raide dans son costume vert kaki bardé de médailles. Regard noir, cou épais, crâne entièrement lisse... Il faut dire que, à 55 ans, Sergueï Sourovikine collectionne les états de service : Afghanistan, Tchétchénie, Syrie, une guerre qui en 2017 lui vaut titre de "héros de la Russie" - la plus haute des récompenses.
Dans la foulée, il est promu patron de l'armée de l'air. En Ukraine, Sourovikine commandait déjà les forces armées du sud. Il avait été nommé général cet été.
#Russian Army General Sergei #Surovikin has been appointed commander of the Joint Group of Forces in the Western Russian region (previously know ucrain). His previous achievements are well known.
— .. (@saeed2_sami) October 8, 2022
Neonazies thugs have no place to hide now #Bakhmut #Crimea #Kharkov #Odesa pic.twitter.com/x0kOWgoV3d
Côté pile, il est surtout connu pour sa brutalité. "Impitoyable", dit même de lui le rapport d'un groupe de réflexion américain sur la politique de défense, la Jamestown Foundation. Sa "volonté d'exécuter vigoureusement tous les ordres l'emporte" sur toute autre question.
Bombardements contre des civils
En Syrie, Sourovikine est accusé d’avoir ordonné des bombardements sans discrimination contre les combattants anti-régime. Notamment à Idlib, comme le relève un rapport de l'organisation Human Rights Watch publié en 2020. En Ukraine, le chef du renseignement lui attribue des frappes à Odessa contre un immeuble et deux camps de vacances.
New Russian commander for war: Gen. Sergei Surovikin. He committed military crimes in Chechnya, Syria, coordinated operations on Donbas.
— Anton Gerashchenko (@Gerashchenko_en) October 9, 2022
He is guilty of thousands of civilian deaths. Surovikin must be prosecuted as war criminal. His close people must be under severe sanctions pic.twitter.com/VH1NsfeEMR
Mais sa notoriété sulfureuse ne s'est pas construite que sur les champs de bataille : en 1995, il est reconnu coupable de vol et de vente d’armes mais sa condamnation sera annulée. En 1991, lors d'une tentative manquée de coup d’État, il envoie son unité contre les barricades des manifestants pro-démocratie. Bilan : trois morts. Il passe quelques mois en prison, libéré par Boris Eltsine au prétexte qu’il avait "simplement suivi un ordre".
"Pendant plus de 30 ans, la carrière de Sourovikine a été entachée d'allégations de corruption et de brutalité", ont écrit le renseignement britannique dans un récent rapport sur la probable promotion de Sourovikine, rapporté par le Guardian. Sa nomination, dimanche 9 octobre, a été saluée par une autre personnalité trouble proche du Kremlin : le chef des mercenaires de Wagner, qui salue "le commandant le plus capable de l’armée russe".
Passer à la vitesse supérieure
Sa nomination a été rendue publique, ce qui est rarissime. Son prédécesseur n'avait pas eu droit à cet honneur, même si les médias russes évoquent le général Alexandre Dvornikov, lui aussi vétéran de la deuxième guerre de Tchétchénie et commandant des forces russes en Syrie. Elle a plusieurs objectifs : créer un choc psychologique – "donner un coup de fouet au moral des troupes" alors que depuis début septembre l'armée russe a perdu beaucoup de terrain dans le Donbass – et faire taire les critiques de plus en plus ouvertes – le patron du Comité de Défense de la Douma a appelé l'armée à "arrêter de mentir" sur ses défaites, expliquant que ça allait commencer à poser des problèmes de crédibilité.
C'est également une façon de donner des gages aux nationalistes purs et durs du gouvernement, le signal que les choses vont se durcir. "Il est hautement symbolique que Sergueï Sourovikine, le seul officier qui a ordonné de tirer sur les révolutionnaires en août 1991 et qui a effectivement tué trois personnes, soit maintenant en charge de ce dernier effort pour restaurer l'Union soviétique", a tweeté, samedi 8 octobre, Grigory Yudin, politologue et sociologue russe. Sourovikine a le profil parfait pour venger l'affront de l'attaque du pont de Crimée.
Update: Dnieper getting destroyed. This morning's attacks on Ukraine are relentless. #UkraineRussianWar https://t.co/EQAEEC5MDn
— The Monitoring Station (@geopol_monitor) October 10, 2022
Moins de 24 heures après sa nomination, il y a eu des bombardements sur la ville de Zaporijjia. Lundi matin, c'est le centre de Kiev, épargné depuis le 26 juin, qui été touché par plusieurs explosions. Les villes de Lviv, Ternopil dans l'ouest et Dnipro dans le centre ont également été visées.
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