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L'Australie retire ses caméras de fabrication chinoise

C'est une question "de sécurité nationale". L'Australie va supprimer et remplacer les caméras de surveillance de fabrication chinoise qui équipent ses bâtiments officiels.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Une femme passe devant une caméra de surveillance fabriquée en Chine à Melbourne (Australie). (WILLIAM WEST / AFP)

Il y en a partout, dans quasiment tous les ministères, dans les bureaux des agences de renseignement, chez les avocats du gouvernement. Un audit dévoilé la semaine dernière a révélé la présence d'au moins 913 caméras "made in China" sur plus de 250 bâtiments officiels.

Dans la foulée de ce rapport, le ministère de la Défense s'est lancé dans une grande opération démontage. À sa suite, Canberra annonçait mardi 14 février que les caméras équipant les immeubles d'un certain nombre de personnalités politiques allaient elles aussi être retirées d'ici avril.

Depuis 2017, la loi chinoise contraint toute organisation, tout citoyen à "coopérer avec les services de renseignement". Bien sûr, l'Australie n'a aucun moyen de savoir si les données potentiellement sensibles collectées par les caméras sont transmises aux services secrets à Pékin, c'est une question de précaution, de morale aussi.

Deux sociétés impliquées dans la répression des Ouïghours

Les caméras ont été fabriquées par deux sociétés, Hikvision et Dahua, impliquées dans la surveillance massive et la répression de la minorité ouïghoure. Les Etats-Unis considèrent déjà que tous leurs produits représentent "un risque inacceptable pour la sécurité nationale" ; en novembre, ils ont interdit leur vente et leur importation. Y compris pour les routeurs wifi ou les téléphones portables destinés aux particuliers.

Hikvision assure qu'elle n'a pas accès aux données vidéo des utilisateurs et qu'elle ne peut donc pas les transmettre à des tiers, en bref qu'il est "catégoriquement faux" de la présenter comme une menace pour la sécurité nationale. À Pékin, les autorités accusent Canberra de "faire un mauvais usage de sa puissance nationale pour discriminer et réprimer les entreprises chinoises". Mais le Premier ministre Anthony Albanese ne se laisse pas démonter, il assume agir "conformément à l'intérêt national" "et de manière tout à fait transparente".

Ses relations sont plutôt bonnes avec Pékin, ils espèrent éviter les tensions qui s'étaient produites en 2018 quand Canberra avait interdit à Huawei d'utiliser son réseau 5G et que la Chine avait riposté par des restrictions sur les exportations australiennes.

Une situation déjà dénoncée en 2018

La même année, une enquête du service investigation d'ABC (en anglais) avait déjà révélé la présence de ces caméras. Une était notamment installée dans l'une des installations de défense les plus secrètes d'Australie, la base RAAF Edinburgh à Adélaïde, un centre de renseignement, de surveillance et de guerre électronique. Le ministère de la Défense avait retiré la caméra dès qu'il avait eu connaissance de sa présence.

D'autres ont été découvertes suspendues directement au-dessus de l'entrée d'un immeuble de bureaux privé dans la banlieue de Canberra, qui abrite des bureaux du ministère de l'Intérieur et du Procureur général, le centre australien de lutte contre le blanchiment d'argent et une annexe de l'une des six agences de renseignement australiennes, l'Office of National Assessments. La caméra surveillait toutes les personnes entrant et sortant de ce bâtiment, mais elle disposait également d'un champ de vision qui couvrait le siège du Premier ministre... Mais le gouvernement n'avait alors pas procédé à un retrait généralisé.

Un effet en chaîne

Cette décision va sans doute donner des idées à d'autres ! En novembre le Royaume-Uni a déjà interdit toute nouvelle installation de Dahua et Hikvision sur des "sites sensibles", il réfléchit aujourd'hui à leur retrait, la décision de Canberra pourrait accélérer les choses.

En Irlande, un député, Patrick Costello, a aussi cité en exemple l'Australie pour réclamer le retrait de ces équipements - largement présents dans le Parlement à Dublin.

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