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Jamaïque : la peur d'une pénurie d'herbe au pays de la fumette

La Jamaïque, pays de Bob Marley, du reggae et des rastas, fait face depuis quelques mois à une baisse de production inédite. La crainte d'un manque de Marijuana grandit sur l'île.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un plan de maijuana au musée de Bob Marley à Kingston (Jamaïque). (ROBYN BECK / AFP)

Certes la Jamaïque n'est pas le plus gros producteur de cannabis au monde. Elle est même très loin derrière le Maroc ou le Mexique. Mais elle est sans doute l'un de ceux où l'on fume le plus, question de culture. Aujourd'hui l'île s'inquiète. La production n'a jamais été aussi basse. Alerte aux ruptures de stock sur la "ganja" !

En cause, le climat... et le coronavirus

Deux explications. La première est climatique: l'an dernier, la saison des ouragans en mer des Caraïbes a été terrible. Les plantations ont été détruites par les vents, noyées sous les pluies... avant de subir une sécheresse hors norme.

L'épidémie de coronavirus est aussi en cause : avec un couvre-feu très strict à 18 heures, comme en France, les agriculteurs n'ont pas pu s'occuper de leurs champs la nuit, comme ils en ont l'habitude.

Dans certaines zones, il n'y a pas de route : il faut faire de très longs trajets à pied pour chercher l'eau au puits ou à la source et arroser les cultures. Pas simple quand les horaires sont contraints. Certains producteurs ont fini par tout arrêter.

Résultat, la production est en chute libre, un Jamaïcain explique qu'au lieu de produire 300 kilos comme il l'espérait, il ne pourra en fournir que 180, quasiment deux fois moins. Les pertes pour le secteur se chiffrent à plusieurs dizaines de milliers de dollars.

L'usage thérapeutique (et religieux) autorisé

En Jamaïque, la consommation de cannabis est légale depuis 2015 à des fins médicales, scientifiques - ou religieuses, pour les rastafaris notamment qui considèrent la ganja comme une herbe sacrée.

En-dehors de ces usages, la consommation récréative a elle été dépénalisée. On peut cultiver jusqu'à cinq plants par personne et avoir sur soi jusqu'à 56 grammes, sans risquer ni arrestation ni casier judiciaire.

Le gouvernement a distribué quelques dizaines de licences à des entreprises pour la culture, le transport et la transformation de la marijuana. Mais la production pour le marché légal est très encadrée, très contraignante, et au final assez peu importante, avec des prix élevés (le cannabis est vendu dans des herboristeries officielles).

Les autorités ont tenté de rassurer : "Non, il n'y a PAS DE PENURIE de marijuana médicale sur l'île !" C'est en réalité le marché noir, alimenté par des planteurs non officiel, où le pot se négocie cinq à dix fois moins cher, qui est le plus touché. Or c'est là que s'approvisionnent majoritairement les locaux et les touristes.

Enfn des touristes, en ce moment, il n'y en pas beaucoup. Les frontières sont très contrôlées, un grand nombre de plages fermées. C'est surtout la consommation locale, qui a considérablement augmenté avec le confinement, qui explique qu'aujourd'hui, la demande dépasse largement l'offre.

Un acteur mondial de l'exportation

Manquer d'herbe au pays de Bob Marley pourrait prêter à faire sourire, pourtant l'enjeu financier est colossal. Chaque fois qu'à travers le monde un pays assouplit sa législation, les perspectives d'exportations - et de profits - augmentent. La Jamaïque "doit devenir un acteur mondial" dit le ministre de l'Agriculture.

L'île a déjà commencé à fournir le Canada en huile de cannabis concentrée. Elle vise d'autres marchés comme l'Australie et l'Allemagne. Des pays qui devront encore attendre un peu avant de profiter des plaisirs de la ganja.

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